(...) Et bien déjà, le film ne prend pas le genre de haut. Certes, Wyler et Peck ont un ton qui dénote un peu avec d'autres westerns de l'époque, et ils ne cherchent pas à être subtil. Mais ça reste aussi un western de classe, avec des acteurs crédibles, une reconstitution soigneuse, un vrai amour pour ses personnages et un grand soin apporté à la photographie. (...) Il n'y a pas vraiment de méchant entre Terrill et Hannassey, chacun représentant respectivement les USA et l'URSS. Ces deux propriétaire terriens s'affrontent, se défient, cherchent à exterminer l'autre mais aucun n'est fondamentalement mauvais ou détestable (cela se joue plus sur les interprètes, et le physique de Charles Bickford est un peu moins bonhomme). Ce côté moins manichéen n'est pas pour me déplaire, le point de vue du personnage de Peck s'en trouvant bien sûr renforcé. Mais il apparaît comme incontestable et largement plus rationnel. Pour autant, McKay n'est pas un personnage imbu de lui-même et donneur de leçons. Il s'agit encore moins d'un ado tête à claques, bien pensant et méprisant. Juste un homme avec un certain vécu (son passé de marin est peu évoqué mais il lui a permit de voir d'autres choses et de beaucoup apprendre), une philosophie différente de ces hommes qui vivent différemment, qu'il respecte néanmoins dans une certaine mesure, qui sait ce qu'il veut, qui a une ligne de conduite et qui ne se reconnaît pas dans ce monde traditionaliste et démonstratif. Lui, c'est un type posé et réfléchi, qui fait ce qu'il lui semble juste quand il se sent prêt, qui vit sa vie sans trop se soucier de l'avis des autres et qui compte bien faire valoir ses vues. Un western volontiers pacifiste donc (les coups de feu sont rares) mais pour autant, pas ennuyeux et loin d'être pompeux dans son discours. Plastiquement, le film est aussi splendide, avec des plans sur les paysages proprement bluffants. Il faut voir ces plans larges avec ces silhouettes noires qui se découpent au milieu de paysages grandioses. Il y a aussi ce combat à poing nu, filmé dans des plans très larges, durant une aube naissante, des plans d'une beauté formelle ahurissante. Les scènes en intérieur sont également magnifiques, avec une belle richesse chromatique et des éclairages qui mettent en valeur les couleurs et le glamour des actrices. Et que dire de la qualité du découpage et des cadrages de Wyler, c'est une véritable leçon de placement de la caméra et de gestion du rythme d'une épopée. Surtout, ça a beau être un film ostentatoire dans son idéologie, sans doute un peu trop long (sans être pour autant barbant ou longuet), je ne le trouve pas puant ou simplement moralisateur. Le fait de regarder ce film sans en connaître le sous-texte n'en atténue pas la portée. C'est un film humaniste, qui prône le dialogue mais qui, pour autant, ne sacrifie pas ses personnages. Alors certes, celui de Carroll Baker disparaît un peu trop abruptement dans le dernier acte sans que son sort apparaisse comme résolu, mais pour les autres, il y a quelques nuances qui font du bien. Celui de Heston connaîtra une vraie progression, une vraie prise de conscience, tandis que le destin de celui de Jean Simmons ne sera pas aussi prévisible qu'on pourrait le croire. Cet état de fait me permet de dresser un parallèle avec un film que j'ai vu dans la foulée, qui partait des mêmes intentions progressistes et bien pensante, mais qui se ramasse plus violemment, à savoir le surestimé "Premier contact" de Denis Villeneuve. Film de SF bien-pensant, consensuel et moralisateur, le film échoue à développer des points de vue contradictoires (tout est vue à travers le prisme de son héroïne), aucun personnage secondaire n'évolue et se réduit à une simple fonction, le propos est bien plus manichéen et surtout, il s'avère bien plus conservateur qu'il n'en a l'air. Un film qui dicte ses dogmes avec la virulence d'un dictateur tout en prônant la tolérance envers son prochain. Tout le contraire de ce grand western donc, qui a aussi pour lui une musique grandiose qui rehausse certaines séquences, des acteurs au top, une mise en scène magistrale et un propos intelligent. Alors certes, il n'est pas le premier du genre, et encore moins le dernier, son importance dans le genre n'est pas aussi définitive qu'il l'aurait souhaité et on peut toujours contester le fait que l'homme qui nous dicte notre bonne conduite ne soit pas aussi irréprochable que ça (son comportement sur le plateau avec Carroll Baker notamment) mais il reste un grand film, intègre dans sa démarche et foncièrement sympathique, réussi et éblouissant. Une bonne surprise pour ma part. Quant à son influence sur la bonne marche du Monde, il faut savoir que le président Eiseinhower l'a vu quatre soirs de suite, sans pour autant engager de réconciliation forte et durable avec l'URSS. La critique complète sur thisismymovies.over-blog.com