Le jour où l'on saura vers où se dirige Soderbergh, le cinéma nous paraîtra bien plus simple. Le jour où il ne fera que des bons films, peut-être aura-t-il plus d'importance qu'il n'en a déjà dans le cinéma contemporain. Contemporain, ce cinéaste atypique et touche-à-tout l'est assurément. Expérimental ("The Bubble" ou le récent "The Girlfriend Experience") ou grand public ("Hors d'Atteinte" et la série des "Ocean's"), analyste historique et sociologique ("Che", "Traffic") ou entre deux eaux, populaire et décalé, confortable et incompréhensible, comme "The Informant!", l'histoire d'un mythomane, pour résumer. N'y allons pas par quatre chemins : le plaisir tient avant tout sur Matt Damon, savoureux et méconnaissable quand on voit le ravin qui le sépare entre l'énergie d'un Jason Bourne et le bide plein de maïs de ce cadre sup de l'agro-alimentaire. Sa capacité à endosser un peu n'importe quel rôle, sans jamais faire n'importe quoi, prouve qu'il est bien l'un des plus talentueux comédiens américains de sa génération. Les dialogues aussi, piquants comme du maïs trop cuit, craquent sous les dents et font leur effet. "The Informant!", pour le reste, fonctionne et ne fonctionne pas dans le même temps. Tout est basé sur le décalage : sur une situation importante dans le cinéma de genre, la musique se fait big band à la Tex Avery. D'un discours mathématique auquel on ne comprend pas grand-chose s'ensuit une pensée intérieure dudit Matt Damon qui se demande, entre autres, comment les ours polaires peuvent savoir s'ils ont le museau noir. De ses pensées lapidaires, anecdotiques, en syncope de tout le reste, dépend la clé entière du film : on n'adhère, ou pas, à cette satire du milieu mais aussi cette satire du cinéma politiquement correct et prévisible. En dynamitant les propositions consensuelles, Soderbergh tire parti de son sujet et créé une sensation de jamais-vu sur un thème éculé ("Arrête-moi si tu peux" n'est pas loin). Dommage alors que le cinéaste n'ait pas poussé l'