Le problème avec Welles, comme avec Tarantino par exemple, c'est qu'on a toujours l'impression que la seule chose qui l'intéresse vraiment, c'est de montrer à quel point il est un grand réalisateur. L'histoire, la construction d'un récit et de personnages convaincants ne viennent qu'après. Pas un plan qui ne soit soigneusement pensé pour mettre en évidence le "génie" du maître. Rien de naturel, rien de spontané, rien de simple - tout dans l'effet, et fortement appuyé. Bien sûr, Orson a beaucoup d'idées, souvent intéressantes, parfois brillantes, qui à l'époque étaient certainement novatrices. La scène dans l'aquarium, le final dans le labyrinthe de miroirs, entre autres, sont des moments marquants. Mais une telle ostentation devient vite lassante, et surtout, aucun fil conducteur solide ne vient donner cohérence et puissance dramatique au film qui, du coup, fait très "fabriqué". Rita Hayworth est correcte, sans plus; Orson est un comédien moyen (beaucoup de présence, aucune subtilité) et une voix off envahissante. Très bon tandem, en revanche, formé par Everett Sloane et Glenn Anders. Cela ne suffit pas: "La Dame de Shanghai" reste essentiellement un patchwork de numéros de haute voltige, réalisé par un virtuose de la caméra à l'ego généreusement dimensionné.