J'ai fait partie des neuf millions de Français qui ont vu "Les Choristes", et sans être aussi enthousiaste que beaucoup, j'avais trouvé cette histoire d'humanisation d'une maison de correction par la grâce du chant plutôt réussie. Et puis, quelques temps après, j'ai regardé sur une chaine cinéma "La Cage aux rossignols", le film de Jean Dréville de 1945 dont il était le remake : tout ce qui m'avait plu dans le film de Barratier s'y trouvait déjà, ce dernier ayant poussé la copie juqu'à choisir des acteurs ressemblant aux créateurs des rôles ou à reproduire décors, choix de cadrages et mouvements de caméra à l'identique ; par contre, tout le bric-à-brac larmoyant qui m'avait déplu avait été rajouté dans la version moderne.
Fort de son succès, Christophe Barratier a obtenu de gros moyens pour son deuxième film : reconstitution d'un Faubourg à la Trauner et Doisneau, casting transgénérationnel (pour la comédie à la Yves Robert : Pierre Richard ; pour la génération du Splendid : Gérard Jugnot ; pour les Deschiens : François Morel ; pour l'esprit Canal : Kad Merad) et mouvements de caméra sophistiqués, comme ce plan-séquence d'ouverture avec traveling glissant au-dessus des toits de Paris, descendant le long de la façade, accompagnant Kad Merad à la rencontre de Jugnot, puis suivant ce dernier à l'intérieur du théâtre, avec des raccords fondus au noir comme dans "La Corde"" ou "Snake Eyes". Seulement voilà, Barratier n'est pas Hitchcock ni De Palma.
Car ici, gros moyens riment avec grosses ficelles : un scénario affligeant, dégoulinant de bons sentiments, bourrés de clichés (le père devenu chômeur qui se voit retirer son enfant et qui sombre dans l'alcool, la mère qui bloque les lettres du pauvre petit, le méchant riche qui dirige un parti fasciste, la petite provinciale qui ensorcèle Paris...), des dialogues à l'avenant du style "Tu nous fatigues avec ta politique" "Tu parles du droit des travailleurs ?" ou encore "Regarde ce qu'il a fait de moi le monde"... Quand Jacky présente son numéro d'imitations minables et qu'on nous montre la gêne dans le public devant un tel fiasco, il y a comme une mise en abyme du malaise des spectateurs du film.
Comme "Les Choristes", "Faubourg 36" baigne dans une nostalgie de l'âge d'or du cinéma français, jusqu'à le plagier sans mise à distance, comme si le cinéma n'avait pas évolué depuis Duvivier, Carné, Grémillon ou Renoir. Le personnage de Clovis Cornillac ressemble à un mix des grands rôles d'avant-guerre de Jean Gabin, le pittoresque des personnages incarnés par des seconds rôles se veut hommage à Carette, Dalio ou Saturnin Fabre, et jusqu'au prénom de la jeune héroïne, Douce, qui évoque le film d'Autant-Lara.
Surnagent dans ce pensum balourd quelques scènes furtives, comme l'enterrement de la fin, les chansons de Franck Thomas et Reinhardt Wagner qui rappellent Trenet voire Ferré (période "Est-ce ainsi que les hommes vivent") et surtout le premier rôle de Nora Arnezeder, aussi à l'aise dans son jeu d'actrice que dans celui de chanteuse.
Heureusement que "Faubourg 36" n'a pas été sélectionné pour représenter le cinéma français aux Oscars : après "Amélie Poulain" et "La Môme", inutile de renvoyer une nouvelle fois cette image béret basque et baguette que le cinéma américain a adopté chaque fois qu'il s'agit de représenter l'hexagone.
http://www.critiquesclunysiennes.com