Les réalisateurs Vit Klusak et Filip Remunda expliquent comment l'idée d'une arnaque illustrant le pouvoir de la publicité leur est né : "Au départ, nous avons été inspirés par un "happening" monté par Petr Lorenc, un metteur en scène de théâtre qui, en 1997, a distribué lui-même des centaines d'affiches pour l'ouverture de son hypermarché bidon, le Gigadiga. L'inauguration s'est faite dans une prairie vide, où Petr avait installé une bannière qui disait "Allez plutôt vous promener dans les bois ! (...) Ce qui nous a fasciné dans le happening de Petr, c'est qu'il ne s'attachait pas à appréhender le problème de manière intellectuelle, mais plutôt poétique. Nous avons alors décidé de tenter d'investir de manière subversive un domaine que Monsieur et Madame Tout le Monde n'ont d'habitude pas l'occasion d'approcher : le fonctionnement des sociétés internationales, des consultants marketing, des créatifs d'agence, mais aussi des politiciens. C'est-à-dire tout un ensemble de gens qui ont un impact certain sur notre environnement."
Les réalisateurs expliquent pourquoi ils ont réalisé Un rêve tchèque : "Nous voulions que le spectateur puisse découvrir les coulisses d'où sortent toutes ces images publicitaires, ces slogans pleins de fraîcheur, de joie et de bonheur. Nous avons commandité une campagne publicitaire pour promouvoir un "rien", quelque chose qui n'existait pas en réalité. Nous étions curieux de voir comment les publicitaires allaient relever ce défi. Comme au judo, nous avons utilisé la force de la publicité pour que son poids se retourne contre elle."
Un rêve tchèque a eu de nombreux noms de codes, dont "L'hypermarché à visage humain", de sorte que même des membres de l'équipe ne savaient pas que le projet était une supercherie. Les réalisateurs expliquent que "La campagne de pub était construite sur le principe du teaser, c'est à dire suspens et mystère. Nos annonces disaient "N'y allez pas, ne dépensez pas votre argent, ne faites pas la queue ! Ouverture le 31 mai à 10h00 ! Où ? Vous le saurez bientôt !" Nous n'avons donné l'adresse du lieu que quelques jours avant l'ouverture."
Pour le duo de réalisateurs, Un rêve tchèque "n'est pas qu'une simple thèse sur le pouvoir du marketing. Il nous raconte l'histoire de personnes qui collaborent avec le Moloch de la Publicité, qui sont payées pour manipuler l'opinion publique, notre opinion. Et imprimer leurs slogans dans notre cortex. Dans UN RÊVE TCHÈQUE, les agissements des "manipulateurs" sont confrontés aux opinions des "manipulés". Les deux camps sont exposés à une situation en apparence absurde, et sont donc obligés de définir leur attitude face à quelque chose qui en réalité n'existe même pas."
Les réalisateurs expliquent le mode de financement, plutôt particulier, d'Un rêve tchèque : "Dès le début, nous savions qu'un projet aussi important ne pouvait être réalisé que sur le principe du contrat dit publicitaire, ce qui signifie en gros : vous nous affichez partout en ville et nous mettons votre logo au générique. La majeure partie du budget (plus des 3/4) a été couverte de cette manière. Si vous regardez les mentions au générique de fin, tous ces logos qui défilent pendant plus de deux minutes, vous en avez mal aux yeux ! De fait, il s'avère que le caractère polémique de tout cela a plutôt excité les managers que nous avons contactés. Ils nous ont expliqué que plus grand serait le scandale, plus fort serait l'impact publicitaire."
Un rêve tchèque est considéré comme le plus gros succès documentaire d'Europe de l'Est jamais produit. Fruit de ce succès : il a été acheté par Les Etats-Unis et de nombreux pays européens.
Un rêve tchèque a été présenté dans plus de trente festivals internationaux, de San Francisco à Vancouver en passant par Lisbonne ou Bangkok. Présenté dans l'hexagone à la Rochelle et à Bordeaux, le film a été sacré Meilleur documentaire et Prix du public au Festival de Cinéma de République tchèque en 2004.