Avec "Toto le héros", Jaco Van Dormael signait son premier long métrage au début des années 90, et surprenait de nombreux spectateurs avec un style original et des scènes poétiques qui restent encore dans la mémoire. Qui est ce Toto, et quel genre de héros est-il ? On pourrait parler longtemps de ce titre. Le choix de Toto plutot que de Thomas insiste sur le thème de l'enfance, primordial. Héros et anti-héros, entre réalité et phantasme, un personnage pour le moins difficile à classer. Toto nous est présenté à travers tous les ages, et en même temps via une chronologie non liénaire. Et c'est clairement l'enfance qui est essentielle ici. La naissance, même, pour être précis, et qui va décider de tout le reste! Le vieux Thomas, sous les traits de (l'excellent) Michel Bouquet, nous apparait alors comme un homme proche de la mort qui, grâce au souvenir, se remémore et revit son passé. Et Van Dormael de nous montrer la relation indissocialbe entre Toto enfant et le Toto vieux. Jacques Brel a dit un jour "un homme passe toute sa vie à compenser son enfance", et cette phrase pourrait s'appliquer sans trop de soucis à notre Toto. Entre rêve et déception, il a entretenu une relation très importante avec son passé. Il y a bien entendu la rivalité Toto-Alfred, j'ai personellement beaucoup aimé la relation Toto-Alice ou l'amour perdu qu'il tente en vain de faire revenir : lorsqu'il pense la revoir adulte et se désespère pour la transformer en celle qu'il a connu, on croirait revoir le Scottie de Vertigo! Comme dans le film d'Hitchcock, le personnage souffrira de sa dualité entre réalité et phantasme. D'un point de vue formel, Van Dormael offre une structure temporelle admirable en mélangeants les différents éléments selon les pensées (ou l'inconscient) de Toto. Il réussit à faire cela de manière très crédible, je trouve, au point que l'on peut vraiment avoir l'impression d'être plongé dans son cerveau et de suivre sa rêverie dans un ordre qui fait sens. Le cinéaste belge révèle donc beaucoup de talent au niveau du montage, avec aussi beaucoup d'originalité dans les raccords. Il y a, enfin, pas mal de poésie dans la représentation des phantasmes de Toto. Un film qui reste en mémoire et qui fait travailler la sienne (de mémoire!) pour s'interroger sur notre rapport avec notre enfance, notre "Toto" personnel.