Quel film ! Déjà plus jeune, il m'avait durablement marqué mais après l'avoir visionné de nouveau quelques années après, je peux dire que mes impressions restent inchangées : c'est irréfutablement un de mes films favoris. Etant avide d'histoire, je suis comblé avec ce long-métrage qui aborde un sujet peu usité, la guerre de 7 ans entre 1756 et 1763, guerre quasiment mondiale pour l'époque, entre la France et ses alliés et l'Angleterre et ses alliés, et dont le scénario prend ici ancrage sur le théâtre d'opérations nord-américain. On se retrouve à suivre Daniel Day Lewis incarnant (superbement) Nathaniel métisse amérindien qui, accompagné de son père adoptif Chingachgook et son frère Uncas, vont sauver les deux jeunes filles du colonel Monro en route pour le fort William Henry alors que celui-ci est assiégé par les troupes Françaises du marquis de Montcalm. La reconstitution des décors, des uniformes, la beauté des paysages naturels et la violence des combats (par armes à feu ou avec le fameux tomahawk des natifs) sont les principaux points forts qui font de cette fresque historique épique une réussite totale ! Mais finalement c'est surtout une grande histoire d'amour, pudique et décente entre Nathaniel et la fille aînée du colonel, jouée par Madeleine Stowe qui rythme le film. Dans le 18ème siècle de l'époque, elle est alors promise au jeune major Heyward, mais elle refuse ses avances car celui-ci ne saisit pas tout l'enjeu moral et philosophique de cette guerre ; l'officier rachètera d'ailleurs sa mauvaise conduite par un comportement digne d'un chevalier à la toute fin. La seconde histoire est celle entre les deux frères et leur père pourtant non issus de la même tribu indienne et la dernière romance s'articule entre Uncas et la seconde fille de l'officier Monro. L'une d'elles se terminera de manière positive mais les deux autres seront tragiques, notamment au travers d'une scène finale mémorable et époustouflante avec en fond sonore, la magistrale bande originale du duo Trevor Jones et Randy Edelman ; celle-là une fois écoutée vous hante longtemps après et vous rappelle la beauté poignante de la fin du long-métrage.
Concernant l'aspect historique, les faits sont relativement fidèles à la réalité cependant le réalisateur ne parvient pas à le rendre très clair pour le spectateur qui n'aurait pas de culture sur le sujet, et c'est sûrement le seul défaut du film. Je trouve assez amusant le fait que Michael Mann (que j'apprécie beaucoup), l'américain d'ascendance européenne, prenne le parti de montrer les Français comme offensif, cruel (par leur alliance avec les Hurons qui veulent massacrer les Anglais alors que ceux-ci se sont rendus) et ne respectant pas les termes de la reddition : en effet, dans la véritable histoire, les troupes Françaises et Moncalm lui même se sont mis en danger pour protéger la colonne Britannique des attaques Huronnes alors en retraite vers Albany et les ont accompagné. Les Français ont aussi noué beaucoup de relations avec de nombreuses tribus indiennes, et une fois la guerre de sept ans terminée en 1763, ces mêmes indiens reprirent les hostilités contre les Anglais pendant trois ans afin de montrer leur loyauté / amitié au roi de France et clamant le retour de leurs anciens alliés. On connaît enfin le sort dramatique des indiens, que leur réservèrent les Américains le siècle suivant, et les politiques d'éradication des Anglais lorsqu'ils colonisaient des territoires (les aborigènes en Australie, les maoris en Nouvelle-Zélande etc.) C'est donc une belle ironie de voir les Français passer pour les méchants mais cela donne un certain charme au film.
A noter la participation anecdotique de Patrice Chéreau pour interpréter le marquis Louis-Joseph de Montcalm.
Michael Mann au début de sa carrière signait donc un majestueux film historique et sentimental trois années avant l'autre chef d'œuvre, d'action celui-là, "Heat".