« Winchester ‘73 » est le premier western réalisé par Anthony Mann, réalisateur connu jusque là pour ses films noirs, plutôt série B, et de comédies musicales médiocres. En 1950, le western est dominé par deux maîtres : John Ford et Raoul Walsh. Howard Hawks avec « The Red River », Delmer Daves et John Sturges ne sont pas encore des références, tout comme Anthony Mann qui d’entrée frappe très fort. Sorte de western somme avec le concours de tir, les bagarres, les gunfights, l’attaque de la cavalerie par les indiens, le holdup up de la banque, les grands espaces, les poursuites, sans oublier le café à la belle étoile et le whisky dans le saloon. Ne manquent que la ruée vers l’or et la construction du chemin de fer. Bien sur il y a le tireur ultra rapide, le héros juste et droit, la canaille, la sexy pianiste de saloon et même Wyat et Virgil Earp (mais sans Doc Holliday). Cette accumulation n’encombre pas le film mais, par un découpage naturel, permet d’enchaîner les séquences avec beaucoup de rythme, tant la maîtrise de la mise en scène de Mann est évidente. Allant toujours à l’essentiel, jusque dans l’utilisation des sites qui, en devenant un élément à part entière de l’action, permettent d’échapper à l’aspect contemplatif du cinéma de John Ford, dont il perd néanmoins le génie et le ressenti, mais au profit de l’efficacité. « Winchester ‘73 » est également le premier d’un cycle de cinq westerns avec James Stewart comme interprète principal. Ce dernier essayait de s’échapper du cinéma léger où Hollywood l’avait peu a peu enfermé et dont Hitchcock et Hathaway tentait de le sortir (respectivement avec « La Corde » et « Appelez nord 777 », en 1948). Ainsi Stewart se lança dans deux westerns en cette année 1950, l’autre étant « Broken Arrow » de Delmer Daves, mais dans un rôle plus « pacifié » qu’ici. S’il n’a pas la carrure des John Wayne, Joel McCrea ou encore Randolph Scott, il apporte une intensité rageuse d’autant plus marquée qu’elle s’accompagne de moment de silence (Scott également est peu loquace, surtout chez Boetticher). Le casting d’une manière générale est bien choisit et le réalisateur dirige avec justesse comme par exemple dans la séquence de l’attaque indienne, où Jay C. Flippen et Shelley Winters apportent une respiration sous forme de baisers. Mais surtout, c’est la naissance du western psychologique, les personnages portant leur part d’ombres névrotiques, issus de traumas passés pas encore exorcisés. Ainsi Caïn et Abel ne sont pas loin, rassemblés par l’obsession fétichiste pour l’instrument parfait dont la fonction principale est de tuer. Les 92 minutes du métrages, magnifiquement photographié par William H. Daniels, passent trop vite “The end” venant presqu’à regret.