Voilà sans doute ce que le regretté Tony Scott aura offert de meilleur tout au long de sa carrière. Adaptant un scénario cosigné par Quentin Tarantino et Roger Avery, scénario vendu en vue du financement d’un certain Reservoir Dogs, le cinéaste britannique livre un polar au casting cinq étoiles, un film ronflant aux multiples séquences cultes. Du grand amour naissant entre Clarence et Alabama découlent de gros ennuis. Fuyant Detroit, une valise pleine de cocaïne volée à la pègre dans le coffre de leur voiture, les deux amants fous tenteront la revente à Hollywood. C’était sans compter sur une bande de bras cassés pas vraiment fiables et la pugnacité du clan mafieux lésé. En grande pompe, Tony Scott nous offre en primeur l’esprit Tarantino, celui qui caractérisera notamment ses trois premiers films, de Reservoir Dogs à Jackie Brown en passant par Pulp Fiction. Si cela ne semble plus envisageable de nos jours, en 1993, le scénariste pouvait à lui seul définir un long-métrage. Cependant, cela n’enlève rien au mérite de Tony Scott, offrant un savoir-faire impeccable au service de cette furieuse odyssée criminelle américaine.
Notons, à titre informatif, que True Romance n’est que la première moitié du scénario du tandem Tarantino/Avery. La seconde partie ayant donné lieu à l’adaptation de Tueurs nés, d’un certain Oliver Stone, cela permettant assez vite d’annoncer le couleur et d’y faire quelques connexions amusantes. Bref, True Romance trouve très vite sa vitesse de croisière, de la rencontre un brin mièvre entre les deux amants jusqu’à la conclusion sanglante californienne. Mais ce qui prime ici est sans doute la qualité du casting, et quand bien même les personnages principaux soient incarnés par deux jeunes talents s’étant raréfié par la suite, j’ai nommé Christian Slater et Particia Arquette, l’ensemble tient tout simplement de l’évènementiel. Tony Scott profite donc d’une myriade de comédiens, de Dennis Hopper à Christopher Walken en passant par James Gandolfini, Michael Rappaport, Brad Pitt en mode jeune inconnu mais déjà dément en hippie flémard, Chris Penn ou encore Tom Sizemore, sans oublier un Gary Oldman préfigurant de la folie de son personnage dans un prochain Léon.
Tout ce beau monde, à l’exception du couple vedette, n’apparaîtra que peu à l’écran. Mais pour certains, ses quelques apparitions suffiront à l’avènement de scènes cultes. Comment oublier cette formidable leçon d’histoire sicilienne à Christopher Walken par le génial Dennis Hopper? Comment rester insensible face à la confrontation plutôt sanguinolente entre Particia Arquette et le futur légendaire Tony Soprano, dans une chambre de motel bientôt ravagée? On peut aussi se remémorer la chouette scène de négoce en grand huit ou encore la fusillade finale, grand moment de nihilisme quasi anti-hollywoodien. Décidement, marqué par la patte de ses scénaristes, Tony Scott sera parvenu à concurrencer, le temps d’un film, les grands exploits de son frangin, le dénommé Ridley, se rapprochant sans doute, culturellement parlant, de son Thelma et Louise.
Film appréciable pour ses séquences prises indépendamment, mais aussi pour son ensemble narratif finalement très harmonieux, True Romance est sans doute l’une des polars les plus marquants des années 90. Préfigurant la carrière future de Quentin Tarantino, offrant maintes séquences cultes, résonnant de la partition toute particulière de Hans Zimmer et finalement plus grand succès de Tony Scott, sur le plan artistique du moins, le film est un indispensable. 17/20