Bushman doit beaucoup à l'interprétation de Paul Eyam Nzie Okpokam, qui déroute la chronique attendue des errances de la contre-culture vers une réflexion plus profonde sur la solitude de l'exil, l'engagement et la communauté.
L’aboutissement de la démarche de Nicolas Philibert, bien plus qu’une clausule ou un épilogue. Après l’imaginaire et le symbolique, voilà abordée la dimension du réel.
En contemplant la distance sinon l’indifférence de la ville actuelle envers les tragédies historiques autrefois vécues dans ses rues, impossible de savoir s’il admire la capacité d’Amsterdam à continuer à vivre (sa résilience, s’il faut employer le mot) ou s’il condamne sa volonté d’oubli.
La fascination pour les conventions et la complaisance envers la brutalité exhibent une artificialité tellement assumée qu’elle s’abreuve aux eaux croupies de l’hommage.
Au meilleur d’Indivision, les images jaillissent comme des éclats d’énergie, polarisées par des événements lumineux (incendies, phosphorescences, irisations) qui donnent à une forme abstraite des points d’appui.
Shlomi pensait fuir, mais il a fait pire : il a disparu, et cela fait qu’il peut désormais « appartenir » à tout le monde, être un sujet de débat médiatique, un instrument de guerre. L’idée que tout citoyen israélien incarne son peuple et son État transforme ainsi son geste en drame national, et plutôt que de le libérer lui confère une responsabilité in absentia qui est le comble paradoxal de sa subordination.
En un malicieux clin d’œil au regard que l’on pourra porter sur ce récit, une sorcière reproche aux enfants de lui avoir fait perdre son temps et son argent. C’est précisément l’invitation que formule Riddle of Fire : celle de renouer avec une précieuse capacité à s’égarer avec conviction.
Tout cela pourrait se dérouler en 1990 comme en 2010 et donner lieu à une série sans bouleversement majeur tant LaRoy forme un territoire atemporel, extensible et rassurant. Les stables types comiques qui le peuplent, aussi sympathiques qu’ils soient, interdisent toute irruption du temps présent et des fractures politiques qu’il induit.
Le machinima a l’intelligence d’exposer son processus de fabrication et de ne se fier qu’à lui ainsi qu’aux conditions de son existence, autorisant une déstabilisation permanente : documentaire sur un jeu vidéo ou sur le survivalisme ?
Rosa et ses copains composent des adieux déchirants qui se regardent faire, ce que le film prend à bras le corps, sans réserve : en somme, tout le petit monde de L’Île (personnages et équipe du film) croit à l’émotion qu’il se raconte, restant un peu clos sur lui-même.
Chaque séquence semble rejouer ad nauseam le combat des fils et des pères sans trouver de résolution, les premiers étant trop faibles pour l’emporter, et les seconds trop égoïstes pour céder leur place.
En retournant la violence à l’intérieur de son propre pays, Garland ne questionne ni la violence ni son pays (pour cela, même n’importe quel volet d’American Nightmare fait mieux l’affaire). Il propose une vague virée critique où notre voyeurisme se projette dans celui des protagonistes journalistes, construits selon les pires clichés sur le photojournalisme de guerre façon Hollywood.
S’éloignant du démontage des mécanismes d’un piège, Demoustier s’efforce de rendre visible la logique d’une liberté individuelle qui finit par brouiller les rapports entre vérité et mensonge, fidélité et trahison.
Les bons sentiments ne sentent pas la naphtaline ici, mais le slime et le plastique de jaquette VHS. De manière grossière, la franchise en profite pour resservir les spots publicitaires de ses produits dérivés de la décennie 1980.
Au-delà de l’intéressant MacGuffin social, économique et politique de sa barbe, Rosalie aurait pu espérer un traitement aussi complexe que la vie et la personnalité de Clémentine Delait qui l’a inspirée, si le film avait soutenu le regard de son héroïne – et de son actrice.
La vertu de Quitter la nuit est d’apparaître comme le film de l’après et du temps long, interrogeant tout autant l’inadéquation du système judiciaire et la difficile réception de la détresse de la victime que les échos qu’elle suscite dans la vie de l’enquêtrice et le cheminement de l’agresseur – du déni familialement encouragé à l’éventuelle prise de conscience.
Pris en tenailles entre une asphyxie politique et la recherche poétique d’un espoir, Par-delà les montagnes articule avec difficulté les moments de tension à l’abandon contemplatif.
[…] satire d’une certaine conception du cinéma indépendant qui, malgré son ambition d’échapper aux dérives de l’industrie, obéirait à la même logique économique et aux mêmes rapports de force que le cinéma commercial.
« Mon monde serait totalement bouleversé », soupire une jeune restauratrice, qui risque de voir l’eau qu’elle utilise pour ses udons salie par les rejets de la fosse septique du glamping. Un « monde », le mot est lâché et situe en même temps l’horizon de la fiction chez Hamaguchi : par-delà les individus, déplier des mondes, créer des vis-à-vis entre des blocs de subjectivité que rien ne rapprochait au premier coup d’œil.
Sylvie a beau briller par son humanité fébrile, dire qu’elle n’a pas le pouvoir de décider qui vivra et mourra, craindre les mouches porteuses de mauvais présage, son dévouement à son travail […] est présenté comme un sacrifice. Talonnée par la caméra, parfois interrogée de face, c’est elle et son sacerdoce, plus que le dysfonctionnement de l’hôpital ou les soins prodigués, qui intéressent le réalisateur : chaque échange avec ses collègues ou ses proches ajoute à son mérite.