"Orange is the New Black" est la nouvelle série de Jenji Kohan. Cette fois, il s’agit d’une série carcérale, basée sur le livre de Piper Kerman, une femme qui, comme l’héroïne, a transporté une valise d’argent par amour pour une trafiquante et, peu de temps après ses fiançailles, s’est retrouvée dans le même type de prisons pour femmes. Le fait que ce soit adapté d’une expérience vécue rend le show crédible. On retrouve la touche "Jenji Kohan", avec cet humour si particulier, parfois potache, parfois noir même dans les situations tragiques, ce qui vaut à la série d’être classée comme comédie dramatique, comme l’était "Weeds". Dans les deux séries, on retrouve des personnages féminins forts, victimes de la lâcheté, voire la méchanceté ou la stupidité des hommes. Des femmes (du moins les rôles principaux dans les deux shows) qui, par amour ou pour leur survie, franchissent allègrement la ligne jaune et finissent par s’enfoncer de plus en plus, au point d’être isolées. On retrouve ce goût pour les génériques originaux avec des musiques qui marquent. Ce qui différencie les deux séries, c’est que dans "Weeds", bien que les personnages secondaires soient importants, le personnage principal, Nancy Botwin, est clairement le leader de l’histoire. "Orange is the New Black", ce serait presque le contraire : certes, le destin de Piper est important et c’est le sujet premier de la série, mais on pourrait presque parler de "série chorale" tant, à l’instar de "Game of Thrones", ce sont la quasi-totalité des personnages qui sont importants, et leurs interactions suscitent un intérêt similaire au personnage principal. Des personnages bien dessinés, sans que les intrigues entre eux soient non plus trop complexes, car vu leur nombre, on se retrouverait vite paumés, mais dont le passé est expliqué (l’originalité de la série étant de montrer à chaque épisode ce qui a poussé telle personne à se retrouver en prison). On y retrouve la fanatique religieuse hystérique, une transsexuelle, une lesbienne de type camionneuse, des ex-amantes, une prof de yoga paumée, une qui semble avoir fait vœu de silence, une perchée, une raciste bien qu’elle s’en défende, une matrone russe, une rivalité mère/fille, mais aussi certains encadrants tordus dont un gardien parfait salopard surnommé Pornstache (à cause de sa moustache d’acteur porno des années 80). Ces multiples personnages et leurs destinées variées permettent d’aborder des thématiques qu’on retrouve dans les fictions carcérales (tensions entre communautés, notamment entre détenues noires et latinas, éloignement avec la famille, relations à distance avec les conjoints, promiscuité et la perte d’intimité que cela génère, matons au comportement abusif, la perte de repères hors les murs…) mais aussi des thèmes plus larges comme la drogue, l’homosexualité et l’homophobie, la perte d’identité sexuelle, le milieu social qui tend à favoriser la précarité, la maternité ou son absence, la condition féminine, les pro-life… Sinon, "Orange is the New Black" est également porté par une réalisation solide, une très bonne bande originale et par un casting de premier choix. Si le nom le plus connu dans le générique est Jodie Foster, qui prouve à nouveau qu’elle est aussi très bonne derrière la caméra, on retrouve quelques visages connus. Les fans de "That’s 70’ Show" retrouveront avec plaisir Laura Prepon (qui jouait Donna Pinciotti) à nouveau dans un rôle conséquent, celui d’Alex Vose, ex-amante et partenaire dans le crime de Piper. Ceux qui ont vu et aimé "American Pie" reconnaîtront Jason Biggs (qui fut le cauchemar de tous les pâtissiers dans le premier volet) qui incarne le fiancé de Piper, et Natasha Lyonne qui joue une détenue aussi sarcastique que l’était son personnage de Jessica dans le film. Taylor Schilling est impressionnante dans le rôle de Piper. Certes, il serait difficile de dire que "Orange is the New Black" révolutionne le paysage des séries, mais c’est une série où la star reste l’humain. Une série qui offre un autre cadre que celui qu’on voit dans les fictions carcérales. Une série représentant enfin ce qu’est l’enfer des prisons pour femmes, même de basse sécurité. Portée par une interprétation impeccable, un humour bien dosé ainsi que des qualités techniques indéniables, cette série télévisée américaine dramatique mais aussi comique assez originale et addictive offre un rôle important et valorisant aux femmes, et donne un visage aux oubliées du rêve américain