Dans un passé qui paraît plutôt proche (années 80 ? 90?), une ville un peu coupée du monde ne ressemble à aucune autre. En son centre trônent trois grandes tours au sommet lumineux, sièges d’expérimentations scientifiques qui cherchent à comprendre les données de l’univers et à rendre possible l’impossible. Pourquoi ici ? Pourquoi elle ? Et bien, dans son sol, réside une énorme boule aux pouvoirs extraordinaires et ce sont sur ses mystères que se penchent les scientifiques. Ce centre appelé « le loop » est le point névralgique de cette petite bourgade perdue et la plupart des habitants semble d’ailleurs y travailler. A part cela, tout pourrait sembler normal dans ce paysage plat où règnent champs, forêts et lacs. Mais cette nature presque banale est parsemée de gros robots marchant au milieu des blés ou de machines en décomposition perdues dans la forêt. Les habitants paraissent toutefois habitués à cet environnement peuplé d’objets anachroniques déjà vieillissants.
Étonnante atmosphère que voilà, sortie tout droit de l’imagination de l’artiste suédois Simon Stålenhag auteur du livre d’images numériques dont la série est inspirée. Cette ambiance est un peu comparable à celle du graphiste Jakub Rozalski qui aime aussi ajouter des énormes monstres mécaniques dans une ruralité encore plus marquée que celle de « Tales from the loop ». Dans cet univers assez unique où la lenteur est reine, on a le temps de s’imprégner du vent qui souffle dans les cheveux et d’observer ces merveilleuses nappes blanchâtres qui se sont formées sur le lac gelé. La nature est un personne à part, souvent bienveillante, parfois inquiétante et hostile (épisode 7). De plus, la musique lancinante de Philip Glass injecte une part de mystère mais laisse planer de possibles drames à venir.
Le principe de la série est donc de nous dévoiler un pan de vie de 8 personnes différentes presque toutes issues de la même famille. Chaque histoire aura ainsi son propre arc narratif avec le Loop comme point d’ancrage. De manière poétique et épurée, certaines se construisent comme un épisode de la 4ème dimension : un objet aux capacités surnaturelles fait vivre aux personnages des aventures extraordinaires (épisodes 2, 3, 6). Car dans ce drôle de monde, l’humain crée des inventions dont il ne sait que faire et s’en débarrasse, le peuplant de carcasses potentiellement dangereuses. Ainsi sortie de son cadre et sans garde-fou, la science confronte les personnages à des situations psychologiques ou morales qui les amèneront à adopter des attitudes parfois cruelles (épisodes 2 et 3). A l’inverse, on sera plus enclins à éprouver de l’empathie pour ces robots utilisés ou abandonnés par les hommes tant ceux-ci ont une expressivité magnifiquement travaillée par les auteurs (épisodes 2, 5, 7 et 8).
D’autres retracent le passé de certains personnages ou juste une étape de leur vie. Ils peuvent être intéressants (épisodes 1 et 7) mais quand la narration ne dépasse pas la simple description et se dégage de tout enjeu dramatique, l’ambiance lancinante propre à la série ressemble juste à une jolie coquille vide (épisode 4).
Par ailleurs, il y a quand même beaucoup de maladresses voire de ratés dans cette série, à commencer par l’épisode 6 qui sort du puzzle familial en plus d’être une mauvaise histoire. De plus, les événements surnaturels sont parfois inégalement exploités : le cœur du Loop lui-même passe rapidement à la trappe alors qu’on espérait le revoir tant cette « chose » est intrigante. A l’inverse, si l’une des scènes finales nous renvoie très joliment au premier épisode nous signifiant ainsi que la boucle est bouclée, l’utilisation d’un ruisseau pour arriver à cette finalité est assez incompréhensible. Cette idée de scénario donne le sentiment que pour arriver à ce dénouement dramatique, les auteurs ont cherché dans le surnaturel ce qui pouvait le favoriser. Et là, dans le décor, il y avait un ruisseau... Cette volonté de tirer des larmes au spectateur est d’ailleurs le plus gros reproche que l’on peut faire à la série. Elle a tendance à trop vouloir nous émouvoir sur le destin de ses personnages alors qu’ils sont loin d’être toujours aimables. Pour compenser et créer de l’émotion, elle s’appuie sur son ambiance et sa musique envoûtante mais ces ficelles sont malheureusement apparentes.
A travers le genre du fantastique, « Tales from the Loop » tente donc de donner vie à l’histoire de cette famille où les destins de chacun s’entremêlent. Elle traite son sujet de manière stylisée et prend le parti de soigner ses images, son univers et son tempo. Parfois, cela fait mouche et la magie opère. A ce titre, l’épisode 2 est sans doute le plus abouti. Cependant, elle en oublie parfois de raconter une histoire en privilégiant la forme au fond. Et alors que la série cherche à toucher le spectateur par sa simplicité narrative et son climat si singulier, le manque de traitement de ses personnages et de leur sensibilité nous empêche de compatir à leur sort. A titre d’exemple, la fin de l’épisode 7 nous laisse avec un sentiment de frustration car une rencontre se produit et pourrait faire naître en nous une belle émotion... Moment choisi par les auteurs pour baisser le rideau. Dommage...
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