Série-mystique, série-graphique, série-transe... The Kingdom est assurément l'un des projets les plus ambitieux du réalisateur Lars Von Trier. Composé de huit épisodes parfaitement inégaux, le support TV s'attarde sur une équipe de neurochirurgiens tout à fait déroutante : un interne perfide, un chef de service incompétent, un étudiant poltron et sa maîtresse délurée, une patiente spiritiste et son fils ou encore un bébé au corps démesuré... Tout ce petit monde noyé dans la lumière blafarde, cadavérique du cinéaste, petit monde prisonnier d'un cadre chaotique, non-situé, comme en branle, annonçant le Dogme 95 de Festen et des Idiots. Si la première saison prend le temps d'introduire les personnages du Royaume avec un sens du grotesque assez comique, la deuxième s'avère être un choc terrible, redoutablement anxiogène et hypnotique ( en ce sens l'épisode 6 est un sommet d'effroi, provoquant un malaise digne du Eraserhead de David Lynch ). Amorcé par un pré-générique absolument flamboyant, mélange de brume et de silhouettes envoûtantes, The Kingdom est un bloc de plans hétéroclites, tourbillon viscéral de peaux jaunâtres, de visages déformés, d'organes poisseux et de fluides visqueux. On regrette toutefois l'ouverture brutale du faux dénouement ( The Kingdom est LA symphonie inachevée de Lars ), condamnant l'ensemble de la série à frustrer son audience. Remarquable à plus d'un niveau, The Kingdom est un feuilleton macabre empreint de cruauté, l'une des rares séries capables de détourner les attentes qu'implique un tel format ( ainsi, The Kingdom joue rarement sur le suspense addictif, caractéristique de bon nombre de séries TV )... Un incontournable.