Au moment de commencer la dernière saison, je m'attendais à ressentir de la frustration une fois arrivée au bout de la série ; je me disais que ce serait triste de ne plus « retourner » à Downton et que cela me manquerait ; mais je ne m'attendais pas à être autant remuée par le final de l'épisode spécial. C'est en effet la consécration de six saisons remarquables, tant sur le fond que sur la forme.
Sur le fond, déjà, il y a tant à dire. Le créateur de la série, Julian Fellowes, a su avec brio dépeindre une époque et ses enjeux : l'Angleterre des années 1910 aux mitan des années 1920, son organisation, ses traditions, ses bouleversements et les mutations qui ont conduit petit à petit notre société au monde moderne. C'est presque un cours d'histoire, mais cela ne serait que ça sans le soin apporté à la galerie de personnages, très nombreux. Le scénario fait pourtant la part belle à chacun d'entre eux. L'aide-cuisinière n'a pas moins d'importance que l'aînée des filles du comte (même si la vie de Lady Mary a plus de chances de bouleverser l'ensemble de la maisonnée que l'inverse), et l'on remarque souvent à quel point ces deux mondes, celui des nobles et celui des domestiques, sont interdépendants. Il y a bien sûr divers caractères, des personnages plus ou moins aimables, mais chacun révèle tôt ou tard sa part d'humanité, se montre tour à tour cocasse, pathétique, horripilant ou bouleversant, et l'interprétation toujours juste des acteurs, qu'ils soient des personnages récurrents ou juste de passage, renforce l'attachement qu'on leur porte à chaque saison. Le rythme plutôt soutenu permet de développer diverses intrigues en même temps, et d'avoir du suspense en permanence (beaucoup d'humour aussi). On est même surpris, lorsqu'on regarde en arrière, de la progression de certains personnages, souvent symptomatiques de leur époque.
Sur la forme, Downton Abbey est tout aussi remarquable : la mise en scène est discrète mais efficace, les décors sont somptueux, et quant aux costumes, cette série est une véritable revue de mode ! La beauté des toilettes attire même l’œil du néophyte qui n'a jamais porté le moindre intérêt au style des années folles. Robes et fleurs s'accordent avec goût dans chaque scène. Et pour les amoureux de la langue anglaise, tous les accents sont un délice.
Après toutes les péripéties auxquelles on a assisté au cours de ces six saisons, les derniers épisodes et l'épisode spécial de la saison 6 mettent en place les derniers éléments du puzzle afin que l'on quitte Downton et ses occupants l'esprit tranquille : Julian Fellowes répond à nos attentes avec bienveillance, car tout est bien qui finit bien, ou presque (une seule ombre au tableau :
la maladie de Carson
). Et je vous jure qu'après la dernière scène, vous n'écouterez plus jamais « Auld Lang Syne » (« Ce n'est qu'un au revoir ») sans une pensée émue pour Downton Abbey !