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    2013 : Jean-Paul Salomé, président d'Unifrance, dresse le bilan de l'année cinéma [INTERVIEW]

    De la Palme d'or à l'échec de certains films "aux recettes toutes faites", sans oublier la polémique créée par la tribune de Vincent Maraval en décembre dernier, Jean-Paul Salomé, président d'Unifrance*, dresse le bilan de l'année cinéma, pour AlloCiné.

    AlloCiné : Quel bilan dressez-vous de cette année cinéma 2013 ?

    Jean-Paul Salomé : Le bilan va être un peu plus difficile cette année. Les films ont moins "performé", comme on dit. En plus, nous sortons d’une année 2012 incroyable et magique pour les films français à l’international. C’est une des premières fois, peut être même la première fois, que les entrées ont été supérieures à l’extérieur de nos frontières qu’en France. L’année avait également été très forte en France. Seul le cinéma américain arrive à faire ça... On sait qu’on peut le faire. Maintenant, ce serait bien que le miracle se produise le plus souvent possible.

    Concernant 2013, il y a un effet conjoncturel. Peut être que certains films ont déçu, à la fois artistiquement, et au box-office. C’est vrai qu’il y a eu quelques grosses contre-performances, qui font que les entrées –films français comme films américain- ont été moins fortes que ce qu’on attendait, qu’on espérait. Même si ça va, je pense que la fréquentation va finir entre 190-195 millions (Ndlr. cet entretien a été réalisé début décembre 2013), alors qu’on était à 200 millions l’année dernière. N’oublions pas qu’il y a 10 ans, on était à 110 millions ou quelque chose comme ça.

    La Vie d'Adèle, Palme d'or 2013 © Wild Bunch Distribution

    Après, il ne faut pas s’auto-flageller en permanence, la France a quand même remporté la Palme d’Or cette année, avec un film de 3 heures, exigeant. D’autres films étaient des productions ou des coproductions françaises. Donc la France, par le biais de son système et ses coproductions, reste le pivot du cinéma européen.

    "Il y a eu des combats politiques importants pour que ce système perdure..."

    Il y a eu des combats politiques importants pour que ce système perdure et ne soit pas trop attaqué, malgré une ambiance de crise économique. Ce qu’on peut comprendre, il n’y a pas de raison que le cinéma soit épargné et reste dans sa bulle, mais en même temps, le danger, c’est d’abîmer le système, et tout d’un coup, vouloir tout jeter pour des raisons de crise.

    9 mois ferme © Wild Bunch Distribution

    Maintenant, il faut que le système donne des films que les gens ont envie de voir. Il ne faut pas que le système reste en circuit clos et qu’on s’habitue à faire des films que les gens n’ont pas forcément envie d’aller voir. C’est notre devoir de cinéaste, notre responsabilité de faire de bons films.

    "Quand Guillaume Gallienne propose une autre approche d'une comédie, ça fonctionne"

    Le système nous permet toujours de faire du cinéma. Maintenant, c’est à nous d’avoir des idées et de les mener à bien. J’espère que 2014 sera un peu plus fort artistiquement. On a besoin de ça. On manque parfois de films plus surprenants. Mais il y a des raisons d’espérer, on voit depuis quelques semaines un certain nombre de films attendus, qui n’ont pas forcément coûté des millions, comme celui d’Albert Dupontel, qui propose une autre voie dans la comédie, et les gens répondent présent.

    De même, quand Guillaume Gallienne propose une autre approche d’une comédie, ça fonctionne aussi. Quand Abdellatif Kechiche fait La Vie d'Adèle, on ne peut pas dire qu’il va dans la facilité. Ce sont des raisons d’espérer.

    © Gaumont Distribution

    Le souci, ce sont les recettes toutes faites. Ca devient très compliqué. Les films censés cartonner, qui coutent très cher, avec des stars, qui n’ont pas un fond ou une histoire un peu nouvelle à proposer, ça ne suffit plus. Ce n’est pas juste mettre de l’argent et des vedettes sur une affiche. C’est aussi raconter quelque chose qu’on n’a pas déjà vu 10 fois.

    "Le souci, ce sont les recettes toutes faites"

    C’est aussi la leçon de Gravity. On peut critiquer le fond du film, le scénario un peu faiblard si on veut, mais c’est un spectacle incroyable, où la 3D joue son vrai rôle, et où visuellement, on vous fait voyager. D’habitude Sandra Bullock ne fait pas une entrée en France et cette fois-ci cartonne ! Le film est réussi et cette proposition est nouvelle.

    © Warner Bros Entertainment

    Il faut essayer de proposer quelque chose d’un peu nouveau, ou dans l’histoire, ou dans le mode de narration, mais on ne peut plus ressortir les mêmes plats un peu réchauffés. Les spectateurs ne sont pas idiots. Ils sentent le réchauffé. Et on a vu malheureusement qu’il y avait des choses un peu réchauffées et se sont plantées. C’est dommage et c’est triste, mais je n’y vois pas d’injustice flagrante.

    "On ne peut plus ressortir les mêmes plats un peu réchauffés"

    On arrive à un truc qui est très compliqué : nous, spectateurs, devenons de plus en plus exigeants, ce qui est plutôt bien, et en même temps, on est de moins en moins curieux. C’est-à-dire qu’on veut voir des choses de mieux en mieux, mais on a peur d’aller voir des choses inconnues, qui ne sont pas identifiées. Ca créé un hiatus un peu compliqué à résoudre. Les gens disent "on veut voir autre chose", mais quand on leur propose des solutions radicalement différentes, ils ont un peu de mal à y aller. C’est cet équilibre qui est difficile à trouver.

    © StudioCanal Deutschland

    Mais nous ne sommes pas les seuls, les Américains ont le même problème. On voit bien que leurs suites commencent à s’essouffler. Hunger Games est le contre-exemple qui confirme la règle, car le 2 marche mieux. Mais toutes les autres suites n’ont pas aussi bien marché que ce que les studios espéraient.

    Il y a un an, Vincent Maraval publiait sa tribune dans Le Monde, véritable pavé dans la mare. Cela a-t-il eu des répercussions finalement ?

    Je ne remets pas en cause ce qu’il a dit, car je pense que sur le fond, ce n’était pas absurde. Je pense que ça a été très mal perçu et que ça a dégradé l’image du cinéma français, dans le public, et chez les politiques. Ça a été difficile. Je pense qu’on en porte encore les conséquences. Il y a eu un gros travail à refaire pour donner une image positive au cinéma français. Ça a été assez dévastateur.

    C’était très morose aussi parce que c’est tombé à un moment où les films français étaient moins forts, les entrées baissaient un peu. On tombe vite dans des spirales négatives. Il a mis le doigt sur des choses réelles, il n’a pas raconté d’histoires, il y avait des choses justes. Mais dans le timing, ça a été une vraie déflagration.

    "Une vraie déflagration"

    C’est vrai que les producteurs payent pour être sûrs d’avoir certains acteurs car ils apportent une partie des financements, mais ils n’apportent pas tout, et n’apportent pas en équation de ce qu’ils sont payés. Ou alors ils apportent une lisibilité médiatique au moment où le film sort. Encore faut-il qu’ils jouent complètement ce rôle-là aussi, ce qui n’est pas toujours le cas. A un moment donné, on paye des services qu’on n’a pas après. C’est là où je pense qu’on est en droit de râler. Et quand je dis service, c’est aussi bien en France qu’à l’étranger.

    © Mars Distribution / StudioCanal / Mireille Ampilhac pour AlloCiné

    Un des problèmes de notre cinématographie au moins sur l’Europe,  c’est le fait que nos comédiens –à part quelques exceptions- ne sont plus connus en Europe, parce qu’ils n’y vont plus, parce qu’ils n’ont pas travaillé leur public comme le faisait leurs ainés. Que ce soit Belmondo, de Funès, Deneuve, Pierre Richard, Delon. La génération d’après, Luchini, Lindon… Je suis désolé, ce sont des comédiens qui ne sont pas connus en Europe. Sorti de nos frontières, on ne les connait pas. Les filles ont fait un peu plus le travail. Binoche, Marceau, Tautou… Elles font le job. Je pense que le cinéma français à l’international aujourd’hui le paye. Pour emmener des comédiens en Allemagne, défendre un film français, c’est compliqué, alors que c’est un de nos gros marchés.

    *Unifrance, agence de promotion du cinéma français à l'international

    Propos recueillis par Brigitte Baronnet, le 4 décembre 2013, à Paris

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