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    Phantom Boy : "Les gens vont finir par ne plus supporter les super-héros" selon les réalisateurs
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Cinq ans après "Une vie de chat", Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli reviennent avec "Phantom Boy", leur second long métrage animé. Un film de super-héros, mais pas que, comme ils nous l'ont expliqué.

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    Le premier écrit, tandis que le second se focalise sur les graphismes. Puis ils réalisent ensemble. Cinq ans après Une vie de chat, Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli changent de décor et de personnages, et nous emmènent à New York avec Phantom Boy. Une jolie histoire avec des vrais morceaux de super-héros dedans, que les metteurs en scène ont évoqué à notre micro.

    AlloCiné : Comment êtes-vous passés de "Une vie de chat" à "Phantom Boy" ? Est-ce que ce dernier a été fait par opposition au précédent sur la forme ?

    Jean-Loup Fecicioli : Un petit peu peut-être. On a voulu faire un mélange de genres pour ne pas rester dans le même thème.

    Alain Gagnol : C'est une variation car nous ne sommes pas restés dans le polar simple. Phantom Boy est un polar fantastique même si, dans les premières versions de l'histoire, j'étais parti sur quelque chose de classique. Il n'y avait pas de mélange. Puis ça a évolué vers le fantastique car il y avait ce besoin d'apporter une variation et de ne pas toujours être sur la même note.

    Cette variation est-elle née de l'engouement qu'il y a actuellement pour les super-héros au cinéma ?

    AG : Pas du tout, elle est née de mon engouement à moi (rires) Quand j'avais 10 ans, j'ai découvert les "Strange" et tout ce qui existait à l'époque, et je suis resté fan de super-héros depuis. C'est le hasard qui a fait que c'est aujourd'hui d'actualité. Mais je dois avoir 3000 bouquins de super-héros chez moi, donc c'est pour ça que c'est arrivé dans le film.

    Nous proposons une vision très humaniste

    On sent d'ailleurs un hommage aux anciens comic books dans cette animation imparfaite, qui rappelle les dessins de l'époque.

    AG : Il n'y a pas forcément d'hommage, mais le dessin à la main, c'était un vrai point de vue, une vraie exigence de notre part. Si ça semble imparfait, c'est parce qu'on est habitués au travail de la machine avec les films faits par ordinateurs, lisses et parfaits. Il n'y a pas cette perfection dans le travail à la main qui est forcément plus fragile et sensible. Mais c'est ce que l'on cherchait.

    JLF : Aujourd'hui, quand j'ouvre des comic books, je ne les trouve pas intéressants car il y a ce côté mou dans la facture.

    AG : C'est l'ordinateur qui fait ça.

    JLF : Avant j'aimais bien ce côté simple du dessin. Ça dégageait quelque chose d'assez fort alors que maintenant on a une espèce de bouillie, c'est terrible.

    AG : Ce qui est terrible aussi, c'est qu'on a toujours de bons dessinateurs, mais leur trait est noyé dans les effets de modelage.

    JLF : Personnellement, je ne trouve pas ça terrible.

    Et cette imperfection fait écho aux personnages, eux-mêmes imparfaits.

    JLF : Ils sont très humains, oui. Ils ont leurs forces et leurs faiblesses, que nous mettons en avant.

    AG : Ce n'est pas forcément une stratégie, mais comme on fait des histoires très humaines et qu'on veut mettre en avant le travail de la main, et des gens qui le font, c'est forcément très humain. Nous proposons une vision très humaniste.

    Découvrez les humains au coeur de cette histoire fantastique :

    En plus des "Strange", y a-t-il d'autres comic books qui vous ont inspiré, aussi bien pour l'histoire que l'aspect visuel ?

    AG : Moi c'est vraiment les héros Marvel. Tout ce que Stan Lee, Jack Kirby et John Romita Jr. ont apporté, à savoir des héros qui avaient des tas de faiblesses. Ça n'était plus des Superman mais des personnages très humains, à l'image de Spider-Man qui est obligé de recoudre son costume et qui a du mal à payer son loyer. Chez les super-héros, les pouvoirs ne sont pas le plus intéressant. C'est drôle et spectaculaire, mais on s'intéresse plus à l'être humain qu'il y a à l'intérieur. C'est pour ça que Phantom Boy est davantage un film sur l'héroïsme que sur le super-héroïsme.

    Pourquoi avoir choisi ce titre pour le film, et cette écriture de "Phantom" ?

    JLF : En français, le mot "fantôme" est très lié à la mort. Il y a un enfant malade dans le film donc on ne voulait pas que ça soit trop lié à la mort, et on a choisi "phantom", qui correspond plus à l'enveloppe corporelle et à un double qu'à quelque chose de mort. Et en plus ça faisait un logo et un nom de super-héros.

    A quel moment avez-vous choisi New York comme lieu de l'action ?

    AG : Dans les premières versions du scénario, il n'y avait pas New York. On s'est d'abord posé la question de savoir dans quelle ville le film allait se dérouler, mais c'est venu en cours de route, même si ça paraît évident avec le recul.

    JLF : On avait le bateau donc on a pensé à un port.

    AG : On a pensé à Marseille.

    JLF : A Lille aussi. Puis notre producteur, qui a une vision plus commerciale, nous a conseillé de choisir une grande ville pour l'international, mais je pense qu'on aurait fini à New York de toute manière car c'est presqu'une évidence. C'est vraiment le berceau des super-héros, et Alain avait une idée de suite d'Une vie de chat qui se passait à New York, donc il y avait déjà une envie d'aller là-bas. Même sans ça nous y serions peut-être arrivés.

    Les gens vont finir par ne plus supporter les super-héros

    Quel regard portez-vous sur la vague des films de super-héros actuellement ?

    JLF : En tant que fan de super-héros, je vais en voir quelques-uns, mais je n'ai rien trouvé qui m'a... Le problème, c'est que ça s'adresse beaucoup à des enfants assez jeunes. Quand on est adulte, les images spectaculaires sont rigolotes, mais l'histoire derrière n'est pas tellement intéressante. Il y en a que je trouve sympas : j'ai bien aimé le X-Men qui se passe dans les années 60, car il avait un côté rétro assez sympa. Et dans le dernier [X-Men : Days of Future Past, ndlr], il y avait de l'humour. Sinon c'est un peu déçevant et Marvel a tendance à faire des films de façon industrielle. Mais souvent, il y a une scène au milieu, et je suis quand même content d'être venu.

    Est-ce que vous partagez les analyses de personnes comme Steven Spielberg, qui pense que les super-héros vont faire imploser le monde du cinéma ? Est-ce qu'il peut y avoir des répercussions dans le monde de l'animation ?

    AG : En même temps, c'est aussi Spielberg qui a dynamité Hollywood avec ses Dents de la mer. C'est un réalisateur que j'adore par ailleurs, mais les super-héros viennent quand même de ces blockbusters comme Star Wars et ça, qui ont fait basculer Hollywood de l'autre côté. Après, ça coûte tellement cher que quand ils font des films qui coûtent 200 millions, c'est pour rapporter 1 milliard, donc ils s'adressent au plus grand nombre.

    C'est pour cette raison que les scénaristes intéressants ont migré vers la télé, où l'on retrouve tous les scénarios adultes.C'est dur de prédire l'avenir, mais je pense que les gens vont finir par ne plus supporter les super-héros. Il y a trois ou quatre films qui vont faire des bides absolus, et on nous trouvera autre chose après (rires)

    Seriez-vous intéressés par un média comme la télévision pour y développer une histoire ?

    AG : On est tous les deux très fans de séries, donc dans l'absolu oui. Le handicap, c'est qu'un dessin animé est très long à faire. Surtout pour nous qui travaillons de manière artisanale. Donc travailler sur une série de dix fois trente minutes, ce serait monstrueux. Et dès qu'on se lance dans une série, il faut un esprit feuilleton, il doit y avoir une certaine masse. Ça me plairait beaucoup au niveau de l'écriture, mais je ne sais pas comment on pourrait faire en matière de fabrication.

    Un aperçu de ce long processus :

    Pourriez-vous passer aux prises de vues réelles, ou l'animation vous correspond-elle mieux pour retranscrire vos idées ?

    JLF : C'est peut-être plus confortable pour nous, puisque nous avons déjà un studio, alors que pour de la fiction nous devrions aller voir ailleurs.

    AG : C'est une démarche un peu différente, oui, mais dans l'idée ça me plairait. Ne serait-ce que niveau écriture, car il y a beaucoup de choses qui m'intéressent. Mais là on a bien construit notre style.

    Les films d'animation sont-ils devenus plus difficiles à réaliser ces dernières années ?

    AG : C'est trouver l'argent qui l'est. On est de plus en plus nombreux pour une somme qui reste la même. Mais on a aussi intérêt à ce qu'il y ait une animation forte en France, car les financeurs ont besoin d'y croire et d'être encouragés. Donc c'est un peu entre les deux. Cette année est très riche pour les films d'animation français, et ce serait bien que chacun marche. Si aucun ne marche, ce sera la cata ; si un seul marche, on va se dire que c'est l'exception. Donc on a intérêt à ce que chacun trouve son public.

    L'autre difficulté, c'est que notre marché est petit par rapport à celui des Etats-Unis, donc il ne faut pas faire des films trop chers si l'on veut arriver à les rentabiliser. Et comme le cinéma est autant une question d'argent que d'art, ça fait aussi partie de la démarche. Je pense qu'il est important d'arriver à s'adapter aux moyens que l'on peut avoir, sans avoir une ambition plus basse.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 5 octobre 2015

    Les secrets de fabrication de "Phantom Boy"

    Les réalisateurs Jean-Loup Felicioli & Alain Gagnol

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