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    Wonder Woman : pourquoi le film est-il plus important que vous ne le pensez

    Premier film centré sur une super-héroïne depuis plus de 10 ans, premier film de super-héros réalisé par une femme, premier film sur "Wonder Woman"... Pourquoi le film de Patty Jenkins cumule les défis et les espoirs...

    Warner Bros. France

    D’ici la fin de l’année, le Marvel Cinematic Universe aura lancé 17 films de super-héros, tous centrés sur des personnages masculins. De son côté, l’univers cinématographique DC peut se targuer d’avoir, sur quatre films, "misé" sur au moins une super-héroïne.

    Quoi qu'il en soit, le divertissement continue, aujourd’hui encore et comme cela est souvent pointé, de se conjuguer au masculin. Si les super-héros ont droit à près de deux films par an, les super-héroïnes issues des comics sont strictement cantonnées à rester coincées dans leur bulles ou à rester d’éternelles seconds rôles. Le cas de Black Widow, l’une des Avengers, dont le potentiel est incontestable mais dont le film n’est toujours pas officiel, reste l’exemple le plus parlant.

    Wonder Woman, qui sort en salles cette semaine, n’est donc pas qu’un simple nouveau film de super-héros dans l’épais catalogue qui nous est livré chaque année. N’en déplaise à certains, le film réalisé par Patty Jenkins représente bien plus que ça. Il s’agit non seulement du premier film de super héros réalisé par une femme, du premier film dédié à Wonder Woman, l’héroïne iconique de DC, depuis sa naissance il y a 76 ans, mais aussi du premier film centré sur une super-héroïne à sortir en salles depuis un très long moment…

    De quand date le dernier film en date centré sur une super-héroïne ? Etait-ce il y a 2 ans ? Il y a 5 ans ? C'était il y a maintenant 12 ans avec la tristement célèbre Elektra. Pour rester dans les choses tristes, puisque c’est bien de cela que l’on parle, la réalité fait que les films centrés sur une super-héroïne se comptent sur les doigts d’une main et, de plus, ont jusqu'à présent été des désastres, tant au du box-office qu'au niveau créatif.

    Des exemples trop rares et, en plus, ratés

    Le premier film consacré à une super-héroïne date de 1984. Après la vague des serials des années 40, les films de super-héros sont revenus en force dans les années 80 avec le succès du Superman de Richard Donner (1978). Supergirl avait alors eu la lourde tâche de surfer sur la vague de son célèbre cousin. Mal reçu par la critique, Supergirl campé par Helen Slater a été un vrai échec commercial et, peut-être, le premier film à "effrayer" les studios.

    Dans les années 90, ce sont deux héroïnes indépendantes, en dehors des écuries majeures DC et Marvel, qui se sont ensuite jetées dans la mêlée. Tank Girl (1995), adapté du comic britannique de chez Titan Comics et Barb Wire (1996), de chez Dark Horse Comics. Depuis devenue culte, la Tank Girl de Lori Petti n’a pas connu le même succès à sa sortie. Quant à Barb Wire, échec également, le film n’a finalement été qu’un prétexte à montrer une héroïne ultra sexy en la personne de Pamela Anderson.

    Les années 2000 n’ont donné naissance qu’à deux super-héroïnes sur grand écran avant que la flamme ne s’éteigne définitivement. Comme Supergirl, Elektra devait profiter du succès de Daredevil ce qui, d’avance, n'était pas un cadeau, ce dernier n’ayant pas eu la meilleure des presses. Mais, Elektra n’a pas souffert que de ça. Malgré son casting à fort potentiel (Jennifer Garner, excellente dans Alias), le scénario du film était bien trop mince, pas drôle et, surtout, personne dans l’équipe ne semblait avoir compris le personnage d’Elektra, ou même cherché à le comprendre.

    Mal soigné, mal pensé. C’est un peu le sort qu’a aussi subi Catwoman. A la base, le rôle de la vilaine de DC devait être repris dans les années 90 par Michelle Pfeiffer, avec Tim Burton aux commandes, après le succès de Batman Forever. Le film ne se fera jamais et ce n’est qu’une décennie plus tard, en 2004, que l’héroïne eut droit à son propre film avec Halle Berry, réalisé par un inconnu aux Etats-Unis, Pitof.

    Malheureusement, Catwoman n’avait plus de lien avec Gotham et Selina Kyle, son alter ego, avait été remplacée par une certaine Patience Philips, ramenée à la vie par un chat égyptien. Un désastre qui sera total, tant au niveau des recettes que des critiques. Encore une fois l’héroïne de papier n’avait pas été comprise par les studios.

    Même si d’autres films de super héros centrés sur des personnages masculins, comme Hulk ou Green Lantern, se sont également transformés en catastrophes, ces dernières ont été noyées dans un océan de succès héroïque tandis que le film de super-héroïne fut, lui, relégué au rang de "zone à risque" voire de "chat noir". On peut d'ailleurs en avoir un aperçu dans la série des e-mails de Sony ayant fuités en 2015. L'un de ceux envoyés par Ike Perlmutter, le CEO de Marvel, au CEO de Sony, Michael Lynton, stipulait bel et bien, même si son contexte reste inconnu, que ces films étaient synonymes de désastre, en listant tous les échecs consécutifs au box-office. 

    The Walt Disney Company France

    Mais, pourquoi pas plus de tentatives ?

    Serait-ce donc ces quelques échecs qui auraient refroidi les studios pendant si longtemps ? Quand il s’agit d’expliquer ou de comprendre l’absence de super-héroïnes sur grand écran, on entend parfois que les films de super héros sont destinés à un public masculin et que les héroïnes ne peuvent pas être les leaders de films d’action à grand spectacle. Des arguments qui ne s’appuient en général que sur un vague sentiment ou une fausse impression. 

    Car si elles sont plus nombreuses sur terre (elles constituent 51% de la population mondiale), les femmes continuent aussi d’être plus nombreuses en salles. 52% du public est ainsi constitué de femmes, selon une récente étude de la Motion Picture Association of America, rendant d’autant plus insensé le déséquilibre des forces entre les hommes et les femmes devant et derrière la caméra.

    Concernant spécifiquement les films de super-héros, l’impression que ces derniers sont destinés avant tout aux hommes ou que les geeks ne sont que des hommes est un autre argument désormais irrecevable. D’année en année, le Comic Con en est la preuve. En 2015, 50% de son public était ainsi féminin. Autre exemple, 40% du public d’Avengers était constitué de femmes, passant à 44% avec Les Gardiens de la Galaxie.

    Le second argument qui dit que les femmes ne peuvent pas tenir la tête de franchises d’action à grand spectacle tend lui aussi à donner tort à ses adorateurs. Exceptés l’exemple très particulier des films de super-héros, le cinéma a bien prouvé avec Star Wars : Le réveil de la force, Lucy ou encore la série des Hunger Games que les héroïnes rimaient évidemment avec succès. Et ce, depuis bien longtemps, avec des têtes d'affiche comme Ellen Ripley.

    ABC

    Wonder Woman, des multiples tentatives d'adaptations

    Dans ce paysage très masculin et véhiculant de vieux lieux communs, l’arrivée de Wonder Woman au cinéma n’est donc pas une mince affaire. Son lancement est d’autant plus symbolique et émouvant que Wonder Woman est un personnage iconique et essentiel des comics. Pourtant, cette dernière a, elle aussi, eu bien plus de mal que les deux autres membres du "trio" DC, Batman et Superman, à se frayer un chemin vers les écrans.

    En tout et pour tout, il aura fallu attendre 76 ans pour voir Wonder Woman, née en 1941 dans les pages d'All Star Comics, décrocher son propre film de cinéma, Batman et Superman ayant eu, eux, leur film dès les années 40. Les tentatives ont pourtant été nombreuses mais, à chaque fois, Wonder Woman a échoué à être adaptée.

    Dans les années 70, deux pilotes s'y sont frottés avec maladresse, rendant l’héroïne cheap ou trop romantique. En 2011, David E. Kelley transposait l’Amazone dans un Los Angeles contemporain, lui enlevant tout son potentiel fantastique et divin. Et en 2005, Joss Whedon, qui a toujours rêvé de réaliser un film de super héroïne, voyait, lui aussi, son projet tomber à l’eau.

    Finalement, seule la série avec Lynda Carter (1975 – 1979) et les films ou séries d’animation ont réussi à rendre au personnage ses faits d’arme, avant la sortie du film avec Gal Gadot. Difficile à cerner et difficile à élever sans tomber dans une surenchère d’effets sexy ou ridicules, Wonder Woman s'est donc révélée un vrai défi. Positives les critiques américaines tendraient à prouver que, cette fois, la super-héroïne a été comprise et que le film épique qu’elle méritait tant d’avoir est finalement né.

    Warner Bros. France

    Wonder Woman, une femme devant et derrière la caméra

    Wonder Woman marque donc une nouvelle étape à Hollywood. De son succès dépendra peut-être la mise en chantier de nouveaux films centrés sur des super-héroïnes, tout comme le sort des blockbusters attribués aux femmes, le film étant le premier film de super-héros réalisé par une femme.

    Les premiers chiffres du box-office étant plutôt bons, Wonder Woman a d'ores et déjà obtenu la mise en chantier d'une suite et est devenu le meilleur lancement pour un film réalisé par une femme. Ces résultats encourageants pointent toutefois à quel point il est encore trop rare de voir des blockbusters confiés à des réalisatrices. En février 2017, l’Equal Employment Opportunity Commission menaçait même les grands studios hollywoodiens de lancer des poursuites à leur encontre, pour lutter contre la discrimination envers les réalisatrices. 

    Dans ce contexte, les réalisatrices ayant pu travailler sur des budgets à plus de 100 millions de dollars sont encore plus rares. On pense à Kathryn Bigelow (K-19 : le piège des profondeurs) ou encore à Jennifer Yuh Nelson (Kung Fu Panda 2). Prochainement, A Wrinkle in Time sera réalisé par Ava DuVernay, Captain Marvel sera coréalisé par Anna Boden, Silver and Black, le spin-off de Spider-Man, mis en scène par Gina Prince-Bythewood et le Mulan live par Niki Caro.

    Des annonces qui laissent d'ailleurs apercevoir que les personnages féminins sont plus enclins à tenir la tête d’affiche lorsqu’une réalisatrice est aux manettes (57% de chance contre 18% lorsqu’il s’agit d’un réalisateur). Ou serait-ce plutôt le contraire ?

    Lexi Alexander a été l’une des premières réalisatrices à prendre les manettes d’une franchise de super-héros avec Punisher : Zone de guerre en 2008. Dans une interview à Indiewire, elle dénonçait le manque de confiance et la différence de moyens (marketing, distribution, etc.) accordés par les studios aux hommes et aux femmes.  "Peu importe la manière dont vous arrivez à vous en sortir, le résultat le plus probable sera soit de vous retrouver avec un film qui flope et de vous voir atterrir dans la prison des réalisateurs, soit de parvenir à faire du bon boulot et à sortir un hit mais, en chemin, tous ces producteurs avec qui vous vous serez battus sur tout, penseront désormais que vous êtes difficiles."

    Patty Jenkins, à qui l’on doit le film oscarisé Monster n’était d’ailleurs pas le premier choix du studio pour réaliser Wonder Woman. Celle qui, auparavant, a failli réaliser Thor 2 a aussi dû se battre pour mettre en scène le film et en livrer sa vision. Une force appréciée par son actrice principale :

    "Quand les gens disent : 'Ils ont choisi une réalisatrice parce c'est Wonder Woman..." Je pense qu'ils l'ont choisie parce que c'était la personne qu'il fallait pour remplir cette mission et livrer le meilleur film possible", nous confiait Gal Gadot lors de la promotion du film tout en étant consciente de la petite place réservée aux femmes dans le divertissement : "J'ai toujours trouvé qu'il y avait, et qu'il y a toujours, un gros manque d'histoires destinées aux femmes, tout particulièrement au cinéma, la télévision sachant mieux le faire. Moi, en tant que Gal, j'adore travailler avec les hommes et avec les femmes. J'adore les gens mais je pense qu'il faut qu'on offre plus de places aux femmes, c'est sûr".

    Wonder Woman n’est donc pas qu’un simple film de super-héros. Malgré lui, il revêt aujourd’hui une importance majeure pour la suite du scénario en train de s’écrire à Hollywood par ou pour les femmes. Connie Nielsen, qui connait bien le milieu et qui est l'une des actrices fortes de la distribution aux côtés de pointures comme Robin Wright, espère voir les choses changer, mais n'est pour autant pas très optimiste :

    "Même si le film marche très bien, il y aura toujours de puissants systèmes en vigueur qui continueront de faire en sorte que ce soit difficile de raconter de nouvelles histoires du point de vue des 51% [restants] de la planète", nous confiait-elle ainsi lors d'une interview. Il ne faudra donc pas qu'une seule Wonder Woman pour écrire la suite de ce scénario, mais plusieurs. Peut-être s’appelleront-elles Captain Marvel, The Wasp ou Harley Quinn ? A nous aussi de l'écrire.

    Wonder Woman à l'assaut du succès ?

     

    "Wonder Woman" (2017)

    "Elektra" (2005)

    "Catwoman" (2004)

    "Barb Wire" (1996)

    "Tank Girl" (1995)

    "Supergirl" (1984)

    A venir... "Captain Marvel" (2019)

    Harley Quinn, prochainement dans "Gotham City Sirens"

    Et sinon à quand le film sur Black Widow ?

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