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    Les Filles du Docteur March
    Les Filles du Docteur March
    3,0
    Publiée le 16 septembre 2021
    Un mot sur le titre francophone vient de sauter et cela veut presque tout dire. À l’heure où les femmes doivent se battre pour leur image et leurs droits, nous sentons une réelle envie de créer la différence. Mais elle se traduit par une distance qui ne sera pas négligée quant à l’approche moderne de l’œuvre de Louisa May Alcott, pour la énième fois sur grand écran. Greta Gerwig impose son style, impose le changement. Nous lui reconnaissons une certaine aisance d’écriture chez des personnages juvéniles, notamment avec “Frances Ha” de Noah Baumbach et “Lady Bird”, qu’elle réalisera plus tard. Et pour cette adaptation, nous la sentons motivée et fidèle à elle-même, bien que sa démarche possède ses limites. Après être passé tant de fois sur une même histoire, la question qui préoccupe le plus c’est sur l’utilité de l’œuvre et si elle pourra s’inscrire dans la lignée des “Little Women” qui ont marqué leur époque, avec leurs talents de l’époque. Ni oui, ni non.

    Doté d’un casting prestigieux, la production mise tout sur ces figures féminines qui cherchent avant tout à épouser l’émancipation, avant de trouver l’homme à chérir. L’intention est louable, car on nous immerge dans une époque très distincte, où les esprits artistiques se manifestent. Pour Jo (Saoirse Ronan), l’écrivaine amateure, il y a un désire de reconnaissance fort, comme on le souligne avec les échanges entre elle et son éditeur. Il y a une certaine revendication de justice derrière ces dialogues qui anticipent justement la fin d’une œuvre qui ne semble pas plaire à Gerwig. Elle le remanie avec intelligence, ce qui n’est pas forcément le cas de la structure narrative de son film, à y perdre un nouveau spectateur ou même un aguerri de l’histoire. Les flash-backs sont soutenus et reviennent en masse pour se donner les moyens de comprendre comment cette jeune fille, et miroir de l’auteur, s’est retrouvé à travailler loin de sa famille et loin de l’amour, qu’elle s’amuse à décrire à défaut de la ressentir.

    Dans son panier nostalgique se retrouvent donc Meg (Emma Watson), l’aînée qui aspire à une vie romantique, Beth (Eliza Scanlen), la musicienne humble et attentionnée, puis Amy (Florence Pugh), une cadette au fort désir de réussir, plus que Jo, qui se perd lentement dans ses pages, au lieu d’épouser le monde qui l’entoure. Il faudra tout de même une Marmee (Laura Dern) pour recadrer tout ce beau monde, mais la gaieté n’est qu’illusion concernant ce personnage parfois maladroit, mais qui aura un peu plus d’élégance qu’autrefois. Pour la fameuse tante capricieuse (Meryl Streep), peu de choses à dire, si ce n’est cette fresque traditionnelle que l’on écarte volontairement pour laisser place à la jeunesse décadente mais indécise. Il fallait tout de même le merveilleux Laurie (Timothée Chalamet) afin de révéler Jo et ses ambitions féministes qui les orienteront vers une indépendance nuancée et bienvenue.

    Outre un dénouement qui se détourne du roman et les quelques points de vue depuis Paris, “Les Filles du Docteur March” de Greta Gerwig manque d’être un coup de cœur dès lors que le récit ne rationalise pas toujours tout et met tout sur le dos d’un fait social d’actualité. Le fait d’écarter le professeur Bhaer (Louis Garrel) est sans doute la plus grosse erreur de la réalisatrice, qui ne pousse justement pas sa Jo à embrasser pleinement sa passion et l’amour qu’elle extraire peu à peu de ses écrits. Cependant, il faut reconnaître une certaine audace à vouloir déconstruire le récit sur l’écran, mais le débit d’informations est inégal pendant une majeure partie de l’œuvre, qui ne sait jamais s’arrêter, car le discours est dense et le discours est radical. Les bonnes idées sont souvent des détails qui n’entretiennent pas assez la cohérence dans le soutien que Jo perd de sa famille, notamment avec l’ascension d’une Amy remarquable et dotée d’un nouveau prestige au sein de l’histoire. Et à défaut d’avoir une partition que l’on ne boudera pas pour Alexandre Desplat, le mixage l’exploite si généreusement qu’elle devient envahissante pour le visionnage. Voulant aller dans tous les sens, la réalisatrice éparpillent trop ses idées pour qu’on en garde un profond souvenir convivial. Son film résonne davantage comme une provocation assidue et mal interprétée. Il y a du bon, mais il faut parvenir à le voir pour avoir une chance de toucher à l’émotion.
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