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    La Révolution silencieuse
    La Révolution silencieuse
    3,5
    Publiée le 22 novembre 2020
    N’est pas Peter Weir qui veut. Nous sommes bien à l’opposé de ce que l’on pourrait sous-entendre dans un titre de film symbolique. Lars Kraume n’exploite pas le silence en réalité, mais bien la parole d’une jeunesse engagée. Il revient deux ans après la traque judiciaire de « Fritz Bauer, un héros allemand », où il dépeint un peu plus l’Allemagne d’après-guerre. Loin d’un mur érigé mais proche d’une frontière au rideau de fer, le réalisateur nous confine sous l’influence soviétique en pleine Guerre Froide. Il s’agit évidemment d’un moment de doute qui naît de l’intérieur. Et ce témoignage justifie, avec une certaine lucidité, qu’il reste bien des actes courageux à reporter ou à balancer.

    Une nation divisée et sous l’emprise d’un socialisme grandissant, c’est une réalité qui rattrape une classe terminale de Stalinstadt. Le postulat de départ nous conduit inévitablement à leur rencontre et à leur vitalité. Cependant, leur avenir est compromis après un acte de protestation, qui devient une affaire d’Etat. Leur minute de rébellion constitue l’enjeu majeur de ce récit qui n’insuffle pas plus que cela le sentiment d’être « inspiré de faits réels », que l’on peut clamer à tout-va et sans pertinence. Kraume l’accepte donc habilement, quitte à finir dans un pseudo teen-movies et cousin du « Cercle des Poètes Disparus ». C’est ce que l’on reconnaît dans la mise en scène, faiblement expressive et qui préfère laisser des comédiens se libérer. Et en se baladant dans ce portrait régressif et sobre de la RDA (République Démocratique Allemande), il reste des détails qui fascinent et qui interpellent par un premier degré ludique.

    La tension nous saisit dès la première scène, soulignant une méfiance et un contrôle qui ampute les habitants d’une certaine liberté et d’une libre-pensée. L’idéal socialiste prend ainsi le revers de sa propre démarche, par le biais d’une jeunesse plus libre et plus unie que jamais. Cette prise de conscience, on la retrouve à plusieurs reprises, par la désinformation et le rituel d’endoctrinement. Mais on passe surtout au cinéma, furtivement et non innocemment. Ce qui révèle notamment à Theo (Leonard Scheicher) et Kurt (Tom Gramenz), une réelle dimension politique, chose qu’il n’était pas permis d’entrevoir dans un cahier de cours ou chez soi. Ce nouveau gouvernement cache bien des cicatrices, mais les remet maladroitement au goût du jour, car l’esprit de contradiction devient de plus en plus net qu’il en devient logique et irréversible. Quelques retenues tout de même, pour une écriture sans doute trop convenue, voire prévisible, et ce malgré les nuances qu’apportent les personnages, torturés par le drame familial et leur désir de passer le baccalauréat, clé de voute et ode à la maturité.

    Là où tout semble partagé dans l’intérêt commun et où la collectivité devrait primer, il n’en est rien. L’individualisme est en soi une preuve de protestation qu’il conviendrait de mâter. Dans « La Révolution Silencieuse » (Das schweigende Klassenzimmer) des 19 lycéens en cause, naîtra un véritable sentiment de douleur. Et le film évoque avec plus d’efficacité cette séparation dans un dernier acte qui tranche et qui saisit l’opportunité de ne pas virer vers le mélodrame classique. Il y a un temps pour une transition parfois grossière, mais qui ne la surligne pas plus qu’il ne le devrait. L’aventure se conclut comme il se doit, dans le silence, la subtilité et la furtivité.
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