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    Falling
    Falling
    3,5
    Publiée le 24 mai 2021
    La précision et la maturité sont les outils les plus convaincants de cette première réalisation, où Viggo Mortensen trouve l’équilibre idéal pour s’adonner à l’exercice de metteur en scène, qu’il appréhende avec une grande sincérité. Sa remarquable carrière parle de son engouement pour les récits introspectifs et il finit par se noyer dans une autopsie familiale, la même qui l’a emmené jusqu’ici depuis le décès de sa mère. L’idée étant de renouer avec un paternel, en proie à la démence et au conservatisme rigide, mais que l’on ne condamne aucunement. L’honnêteté du sujet réside dans les diverses madeleines de Proust, que le cinéaste convoque avec brio et d’une délicatesse à en partager les charges morales. Une relation père-fils devient ainsi l’objet d’étude d’hommes de la maison et d’enfants de la nature, car il reste toujours une place pour ceux qui ont encore la force de guérir le passé.

    Mortensen incarne ainsi John, dont la vie est le portrait progressiste d’une ’Amérique qui évolue aujourd’hui avec crainte. Nous pouvons lire autant de divisons dans une nation qui pourrait bien se répartir entre deux catégories, ceux qui appartiennent aux piliers du passé et ceux qui en bâtissent de nouveaux et sur-mesure. Ce fils, pour qui l’enfance a été l’épisode de tout son bonheur et de toute sa déception, tente alors de se rapprocher de son père Willis (Lance Henriksen). La communication n’est pas furtive lorsqu’on devient son interlocuteur et il ne mâche pas non plus ses mots pour accentuer son caractère antipathique. Et pourtant, malgré les bourrasques qu’il génère, il est soumis à la gravité et à la puissance de ses émotions, qu’il a longtemps redoutées. La grande focale est souvent réquisitionnée dans les basculements soudain de l’ermite, fluidifiant ainsi les allers-retours avec le passé, justifications incontestables des plaies qu’il porte encore dans ses complaintes. L’œuvre convoque ainsi la lucidité et la sensibilité du public à comprendre les maladresses du vieillard contemporain, en décalage avec son époque, que même que du jeune père de famille, dont l’instinct primitif ne gagne pas toujours à couver l’amour de ses enfants.

    On ne cesse de chercher quelque chose à sauver, quelque chose à réconcilier avec un présent, qui déborde de mondialisation et de modernisation à ne plus savoir quoi en faire. Chaque parti devrait faire l’effort d’accepter l’autre pour ses vertus, parfois rendues illisibles dans le sillage de désaccords. Mais le conflit est évitable et semble-t-il n’avoir jamais émergé pour la fleur adoptive qu’est Monica (Gabby Velis), héritage et connexion symbolique, voire universelle, entre deux univers. D’autres viendront ainsi se greffer autour de la douleur que les aînés finissent par transmettre malgré eux. Les points de vue convergent toujours vers Willis, véritable succès et volcan d’émotions de cette poignante aventure. Sarah (Laura Linney) a préféré la fuite pour s’opposer au mieux aux registres du paternel impulsif et spontané, chose qu’il est difficile à encaisser, mais qu’il convient de chérir, avant que le deuil ne revienne hanter le paysage d’une ferme en ruine et qui constitue un socle solide des méandres sentimentaux.

    Comme les premiers pas d’un nouveau-né, Mortensen remonte le temps pour mieux s’épanouir et pour mieux affiner son approche de la mise en scène. Côté direction de comédiens, il parvient à légèrement s’effacer pour laisser son entourage exploser au cœur d’un propos, à la fois personnel et d’actualité. « Falling » encourage ainsi à lâcher prise et à laisser les émotions déborder de la baignoire, pour enfin rompre l’ambiguïté embarrassante d’un fils aimant et d’un père qui l’est tout autant. Nous pourrions trouver la manœuvre répétitive, avec la simple idée de combler les lacunes avec la meilleure des volontés, mais ce sont autant de fragments de vie qui nous habitent et qui nous ramène à nos regrets, nos erreurs et nos responsabilités.
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