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    Les Parapluies de Cherbourg
    Les Parapluies de Cherbourg
    4,5
    Publiée le 28 juillet 2022
    Après les succès de « Lola » et « La Baie des Anges », Jacques Demy se lance dans la comédie musicale, riche en palette graphique et sonore. Pour le second point, c’est à Michel Legrand que l’on devra cette escapade entièrement chantée. Un subtil mélange de jazz et de classique nous envoûte dans ce parti-pris original. Aucune interruption entre dialogues et chants, cette œuvre de Demy restera hautement expérimentale aussi bien sur le plan esthétique que sur une mise en scène, digne de la Nouvelle Vague.

    Nous convoitons une bien belle histoire d’amour lorsqu’il est question d’un thème musical aussi imposant. Pourtant, tout n’est pas joyeux dans les thèmes abordés, notamment lorsqu’on insiste sur les décisions irréversibles des personnages, façonnés et influencés par leur environnement. Issue d’un milieu plutôt modeste, Geneviève Emery (Catherine Deneuve) vit seule avec sa mère endettée et qui pousse la pousse à un mode vie qui les libérerait de ces contraintes financières, touchant un bon nombre de marginaux de l’époque. Cependant, elle porte dans son cœur autre chose qu’un riche bijoutier, elle porte en elle le souvenir d’un garagiste dont elle est éperdument amoureuse. Guy (Nino Castelnuovo) reste toujours à ses côtés lors de l’ouverture et on comprend qu’il possède également ses « démons ». Sa mère, souffrante, montre qu’il est le dernier rempart pour soutenir la famille. Cette absence de père connote en grande partie ce qui suivra dans les années à venir. Quelque part, ce manque indique une perte de repère, à défaut de personnalités, qui se dessine progressivement, au rythme imposé par la vie.

    Mais pour revenir au couple qui nous intéresse, Guy et Geneviève vont devoir traverser des phases intimes, puis des phases difficiles, dont le chant hurlera ensuite de douleur. Le jugement audacieux des couleurs de Cherbourg, aussi bien sur les décors intérieurs qu’extérieurs, vivifie cette ville et tous les parapluies qui ornent la boutique des Emery. Tout est si fluide à l’écoute et à la vue d’un tel ballet. Au niveau du cadrage, on ne perd pas non plus son temps et chaque séquence aura le mérite de jongler avec les paroles de Legrand. Le réalisateur s’amuse à installer une poésie et joue avec les nuances que peuvent apporter la technique face à l’émotion et l’énergie qu’elle dégage. Ce sera au moment des ellipses et la patience pour le retour de Guy de la Guerre d’Algérie que l’on commencera à piétiner un terrain scénaristiquement provocateur. On y questionne la fidélité, dans le cœur et dans les actes. Si chacun semble se séparer de plus en plus à cause des contraintes qu’on leur impose, il ne tient qu’à eux de préserver cette flamme qui les a réunis.

    Le temps est également mis au premier plan et est « filmé » dans quelques scènes, dont celles du dénouement entre ces deux amoureux. Le deuil et la séparation sont deux concepts qui prédominent l’intrigue. Demy exploite la distance, telle la profondeur de champ qui illumine les scènes d’extérieur, embellies de couleurs et de sentiments. « Les Parapluies de Cherbourg » embrasse un romanesque moderne, où la réalité rattrape l’utopie. Et ce qui est magique dans ce récit, c’est qu’il n’est pas impossible de rêver pour autant. Il faut juste apprendre à se souvenir et à se protéger des intempéries de la vie, à l’aide du bon parapluie et de la bonne ambition.
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