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    "Elle aimait la bonne chère, elle aimait les hommes" : la navigatrice Florence Arthaud vue par la réalisatrice de Flo
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 12 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Florence Arthaud, héroïne de cinéma ! La célèbre navigatrice, tragiquement décédée, fait l'objet d'un biopic, avec une certaine part de fiction, dépeignant "une femme extrême, une femme libre, affranchie de toutes les étiquettes". A voir au cinéma.

    De quoi ça parle ?

    Connue comme "la petite fiancée de l’Atlantique", Florence Arthaud fut surtout une grande navigatrice. Son palmarès exceptionnel, et unique dans cet univers masculin, connut son apogée avec sa victoire de la Route du Rhum en 1990.

    Au-delà de ces exploits, Flo raconte l’incroyable destin d’une femme farouchement libre qui - après un accident de la route ayant failli lui coûter la vie - décide de rejeter son milieu bourgeois et la vie qui lui avait été tracée, pour vivre pleinement ses rêves.

    Flo
    Flo
    Sortie : 1 novembre 2023 | 2h 05min
    De Géraldine Danon
    Avec Stéphane Caillard, Alison Wheeler, Alexis Michalik
    Presse
    2,8
    Spectateurs
    3,7
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    AlloCiné a rencontré Géraldine Danon, réalisatrice et coscénariste (avec Yann Quéffelec) de Flo, adapté du livre La mer et au-delà.

    Comment définiriez-vous la personnalité de Florence Arthaud ?

    Géraldine Danon : Je dirais que c'était avant tout une femme libre dans le sens où elle s'est affranchie de toutes les étiquettes. Elle n'a eu de cesse, tout au long de sa vie, que de s'affranchir de toutes les étiquettes qu'on voulait lui coller. C'était une femme visionnaire, avant-gardiste, féministe de la façon qui, moi me plaît, c'est-à-dire à travers ses actes.

    C'était une femme extrême : extrême dans tout ce que ça comporte, dans tous les adjectifs qu'on pourrait lui coller. Il y avait de l'extrême, aussi bien dans le fait de vouloir aller vaincre les hommes sur leur propre terrain, que de vouloir être la première femme à faire de la voile et à faire de la course, et à gagner. A ne pas se contenter d'être la première des femmes, mais à être la première tout court !

    Et puis extrême aussi dans tous les autres aspects de sa personnalité, extrêmement lumineuse. Mais il n'y a pas de lumière sans ombre, donc avec aussi des parts d'ombre. Bien que je me sois attelée à raconter avant tout sa lumière. Extrêmement généreuse, extrêmement féminine et extrêmement masculine. On peut dire tout et son contraire pour la qualifier.

    Il y a une expression que j'ai relevé dans votre réponse c'est celle de vaincre les hommes sur leur propre terrain. Diriez-vous qu'elle dû faire face à une forme de machisme ?

    Ce n'était pas du machisme, c'était simplement qu'il n'y avait pas de femmes dans le milieu de la voile, qui remonte à l'antiquité ! On disait que les femmes portaient malheur sur les bateaux. La femme était une femme de marin, mais il n'y avait pas de marins femmes, de navigatrice.

    Florence Arthaud a prouvé que tout n'était pas affaire de muscles dans la voile

    C'était simplement que les hommes considéraient que c'était une affaire de muscles. Florence Arthaud a prouvé que tout n'était justement pas affaire de muscles dans la voile, mais qu'il y avait de l'intelligence, de l'instinct, de la volonté. Elle avait un instinct très fort des éléments. Elle avait un sens profond du vent. Et tous les marins disent d'elle qu'elle était un grand marin. Ils se sont inclinés. Ils l'ont vue après, comme une grande compétitrice, et elle disait qu'il n'y avait plus de machisme une fois qu'elle avait gagné. Simplement, ça n'existait pas.

    On voit donc la navigatrice dans le film, mais aussi cette femme amoureuse, une grande amoureuse ? Il y a une forme de crudité. Et en tout cas, vous la montrez bonne vivante !

    Les marins, c'est ça. Je connais un peu pour avoir passé une quinzaine d'années en mer... Quand on fait des longues traversées, d'un mois ou même moins, on arrive au port, on fait la fête. C'est une façon de relâcher la tension, de profiter, de jouir de l'instant. Et donc, évidemment, c'était une bonne vivante. Elle aimait la bonne chère, elle aimait les hommes. Elle était une grande amoureuse. Elle aimait la mer par dessus tout. Elle aimait faire la fête.

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    Stéphane Caillard et Alexis Michalik

    Comment votre choix s'est-il porté sur Stéphane Caillard ? Est-elle arrivée vite sur le projet ou le processus de casting a été long ?

    J'ai rencontré pas mal de comédiennes jusqu'au jour où Pascale Béraud, ma Casting Director, m'a présenté Stéphane. Quand je l'ai vue entrer dans la pièce, avant même de faire des essais avec elle, je savais qu'elle était ma Florence Arthaud. D'abord, parce qu'il y avait une ressemblance physique, mais c'est qu'elle avait beaucoup de grâce et qu'elle avait cette grande présence, tout en ayant aussi une certaine absence à la présence.

    Et ça, c'était quelque chose qu'on a beaucoup travaillé avec Stéphane, cette sorte de grande générosité de l'instant, qui est aussi le propre des marins. Le marin est très dans l'instant. Il sait que demain n'existe pas, que hier est déjà fini, donc il vit l'instant avec beaucoup de force. D'où aussi le côté bon vivant, bonne chère, fêtard. Et elle, elle avait ça. Elle avait cette grâce, cette puissance, cette fragilité, cette force teintée de fragilité. J'ai tout de suite trouvé les couleurs que j'avais envie de donner à voir de Florence. Et ça s'est confirmé en passant des essais.

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    Stéphane Caillard et Géraldine Danon

    Pouvez-vous nous parler du travail de préparation-transformation de Stéphane Caillard en Florence Arthaud ?

    On a beaucoup travaillé. Je voulais qu'elle ait le moins d'apparat possible, ne serait-ce que dans son vieillissement. On a beaucoup travaillé la voix pour qu'elle puisse passer de 17 à 55 ans. Et puis, par souci de vérité, la voix, la posture... Stéphane a écouté beaucoup d'émissions radio ou télé où Florence se raconte, parce qu'elle se racontait beaucoup.

    C'est mon regard sur Florence

    Elle a lu ses ouvrages. je lui ai donné le maximum d'informations sur Florence et sur ce dont moi j'avais envie, parce qu'encore une fois, c'est subjectif. C'est mon regard sur Florence. La partition est assez vaste, elle passe par de nombreuses couleurs. J'ai affaire à une comédienne qui a une grande sensibilité, une grande intelligence de jeu, donc elle arrivait tout de suite à restituer ça. Ensuite, en ce qui concerne les scènes de mer, je l'ai entourée de Philippe Poupon et de Philippe Monnet, qui sont deux grands navigateurs qui lui apprenaient le bon geste.

    Je leur expliquais ce que je voulais en termes techniques pour, encore une fois, donner à voir ce que j'avais en tête. On fonctionnait vraiment en binôme, d'un regard, avec Stéphane. Je crois. Mes poils se dressaient derrière mon combo tellement j'avais l'impression de revoir Florence.

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    Les scènes en mer sont impressionnantes. Avez-vous vraiment tourné au maximum en mer dans des conditions réelles ?

    On a tout tourné en mer, Il n'y a aucune scène qui est tourné en studio, rien qui est tourné même à quai, en simulant un mouvement. Tout est tourné en mer. Ça, c'est vrai que j'en suis assez fière et les quelques marins, qui ont vu le film d'ores et déjà, disent qu'ils ont rarement vu des images de mer aussi fortes. J'y tenais beaucoup.

    Il y en a peu, mais quand on rentre avec elle sur le bateau, on est avec elle sur le bateau et c'est vrai qu'on vit sa course, nous spectateurs avec elle. Bien que ça reste avant tout un portrait de femme. Les gens n'ont pas besoin d'aimer la voile pour aller voir ce film. C'est avant tout le portrait d'une femme, une femme extrême, une femme forte, une femme fragile.

    A écouter également : notre rencontre avec Stéphane Caillard

    Est-ce que cela a nécessité un dispositif technique assez lourd ? Comment avez-vous procédé ?

    Oui, déjà, tourner en mer, c'est compliqué. Forcément, au cinéma, on aime bien les choses carrées, cadrées et en mer, on dépend de beaucoup d'inconnues, donc c'est pas simple. Mais j'avais une petite habitude des bateaux et des tournages en mer, puisque j'ai fait quelques documentaires en mer. Je crois qu'on a été protégés tout du long. On a vraiment eu beaucoup de bol. On n'a jamais fait tomber une caméra et les gens se sont amarinés rapidement.

    On était en équipe réduite. On a deux bateaux qui sont les vrais bateaux. Ça, j'y tenais beaucoup aussi. Le Pierre 1er qu'on a rebaptisé Flo, c'était le vrai bateau avec lequel elle a gagné la Route du Rhum, la. Il y a aussi le vrai bateau avec lequel elle est tombée à l'eau.

    Il y a toutes ces scènes de nuit aussi qui sont pas simples à réaliser. Mais on a eu de la chance et c'est resté un tournage très joyeux. Toute l'équipe était vraiment emportée par ce même désir de m'accompagner et et de restituer Florence, de lui rendre ce plus bel hommage. On était tous portés par une énergie commune qui était vraiment très agréable et très intense à vivre pour moi.

    Comment avez vous décidé du moment où vous alliez arrêter de raconter sa vie et passer peut être juste à une évocation par des cartons ?

    J'ai raconté toute sa vie, de l'âge de 17 ans où elle a un accident de voiture qui est une sorte de big bang dans sa vie, puisque ça va déclencher pas mal de choses. Et jusqu'au moment où elle tombe à l'eau. Le reste c'était l'Argentine, et ça ne me paraît pas représentatif de sa vie.

    La vie et la mort chez Florence, mais même chez tous les marins, est assez liée. Tout du long de sa vie, la main de la mort est sur son sur son épaule. Elle l'esquive. Il y a cet accident, mais il y a plein d'autres moments où elle passe à côté de la mort. Elle se fait faucher de la façon la plus stupide à la fin de sa vie. Donc je ne raconte pas ça, mais je l'évoque.

    Je crois que les marins sont des gens extrêmement vivants, et que pour être extrêmement vivants, il faut avoir une certaine conscience de la mort.

    Le générique de fin stipule clairement qu'il y a certaines aspects de "pure fiction", en particulier en ce qui concerne la relation entre Olivier de Kersauson et Florence Arthaud. Est-ce une mention qu'on vous a obligé à indiquer ?

    Oui j'ai été obligée de l'ajouter. Je raconte des choses vraies. Mais j'ai été obligée d'ajouter des mentions pour respecter la vie privée de chacun. C''est un souci de respecter la vie privée des personnes qui sont encore là.

    Il y a une liberté qui est prise dans le sens où je fais du cinéma, de la fiction et pas du documentaire. Donc je me sers d'images fortes pour raconter la vérité, en gros.

    Il y a eu une procédure sur ce film. Où en êtes-vous ?

    On a gagné. De toute façon, pour moi, c'est une fausse polémique, puisque je pense que quand la famille verra le film, ils s'apercevront que je me suis attaché à raconter la lumière de Florence. Puisque, pour moi, elle est un être de lumière. Donc le reste, je ne sais pas de quoi on parle, en gros.

    Ceux qui ont intenté ce procès n'ont pas vu le film ?

    Voilà, c'est ça. Donc je crois que quand ils verront le film, il n'y a plus de polémique. Le film parle pour lui.

    Propos recueillis au Festival du film francophone d'Angoulême 2023

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