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    "On a tous un air de sa famille" : l'hommage touchant et drôle de Jamel Debouzze à Agnès Jaoui aux César 2024
    Thomas Desroches
    Thomas Desroches
    -Journaliste
    Les yeux rivés sur l’écran et la tête dans les magazines, Thomas Desroches se nourrit de films en tout genre dès son plus jeune âge. Il aime le cinéma engagé, extrême, horrifique, les documentaires et partage sa passion sur le podcast d'AlloCiné.

    Et un septième César pour Agnès Jaoui. C'est avec des mots très émouvants, saupoudrés de son humour unique, que Jamel Debouzze a remis un trophée d'honneur à son amie.

    Christopher Nolan n'était pas le seul cinéaste mis à l'honneur lors de la 49e cérémonie des César. Actrice, scénariste mais aussi réalisatrice, Agnès Jaoui détient un record à son actif. Elle détient six César - un pour le Meilleur film avec Le Goût des autres, un en tant qu'actrice pour On connait la chanson d'Alain Resnais et quatre en tant que scénariste.

    L'écriture c'est aussi la plus grande arme d'Agnès Jaoui, notamment pour son duo formé avec son compagnon, Jean-Pierre Bacri - décédé le 18 janvier 2021. Ensemble, ils ont écrit pas moins de huit films.

    Des mains de Jamel Debouzze - avec qui elle a joué dans son film Parlez moi de la pluie en 2008 -, Agnès Jaoui a reçu le second César d'honneur de la soirée - son septième donc -, un prix qu'elle reçoit comme un "un signe d'estime et d'amitié".

    Découvrez l'hommage rendu à Jean-Pierre Bacri par Agnès Jaoui durant son discours:

    Découvrez le discours de Jamel Debouzze pour Agnès Jaoui :

    "Je suis très heureux d'être parmi vous ce soir. Merci infiniment de me donner le privilège de remettre un César d'honneur à une personne que j'aime profondément. Je vous avoue que remettre ce César d'honneur ce soir, pour moi, Agnès, c'est un moment particulier. Je ne sais pas qui va être le plus ému ou qui prendra le plus de plaisir, elle en le recevant ou moi en le remettant.

    La première fois que j'ai rencontré Agnès, c'est Jean-Pierre Bacri qui me l'a présentée. C'était dans leur appartement à Bastille. Je me souviens. Il m'a dit : 'Tu vas voir Agnès. Au premier abord, elle est un peu distante. Mais au bout de quatre cinq ans, elle va t'adorer'. C'est vrai. Agnès Jaoui, elle ne se gagne pas facilement, mais quand elle vous aime c'est pour la vie.

    Elle joue, elle chante, elle écrit, elle compose, elle réalise des films.

    A travers ce César d'honneur, le César des César. La classe internationale. Nous avons tous le privilège, ce soir, de lui témoigner notre admiration, notre respect, notre gratitude. Et en ce qui me concerne, toute ma tendresse, notre admiration pour sa carrière, son talent, ses talents. Elle joue, elle chante, elle écrit, elle compose, elle réalise des films. Elle fait même du ukulélé. Elle ukulele tout le temps.

    Agnès Jaoui, mesdames et messieurs, c'est la seule femme du cinéma français à avoir remporté six César. Un comme actrice, un comme réalisatrice et quatre comme scénariste. Et tout ça en faisant du ukulélé. Et vous savez où elle a mis les César ? Chez elle ? Moi, j'étais chez elle. Je regardais les César... Elle les cache. Dans une armoire, une commode. Vous allez chez Agnès. Il n'y a aucun signe ostentatoire de réussite. Je n'ai jamais compris cette pudeur, moi.

    Moi, si j'avais un César, un seul, je mettrais en pendentif autour du cou. Et toute ma vie je marcherais courbé ça. Elle en a six. (...) Je suis sûre qu'elle sait même pas qu'elle a six César, huit Molière, neuf Jean Jaurès. C'est vrai, cette humilité-là, je ne sais pas si c'est l'éducation, la culture, je sais pas ce qui a merdé. Trêve de balivernes, comme disait François Truffaut, ce soir, nous allons lui remettre un septième César.

    J'ai toujours vu Agnès Jaoui s'acharner à défendre les plus faibles.

    On ne va pas pouvoir le cacher celui là. Un César d'honneur pour témoigner notre respect et notre gratitude à l'une des comédiennes les plus engagées dans le combat contre les inégalités, les violences, toutes les violences, les à priori, la médiocrité ou la petitesse. C'est pas des mots chez Agnès Jaoui. C'est viscéral et factuel. Elle fait ça tout le temps. Partout, au cinéma comme à la vie. J'ai toujours vu Agnès Jaoui s'acharner à défendre les plus faibles. Je l'ai toujours vue tenter de tordre la gueule à la condescendance, au mépris ou au racisme ordinaire.

    Vous savez, ce petit tutoiement qu'on donne à la femme de ménage ou à l'ouvrier, ce truc qui a l'air sympathique mais qui l'est absolument pas. Je voudrais te dire ce soir Agnès, merci du fond du cœur pour avoir mis la lumière sur ce racisme ordinaire. Mes parents l'ont tellement vécu... Et enfin et surtout dire à Agnès ce soir, à travers ce César, toute ma tendresse. Parce que qu'Agnès Jaoui m'a élevé, au sens propre du terme. Les centaines d'heures de conversations que j'ai eues avec elle m'ont permis de prendre de la hauteur. J'étais beaucoup plus petit que ça avant. Tu sais, c'est dur à croire, mais je faisais un mètre avant de rencontrer Agnès.

    Sa précision dans l'écriture, sa direction d'acteur m'ont énormément appris sur mon métier. (...) Agnès m'a appris le sens du détail, ce cinéma où la moindre respiration a son importance. Je peux vous le dire, ce soir, Agnès m'a appris à respirer au cinéma et pas qu'au cinéma. Et si Agnès Jaoui nous touche autant, si je l'aime aussi profondément, c'est parce que personne n'a écrit ou joué aussi bien qu'elle les sentiments humains, les pires comme le meilleur, la médiocrité, la vanité, l'amour ou la fraternité.

    Si Agnès nous touche, c'est parce qu'on a quasiment tous une famille. Parce qu'on a quasiment tous une cuisine. Parce qu'on connaît tous un beau-frère condescendant, une sœur acariâtre, un cousin gentil, une mère un peu présente. Bref, si on aime aussi profondément Agnès Jaoui, c'est parce qu'on a tous un air de sa famille".

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