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    "Je pourrai toujours dire que je n'ai jamais réalisé de mauvais film" : cet anti Bonnie and Clyde est culte et c'est la seule oeuvre de son auteur
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Martin Scorsese avait débuté le tournage avant d'être remercié au bout d'une semaine : Leonard Kastle a finalement dirigé "Les Tueurs de la lune de miel", son seul et unique long métrage qui deviendra une référence.

    Ce n'est pas exactement une découverte. Le tournage d'un film, devant et / ou derrière la caméra, n'est pas toujours, loin s'en faut, un long fleuve tranquille. L'expérience peut même carrément virer à l'extrême, comme ce fut le cas pour Apocalypse Now, dont le tournage homérique est raconté dans l'hallucinant making-of Heart of Darkness. Ou encore Fitzcarraldo de Werner Herzog, et ses relations conflictuelles avec son acteur fétiche Klaus Kinski.

    Entre expériences douloureuses et épuisantes, difficultés financières et interminable chemin de croix, la réalisation d'un long métrage peut même être la seule et unique expérience de son auteur. Pour le pire ou pour le meilleur. Voici l'exemple des Tueurs de la lune de miel.

    Un authentique fait divers atroce

    Martha Beck n’est qu’une inoffensive infirmière aux formes généreuses. Du moins jusqu’au jour où elle répond à l’annonce matrimoniale des « Coeurs solitaires » de Raymond Fernandez, gigolo et arnaqueur au mariage. Désormais inséparables, liés par la même passion subversive, ils écument les Etats-Unis, piègent veuves et femmes seules pour les voler d’abord. Les assassiner sauvagement ensuite...

    Les Tueurs de la lune de miel est Inspiré d'un authentique fait divers atroce dont le couple-vedette fut soupçonné d'avoir tué jusqu'à vingt personnes, et fut condamné pour trois meurtres, dont celui d'une petite fille de 2 ans noyée dans un lavabo. Le couple diabolique sera exécuté à la célèbre prison de Sing Sing, le 8 mars 1951.

    Roxanne

    Une journée entière passée à filmer une canette de bière dans un buisson

    Le film devait à l'origine être réalisé par Martin Scorsese, qui fut éjecté par le producteur Donald Volkman au bout d'une semaine parce qu'il tournait uniquement en plans séquences. Scorsese prenait son temps. Trop. Lorsque le producteur découvrit qu'il avait passé une journée entière à filmer une canette de bière dans un buisson, il fut viré.

    "Ils n'aimaient pas les mouvements de grue très compliqués, les plans-séquence ahurissants que j'avais mis au point" racontera Scorsese. "Surtout, je n'ai pas su leur expliquer ce que je tentais de faire, sans doute parce que je n'étais pas mûr pour une telle expérience. De toute façon, Kastle aurait dû dès le départ s'occuper de la mise en scène puisque c'était son script".

    Oeuvre culte figurant parmi les films fétiches de François Truffaut et Michelangelo Antonioni, Les Tueurs de la lune de miel est un peu l'anti Bonnie and Clyde d'Arthur Penn sorti deux ans plus tôt. Tourné dans un style documentaire en noir et blanc, c'est l'unique réalisation de Leonard Kastle.

    Roxanne

    Un compositeur de musique à la baguette

    Loin des plateaux de tournages, ce dernier était surtout réputé comme chef d'orchestre, et auteur d'opéras; il avait d'ailleurs une grande passion pour l'oeuvre de Gustav Mahler, et a utilisé dans le film des extraits de son oeuvre pour nourrir la BO.

    Bien que totalement inexpérimenté, "J'avais tout le film en tête" disait-il dans une interview donnée en 2003; "et le plus gros du travail, c'était les répétitions des scènes. On répétait systématiquement les scènes la veille du tournage, et aussi le jour même. Shirley Stoler était extrêmement complexée par son poids, au point que je n'arrêtais pas de lui dire : "écoutes, tu n'es pas ici parce que tu es grosse, mais parce que tu es une super actrice !"

    Adulé par la critique mais boudé par le public, le film fait retomber dans un anonymat à peu près complet Leonard Kastle, qui reprendra son activité de compositeur et enseignant. Il tentera de revenir derrière la caméra à plusieurs reprises, avec plusieurs scripts sous le coude.

    Prêtre amoureux cherche chef mafioso

    Dont un, baptisé The Wedding of Cana, qui devait raconter l'histoire d'un jeune prêtre homosexuel tombant amoureux d'un chef de la mafia dans les années 70. En 2001, Kastle fut semble-t-il tout prêt de pouvoir concrétiser ce projet sur lequel il travailla pendant des années, avant que les financiers ne se rétractent, le faisant capoter.

    "Je pourrai toujours dire que je n'ai jamais réalisé de mauvais film après Les Tueurs de la lune de miel" glissa Kastle, dans une interview réalisée en 2001 pour le compte de l'éditeur de films américain Criterion.

    Reste effectivement ce film singulier, vraiment à voir, disponible en DVD / Blu-ray.

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