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    "L'Antidote" : rencontre avec Agnès Soral

    Dans "L'Antidote", Agnès Soral campe la femme du maître du monde Christian Clavier et voit débarquer dans sa vie Jacques Villeret, modeste comptable essentiel au bien-être de son époux. Rencontre.

    Vous passez d'une mère-maquerelle dans "L'Incruste" a une femme de PDG dans "L'Antidote" : que de changements en deux films !

    Agnès Soral : Oui, c'est un vrai grand écart ! (Rires) C'est surtout bon signe, parce que les gens finissent par voir les différentes choses que je peux faire... Et à partir de là, ce métier devient réjouissant : si je peux passer d'un rôle à un autre rôle diamétralement à l'opposé, ça fait plaisir ! Le fait que je fasse plus jeune que mon âge était un désavantage jusqu'ici, et avec L'Antidote je "vieillis" un peu, et c'est très bien ! Je crois que ça va m'aider à rentrer dans mon plein emploi, et c'est plutôt de bonne augure...

    Qu'est-ce qui vous a séduit dans ce film ? La comédie ? Le fait de retrouver Christian Clavier ? De donner la réplique à Jacques Villeret ?

    D'abord, ça me faisait très plaisir de retravailler avec Christian Clavier à qui j'avais donné la réplique dans l'excellent Twist again à Moscou (1986), et que j'avais également côtoyé sur le téléfilm Le Fantôme sur l'oreiller. En trois films avec lui, j'ai joué trois femmes très différentes... C'est beaucoup plus facile de jouer un rôle de composition avec quelqu'un que l'on connaît extrêmement bien parce qu'on connaît le rythme de l'autre, sa concentration, l'alchimie que l'on peut avoir avec lui. Même si chacun a évolué de son côté et affiche une maturité différente, lorsque l'on se retrouve, on travaille forcément plus rapidement.

    Quels souvenirs gardez-vous de Jacques Villeret ?

    Jouer avec Jacques Villeret, c'était un rêve. J'avais failli faire La Soupe aux choux mais Louis De Funès me trouvait trop grande et avait préféré retenir Christine Dejoux, une actrice de grand talent mais plus petite de taille. J'avais ensuite passé le casting pour Effroyables jardins mais je n'avais pas été retenue. Au final, me voilà sur L'Antidote et j'en suis ravie parce que c'était un film qu'aimait profondément Jacques : il était content du film, heureux tout au long du tournage, il était amoureux et allait épouser sa fiancée... Je suis contente d'avoir pu dire au revoir à l'un des plus grands clowns du cinéma français. Il est parti la même année que Ticky Holgado qui était aussi un ami... On va regretter dans le cinéma français ce genre de personnes, parce que je ne sais pas si on va laisser naître des comédiens de cette espèce là, à une époque où on assiste à un certain lissage et qu'on a peur des personnalités...

    "L'Antidote" met bien évidemment en scène le tandem Clavier / Villeret, mais le film fonctionne aussi grâce aux personnages secondaires...

    C'était important que les personnages secondaires ne soient pas uniquement des faire-valoir. Le rôle de la grande bourgeoise m'intéresse par exemple, car ce sont souvent des personnages féminins et intelligents avec lesquels ont peut développer un humour beaucoup moins gras qu'avec d'autres personnages. Tout en le jouant de manière différente, j'aimerais bien à l'avenir retrouver le même genre de rôles. Par ailleurs, j'ai vraiment découvert le talent d'Annie Grégorio, que j'aimerais retrouver au théâtre : elle est absolument hilarante et humainement c'est quelqu'un d'adorable avec qui j'ai vraiment envie de jouer sur scène. Et puis il y a Alexandra Lamy que l'on connaît par Un gars, une fille : elle est excellente, très belle à l'écran, avec une vraie présence.

    Après un début de carrière plutôt tourné vers le drame, on vous sent aujourd'hui plus intéressée par la comédie...

    Depuis que je m'intéresse à la comédie avec Les Gens en maillot de bain ne sont pas (forcément) superficiels, j'ai vu que le public appréciait ce que je faisais et que je les faisais rire... J'apprends encore et j'ai très envie de continuer dans cette voie, car je pense que les gens n'ont jamais eu autant besoin de rire. Je continuerai à faire des drames bien entendu, mais je pense que je n'ai plus grand-chose à prouver à ce niveau-là car j'en ai fait beaucoup... Et puis faire rire est la chose la plus difficile.

    Jacques Villeret disait d'ailleurs qu'il n'y a rien de plus difficile que tourner une comédie...

    Bien sûr. Sur scène, on a tout de suite la réponse du public : on peut s'améliorer de soir en soir et très vite, au bout de quelques répétitions et représentations, on a de vraies réponses sur ce qui fonctionne ou pas, et on peut ainsi complètement contrôler le rythme. Au cinéma, on ne peut contrôler ni le rythme, ni le montage. Le montage peut ainsi être au détriment du rythme que l'on avait voulu donner à la scène... C'est donc à double tranchant : le montage peut améliorer votre travail, ou au contraire le détruire. Mais je suis ravie par L'Antidote car pour le moment, les journalistes que j'ai rencontrés apprécient ce que je fais dans le film.

    Vous avez débuté mineure dans ce métier, quand le cinéma était encore celui de l'ancienne école. Quel regard portez-vous sur le cinéma français aujourd'hui ?

    Je déplore plusieurs choses. Je trouve d'abord qu'il y a en France une sorte de racisme à la réussite : on va punir Jean-Pierre Jeunet ou bouder Christophe Barratier, à cause de la jalousie qui règne au sein de ce métier. C'est regrettable... Ensuite, je regrette que le financement par les chaînes crée un cinéma avec une seule forme de narration : il faut qu'il y ait des cinémas différents. Enfin, il ne faut pas que le cinéma d'auteur soit le seul à représenter le film français, parce que la Nouvelle vague a quand même tué le cinéma, quoi qu'on en dise... Il ne faut pas décourager les spectateurs et il faut leur proposer plein de styles de cinéma : le septième art qui doit rester une expression, avec un regard sous toutes ses formes, un regard sur la vie, le rêve ou le cauchemar. Les financements actuels créent un système qui étouffe la création.

    Parmi vos prochains projets, il y a le second volet de la trilogie de Claude Lelouch. Comment avez-vous vécu le (très) mauvais accueil réservé au premier opus ?

    Je trouve que le film a été victime d'une méchanceté invraisemblable et d'un véritable acharnement. Qu'on n'aime pas le film c'est une chose, mais on sent qu'il y avait là une espèce de jalousie par rapport à Claude Lelouch, du fait que c'est un homme libre financièrement parlant... Personnellement j'ai une petite amertume par rapport à la trilogie car je devais avoir un plus grand rôle dans le troisième volet. Mais la trilogie ne va pas avoir lieu, et c'est une grosse déception.

    Mais le second volet est bien tourné ?

    Oui, le second volet est tourné. Mais Claude est en train de montrer à l'étranger une autre version du premier opus, qu'il projettera ensuite en France. Du coup, le deuxième volet n'est plus une deuxième partie de quelque chose, mais un film à part. Il s'intitulera Le Courage d'aimer je crois, et plus Le Bonheur, c'est mieux que la vie.

    Quels sont vos projets aujourd'hui ?

    Je prépare un one-woman show que j'ai déjà joué à Avignon et qui s'intitule Agnès Soral c'est pas du Ronsard, que j'ai co-écrit avec le journaliste Jacques Pessis. Mais nous avons un litige autour d'une contrefaçon faite par un escroc, à savoir mon producteur. Il me fait actuellement un procès et me réclame des dommages et intérêts, et je n'ai donc pas pu continuer à jouer la pièce. J'ai hâte de récupérer les droits pour rejouer ce spectacle et faire rire les gens. Car encore une fois, je crois que nous avons besoin d'humour en ce moment.

    Propos recueillis par Yoann Sardet le 16 mars 2005 à Paris

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