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    "La Raison du plus faible" : rencontre avec Natacha Régnier et Eric Caravaca

    A Cannes, où le film était présenté en Sélection officielle, Allociné a rencontré Natacha Régnier et Eric Caravaca, deux des héros de "La Raison du plus faible", le polar social de Lucas Belvaux.

    On note un retour du polar dans le cinéma français ces dernières années, souvent relié à une dimension sociale ou politique.

    Eric Caravaca : Ca dépend. Chez Guillaume Nicloux, que j'aime beaucoup, il y a un côté polar, mais sans l'aspect social, il traite le genre en tant que tel. Alors que chez Lucas Belvaux, les deux sont mêlés. Il est à cheval sur deux genres : le cinéma social à la Ken Loach, et le polar qui s'installe au bout d'un moment. Je trouve ça bien de mélanger ces deux genres, ça donne au film un côté divertissant. Un film exemplaire pour moi de ce point de vue, c'est Le Fils des frères Dardenne : l'intrigue, qui est presque un thriller, est profondément liée à l'humanité des deux personnages principaux. Il y a une sorte d'adéquation, si bien que les réalisateurs n'ont pas eu besoin d'en rajouter dans le côté thriller. Il y a un antagonisme très fort dès le départ, qui donne un grand dynamisme, une grande énergie.

    Natacha Régnier : C'est un film que j'adore.

    (à Eric Caravaca) Dans votre propre film, il y avait aussi ce mélange entre social et thriller.

    E. C. : Oui, c'était déjà un peu présent à l'écriture, mais c'est quelque chose qu'on a développé au montage. On s'est aperçu qu'il fallait être proche des personnages, donc on a supprimé des plans larges, et ce côté thriller est devenu un peu plus présent.

    "Le Passager" et "La Raison du plus faible" sont aussi deux films sur la famille, au sens large.

    E. C. : Dans mon film, c'était une famille qu'on s'invente, une famille putative. On s'invente, un frère, un père... Le seul lien de parenté sûr, c'était entre le personnege principal et son frère mort. Sinon, j'ai brouillé les pistes : on pense que Jeanne est la mère du petit, mais ce n'est pas vrai, que Maurice Bénichou est l'oncle, mais ce n'est pas ça non plus... Je suis très sensible à ces questions. On s'invente forcément des familles, une communauté. Le poids de la vraie famille, ça peut être un drame absolu, comme on le voit dans les faits divers.

    Et à propos de famille, on a le sentiment que vous deux, mais aussi Lucas Belvaux, appartenez à la même famille d'acteurs. Cette notion a-t-elle un sens pour vous ?

    E. C. : Pour moi, ça a un sens. On se reconnaît, comme en amitié ou en amour. On ne sait pas d'où vient cette reconnaissance, mais on se dit : "Celui-là appartient à ma famille". Je crois d'ailleurs que c'est comme ça que Lucas Belvaux nous a choisis tous les deux.

    Diriez-vous que l'engagement d'un comédien passe avant tout par le choix des rôles ?

    N. R. : Effectivement, les choix de films racontent énormément de choses. Ca me paraît évident.

    E. C. : Oui mais tu vois, la question portait sur le choix des rôles, et tu as répondu : le choix des films. Je pense aussi que c'est le choix des films qui compte.

    N. R. : Tout est dans le regard du metteur en scène. Qu'est-ce qu'il raconte ? Qu'est-ce qu'il véhicule ? Quand je reçois un scénario, la première chose que je me demande, c'est : pourquoi cet homme ou cette femme a-t-il ou elle la nécéssité de raconter cette histoire ? Que veut-il transmettre ? Et est-ce que je cautionne ce qui est véhiculé ? Ensuite, je me demande quelle est la part de mon personnage dans cette histoire-là.

    E. C. : C'est ça. Je crois que ce qu'il faut choisir avant tout, ce se sont les metteurs en scène. Après, ce serait le scénario, puis le rôle, dans cet ordre-là. Ce qui compte, c'est c'est que ce soient des expériences humaines valables, sinon on perd un peu sa vie...

    (à Natacha Régnier) Il y a quelques années, on vous avait entendu chanter sur un album de Yann Tiersen, et participer à des concerts. Avez-vous envie de poursuivre dans cette voie ?

    N. R. : Je n'en ai franchement aucune idée. Je ne fais pas de projets, j'aime bien me laisser surprendre par les choses. C'est vrai que je suis passionnée par la musique, et là ça s'était présenté parce que c'était avec Yann Tiersen. Si ça se présente de nouveau, dans de bonnes conditions, je le ferai. Mais j'ai besoin de mettre un sens dans ce que je fais -même si, bien sûr, ce sens m'appartient...

    Eric Caravaca, après la réalisation d'un film, quel serait le prochain défi pour vous ?

    E. C. : Faire un deuxième film. C'est ce qui m'excite en ce moment : se remettre à écrire, et ensuite le réaliser. Ca parlera du désir et du non-désir. C'est vaste...

    N. R. : Ah, ça m'intéresse de voir ce que tu vas écrire là-dessus !

    Propos recueillis à Cannes le 25 mai 2006 par Julien Dokhan

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