Interview intégrale : Charlotte Gainsbourg
Allociné : Pour le spectateur, "La Science des rêves" est très divertissant, mais pour les comédiens, on imagine que le tournage d'un tel film n'est pas évident, c'est un saut dans l'inconnu.
Charlotte Gainsbourg : C'est vrai que je n'avais aucune idée de ce que serait le film, même si Michel avait commencé à faire certains scènes animées avant le tournage . Mais justement, c'était très agréable de se laisser aller dans son univers à lui. Il n'y a que lui qui sait faire ce genre de choses. J'avais une totale confiance, pas du tout d'angoisse à me dire : "Dans quoi est-ce que je me suis embarquée ?"
Vous avez joué aux côtés de Gael Garcia Bernal, qui, comme vous, a commencé très jeune...
On n'a pas parlé de ça, je ne savais pas qu'il avait commencé tôt, qu'il y avait des similitudes de parcours. Mais c'était très agréable de tourner avec lui, car il a une vraie simplicité, et il est drôle... Je ne sais pas s'il s'est approprié ce qu'il connaît de Michel, si son personnage est un mélange de Michel et de lui... A mon avis, beaucoup de choses viennent de lui... Je crois qu'ils ont beaucoup discuté, ça a peut-être aidé à former le personnage... En tout cas, Gael [Garcia Bernal] a une vraie fantaisie, et comme spectatrice c'était drôle de le regarder faire...
Le film fourmille d'idées farfelues. Si vous pouviez posséder une des inventions du film, laquelle choisiriez-vous ?
Ah, la machine à remonter le temps d'une seconde (rires) ! Je trouve que c'est une idée vraiment géniale. Mais c'est ça que je trouve si particulier avec Michel, c'est qu'il y a une drôlerie et une fantaisie pas possibles, mais aussi un côté enfantin dans les effets spéciaux, ça amène une poésie qui est très originale. Dans Eternal sunshine... aussi il y avait cette poésie... J'avais adoré ce film !
Je crois savoir que vous tenez un journal intime. Y notez-vous vos rêves ?
Ca m'arrive. Mais d'abord, il faut que je m'en souvienne vraiment bien, et ça c'est assez rare. Et puis je me souviens plus de mes cauchemars ou de nuits difficiles... Les beaux rêves, je ne m'en souviens pas. Mais oui parfois, je les note. Souvent on dit que pour se souvenir de ses rêves, il faut les écrire dès le matin, dès qu'on se réveille. Je n'ai pas fait cet exercice-là.
Depuis un ou deux ans, on a l'impression que vous enchaînez les films, c'est assez nouveau...
C'est vrai, mais je n'ai pas le sentiment d'avoir enchaîné tant que ça. Là, par exemple, je n'ai pas tourné depuis le mois de novembre, donc ça fait un long moment sans tournage. Le film de Michel, on l'a terminé il y a très longtemps maintenant. C'est juste que tout sort au même moment [on retrouvera la comédienne en novembre dans Prête-moi ta main, une comédie d'Eric Lartigau et en janvier dans The Golden door de l'Italien Emanuele Crialese].
Mais on a tout de même le sentiment d'un changement dans votre carrière, on vous retrouve dans des univers très différents, vous semblez plus libre...
Je n'ai pas l'impression de faire des choix particuliers. J'ai la chance qu'on me propose des projets très différents, que j'ai vraiment envie de faire. C'est juste un hasard, j'espère que ça va continuer [elle touche du bois]. Je ne peux pas être volontaire là-dedans, évidemment je décide de faire certains films plutôt que d'autres, mais je n'ai pas non plus un choix énorme, on ne me propose pas tous les films qui se font...
Dans une interview, votre mère, Jane Birkin, déclarait que l'âge idéal pour une actrice, selon elle, c'était 35 ans... Qu'en pensez-vous ? [Charlotte Gainsbourg a fêté ses 35 ans le 21 juillet dernier].
C'est vrai que j'ai l'impression que c'est un âge où on peut jouer plus de choses. Dans la plupart des films, c'est à partir de 35 ans que les personnages commencent à s'enrichir. Après, ça dépend, il y a toujours des contre-exemples. Mais les beaux rôles de femme, oui, je dirais même que c'est 40 ans... Enfin, plus ce sera tard, mieux ce sera ! (rires)
A propos de Jane Birkin, a-t-il été question que vous jouiez dans "Boxes", le film qu'elle vient de réaliser ?
Elle m'a donné à lire le scénario, que j'ai adoré. J'ai adoré son écriture, qui est vraiment particulière. Elle m'a demandé à l'époque si je voulais me jouer moi-même, et j'étais très gênée à l'idée de faire ça. Ce n'est pas du tout parce que je ne voulais pas travailler avec elle (au contraire, j'adorerais travailler avec elle), mais l'idée de me jouer moi dans une histoire si proche, ça ne me semblait pas possible. Finalement, elle a rajeuni tous les personnages, et c'est Lou [Doillon, sa demi-soeur], qui va jouer le personnage qui correspond plus ou moins à moi !
Votre personnalité a inspiré de nombreux artistes : je pense aux films d'Yvan Attal, mais aussi à l'album que vous avez enregistré (dont les textes ont été écrits par d'autres), et vous faites des photos de mode... Vous percevez-vous comme une égérie ?
Non, je ne me sens pas égérie. Mais c'est agréable de pouvoir se baser sur des choses proches, de pouvoir évidemment se cacher derrière des personnages, mais avec des traits très personnels, très intimes. C'est un jeu qui me plaît, oui. C'est vrai qu'avec l'album, je n'ai pas écrit les textes, et pourtant j'ai l'impression que c'est très très très personnel, et que je parle de choses qui sont très intimes. Je ne sais pas s'ils se sont approprié ce que je suis, s'ils ont essayé de s'en rapprocher, ou si c'est un hasard... C'est une magie qui s'opère.
Propos recueillis le 7 juin par Julien Dokhan
