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    Dans le panier de la Rédac' : "Red Dead Redemption"

    Plutôt que de vous proposer par intervalles un panier de conseils d'achats de la Rédac' sous la forme parfois bourrative de dossiers, l'idée de vous livrer par à coups des coups de coeur a fait son chemin. Au menu du jour : santiags, cache poussière et mythe des grands espaces avec "Red Dead Redemption" !

    Avant tout, un constat clinique s'impose. Les jeux portant sur l'univers du Western ne sont finalement pas si légion que cela et assez peu exploités. On a bien le souvenir ému du très réussi Desperado : Wanted Dead or Alive, un jeu d'inflitration / tactique en temps réel sorti en 2001. Il y a aussi le dyptique Call of Juarez, dont le dernier, Call of Juarez : Bound in Blood, est sorti en 2009. Mais il faut également adjoindre à cette courte liste Red Dead Revolver; un titre développé plus ou moins dans la douleur par Rockstar San Diego et sorti en 2004. Si le titre était sympathique, sa répétitivité alliée à un gameplay parfois défaillants n'en faisait pas un titre franchement indispensable. Qu'à cela ne tienne, ce jeu ne devait finalement être qu'une sorte de brouillon, une (très) lointaine ébauche de la bombe vidéoludique que constitue Red Dead Redemption.

    La fin d'une époque

    Amérique, 1911. Le mythe de la conquête de l'Ouest, qui a si longtemps façonné la construction de la nation américaine, touche à sa fin. Hors-la-loi repenti, John Marston a préféré se ranger pour couler des jours paisibles aux côtés de sa famille. Mais il n'est pas le seul à avoir changé : le monde qu'il a connu jadis n'est plus le même et a subi de profonds bouleversements. Le gouvernement fédéral, qui tente d'affirmer un peu plus chaque jour son autorité, s'affaire désormais à faire appliquer la loi sur tout le territoire, et-ce par tous les moyens nécessaires. Et lorsque des agents fédéraux menacent de s'en prendre à sa famille retenue en otage, John Marston n'a d'autre choix que de reprendre les armes pour traquer ses anciens frères d'armes. Usé par ses années de bandit de grands chemins, le visage plus ou moins couturé de cicatrices, John Marston va sillonner les vastes étendues arides à la recherche de ses anciens compagnons d'infortune. Etre à la fois le témoin des vestiges d'une époque révolue, celle des pionniers de la nouvelle frontière, et prendre part malgré soi aux soubresauts de la révolution mexicaine, qui met le pays à feu et à sang...

    A l'Ouest, enfin du (re)nouveau

    Conçu comme un GTA-Like à la sauce Western, Red Dead Redemption ne cherche pas à trahir une recette éprouvée par la cultissime série des GTA. A la tentaculaire Liberty City répondent les vastes plaines et étendues désertiques calcinées par le soleil. Un environnement désertique certes, mais loin d'être dénué de toute vie. Au contraire. Juché sur son cheval, le personnage est témoin d'une foultitude d'événements : ici un puma chassant pour son repas, là une caravane attaquée par des pistoleros. Ailleurs c'est une exécution sommaire de rebelles mexicains par les troupes régulières, des prisonniers évadés ayant faussé compagnie au shérif les escortant, des guet-apens vicieux comme celui où vous décidez de venir en aide à une pauvre femme sur le bord de la route, avant de vous faire rapidement truffer de plomb par des pistoleros. Entre deux missions, le joueur peut même se prendre pour Buffalo Bill et chasser les animaux pour les écorcher et revendre les peaux.

    Fruit d'un Game Design extraordinaire, l'environnement de Red Dead Redemption est incroyablement immersif, du cimetière perdu au milieu de nulle part à la ville fantôme de Tumblewood abritant un repère de contrebandiers; de la petite ville mexicaine d'Escalera abritant la garnison mexicaine, à Armadillo, terrain de jeu de vos premiers exploits de chasseur de prime...Tout transpire le souci et le soin maniaque du détail, y compris dans la mise en scène; l'une des grandes forces et marque de fabrique de l'équipe Rockstar. Il faut dire aussi que le studio a réalisé en amont un énorme travail de recherches historiques, notamment au service iconographique des archives américaines, pour souligner au mieux la rencontre entre le Far West de la mythologie américaine et les débuts de l'ère industrielle. Un choix gagnant : le héro de l'histoire semble d'une certaine manière, avec cette dernière mission à accomplir, vouloir prendre congé d'une société qu'il ne comprend plus, comprenant que l'ère des pistoleros dont il fut un symbole est balayée par la mise au pas de la société à grands renforts de modernisme.

    Discours subversif et grande Histoire

    Tout en brassant les passages incontournables du genre, de l'attaque de diligence à la partie de poker tournant mal, en passant par les chasseurs de primes et autres couchers de soleil, le jeu possède aussi une grande force : par l'entremise d'un discours social subversif, il rejoint aussi la grande Histoire. Tout comme le mythe de l'American Way of Life sortait pas mal écorné d'un chef-d'oeuvre comme GTA IV, celui de Red Dead Redemption va assez loin.

    La critique du modernisme, écrasant sous sa botte un Ouest à l'agonie, est par exemple très bien vu lorsque le Shérif d'Armadillo se fend d'un discours drôle et bienvenue sur l'invasion des bureaucrates de Washington, apportant dans leurs valises les taxes que les pionniers voient forcément d'un mauvais oeil. C'est aussi, à la lecture du journal, la venue jugée suspecte de cette femme médecin ouvrant son cabinet médical et venant de la côte Est, une vraie révolution dans les mentalités de l'époque. Ou encore la cruelle répression des insurgés mexicains, victimes d'exécutions arbitraires depuis que le pays s'est embrasé officiellement en novembre 1910. Un modernisme qui apporte aussi son lot de nouveautés, tel ce revolver de fabrication allemande que John Marston peut acheter, qui rappelle furieusement l'arme dont est équipé Jean-Louis Trintignant dans Le Grand Silence, le chef-d'oeuvre de Sergio Corbucci. Même dans une mission où le héro est chargé d'enquêter sur de mystérieuses disparitions avant de découvrir horrifié les agissements d'un cannibale dévorant ses compatriotes, il n'est pas interdit d'y voir une puissante métaphore brillamment levée dans le faux western Vorace. L'Amérique s'est aussi bâtit et construite en dévorant ses propres enfants.

    Sam, Don, Sergio et les autres

    Genre plutôt moribond au cinéma, le Western voit de temps à autre surgir de puissantes oeuvres. On songe par exemple à Impitoyable, ou, plus récemment, à Open Range. C'est donc avec un réel bonheur que l'on constate que le jeu ressuscite des titres majeurs et multiplie les références. A l'ambiance des saloons enfumés de la série Deadwood répond l'influence de Sam Peckinpah. A l'instar des héros de sa Horde sauvage, qui voyait une bande de hors-la-loi sur le déclin massacrer dans un maelström de violence une garnison de soldats mexicains et son général, la population mexicaine de Red Dead Redemption est aussi soumise à l'autorité d'un colonel, hidalgo cruel et dégénéré, véritable pendant vidéoludique du général Mapache dans le film.

    On songe aussi à l'influence d'une oeuvre crépusculaire majeure comme Pat Garrett et Billy le Kid, où Pat Garrett, anciens hors-la-loi passé de l'autre côté de la barrière, est chargé de mettre fin à tout prix aux agissements de son ancien compagnon d'arme : "les temps ont changés" lui disait Pat Garrett dans le film; "les temps peut-être, mais pas moi" lui rétorquait Billy. Le grand Sergio Leone n'est pas oublié. Pour Il était une fois la révolution bien sûr, mais on retrouve aussi les références évidentes à Il était une fois dans l'Ouest : le chemin de fer, par lequel passe le progrès ou du moins ce qui est présenté comme tel, impose son emprise sur le paysage. Malheur à ceux qui s'y opposent : les hommes de main de la compagnie des chemins de fer ne sont jamais loin pour envoyer Ad Patres les réfractaires au progrès de la civilisation.

    Là encore on retrouve un clin d'oeil bien senti à l'Histoire. Une mission du jeu demandant de transporter de l'opium destiné aux ouvriers du chemin de fer. Ce dernier fut construit en partie par ceux qui furent surnommés péjorativement les Coolies, ces ouvriers chinois maltraités qui noyaient la misère de leurs conditions de vie dans l'opium. On pourrait aussi convoquer les influences de films comme Le Dernier des géants de Don Siegel, celle L' Homme des hautes plaines de Clint Eastwood, ou encore celle de Trois heures dix pour Yuma, le chef-d'oeuvre de Delmer Daves...Une liste loin d'être exhaustive, mais la place manque pour toutes les évoquer.

    En prenant le meilleur de GTA, en transportant son Gameplay et sa mécanique narrative dans l'univers extrêmement riche du Western, en brassant avec une habileté et une maturité confondantes des thèmes puissants, la petite histoire et la grande, Rockstar s'impose s'il en était encore besoin comme l'un des plus brillants développeurs de jeux vidéo, achevant de hisser sans peine ce Red Dead Redemption au panthéon vidéoludique. "L'élève aurait-il dépassé le maître ?" s'interroge la rédaction de Gamekult. Pas mieux.

    DATE DE SORTIE : 21 Mai 2010

    GENRE : Action / Aventure

    PLATEFORMES : Xbox 360 et PS3

    PEGI : 18+

    DÉVELOPPEUR : Rockstar San Diego

    Olivier Pallaruelo

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