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    "The Walking Dead" : rencontre avec le dessinateur Charlie Adlard

    Invité du 3e Festival du Film Européen de Strasbourg (14 au 19 septembre 2010), Charlie Adlard est venu à la rencontre des lecteurs français du comic-book "The Walking Dead", en marge d'une Zombie Walk organisée dans les rues de la ville. L'occasion de s'entretenir avec le dessinateur sur le succès de l'ouvrage et son adaptation à travers une série-événement, attendue en octobre sur les écrans américains.

    AlloCiné : Comment êtes-vous arrivé sur "The Walking Dead" ?

    Charlie Adlard : Je connaissais Robert Kirkman à travers sa société d’édition Funk-O-Tron, qui avait publié "Code Flesh" sur lequel j’avais travaillé. La série avait été arrêtée au bout de cinq numéros, alors que nous en avions réalisé huit, et Robert avait proposé de publier les trois derniers numéros. Nous nous sommes connus comme ça. C’était deux-trois ans avant "The Walking Dead", et nous sommes restés en contact. Et il y a sept ans, j’ai reçu un mail de sa part, avec comme objet "Veux-tu gagner de l’argent ?". (Rires) Il n’y avait rien de cynique là-dedans, je vous rassure : simplement le fait que la série commençait déjà à être bénéficiaire, et qu’il pourrait me payer d’avance. Coup de chance, ce mail est arrivé entre deux boulots pour moi. La suite, vous la connaissez…

    Il y a eu tellement d’œuvres autour des zombies, que c’est compliqué d’y apporter sa touche personnelle… Comment avez-vous procédé ?

    Déjà, je suis parti des zombies de Tony Moore, qui a travaillé sur une grande partie du premier tome. Je me suis donc beaucoup inspiré de son style au départ, pour que la transition ne soit pas trop brutale. Nous dessinons très différemment tous les deux, et je pense que c’était bénéfique pour la série que Robert se tourne vers quelqu’un comme moi plutôt que vers quelqu’un avec un style plus cartoon. Après, au-delà de rester dans le sillage de Tony, il faut garder en tête que les zombies sont des corps en décomposition, et qu’il n’y a pas un éventail de possibilités très large pour les représenter de façon réaliste…

    Quel est votre rythme de travail ? En combien de temps finissez-vous une page par exemple ?

    C’est assez rapide. J’arrive à produire une page complète en trois ou quatre heures. Certaines demandent plus de temps, certaines moins de temps… Tout dépend de la complexité de la page en fait, du nombre de cases... Jusqu’à la moitié de la série, je faisais des dessins plus grands, qui étaient ensuite réduits au bon format. Depuis le numéro 33, j’ai adapté la taille de mes dessins à la taille des pages. Mais pour en revenir au rythme de travail, comme nous avons une publication mensuelle, il faut faire les choses très vite…

    L’approche narrative de "The Walking Dead" pourrait lui donner une durée de vie infinie… Y a-t-il une fin déjà établie ?

    Nous avons un peu parlé de la trame générale avec Robert. Il a des idées précises de ce qu’il veut, mais il est souvent capable de changer d’idées en cours de route : il nous est arrivé de parler de l’histoire développée dans les vingt numéros à venir… et quand on y arrive, il décide de partir dans une autre direction. Ca fait partie du processus créatif, c’est normal. Mais il essaye de me tenir au courant de ses idées au fur et à mesure, notamment en termes d’environnements et de paysages. Personnellement, j’aime découvrir les scénarios presque comme un fan : je préfère découvrir en lisant plutôt qu’en demandant directement à Robert. C’est un vrai plaisir de lecteur. Je me rappelle par exemple de la mort de Laurie et du bébé : Robert m’avait parlé de son idée de blesser Laurie, et de créer un suspense autour de son état… Va-t-elle survivre ? Va-t-elle mourir ? Sachant qu’elle avait des chances de s’en sortir selon lui… Et quand j’ai lu le scénario, ça a été un vrai choc. Et c’était génial de découvrir ça comme ça ! "Il a tué Laurie ! Et le bébé !!!" (Rires)

    L’événement autour de "The Walking Dead", c’est la série tournée par Frank Darabont. Etes-vous impliqué sur le projet ?

    Non, pas vraiment. On ne m’a pas demandé, déjà, mais je n’y ai pas pensé plus que ça car le livre me prend beaucoup de temps… J’habite en Angleterre, et ce serait compliqué de traverser l’Atlantique de manière régulière. Par ailleurs, "The Walking Dead" ne repose pas sur un univers visuel d’envergure comme pourrait l’être un projet de SF où j’ai imaginé tous les décors et les accessoires… Je n’avais donc pas forcément besoin d’être impliqué dans le processus créatif. Même sur les zombies, qui sont comme je le disais des cadavres en décomposition, il n’y a pas non plus un travail créatif énorme… Tout ça fait que je ne me suis pas vraiment impliqué sur la série. Mais j’ai été impressionné par le fait que la série s’inspire autant de mes dessins : que ce soient les décors, les personnages, certains zombies même… Ils sont restés très fidèles à l’univers du comic-book.

    Que pensez-vous du choix de passer à la couleur, contrairement au comic-book qui est en noir et blanc ?

    Ca ne me pose pas de problème. Je ne les voyais pas faire autrement de toute façon… Ca aurait été un suicide commercial de tourner cette série en noir et blanc. Et nous voulons tous que ça marche… Dès qu’on m’a parlé de ce projet de série télé, je l’ai imaginé en couleurs. Parce que c’est de la télé : je vois le comic-book en noir et blanc et la série télé en couleurs. Ce sont deux médias différents, donc ça ne me dérange pas vraiment.

    Cette approche en noir et blanc, c’était une manière pour vous de pouvoir intégrer plus d’horreur et de gore dans le comic-book ?

    Oui, il y a un peu de ça. Un peu comme Tarantino qui tourne le massacre de Kill Bill : Volume 1 en noir et blanc. L’idée vient de Robert, et je pense que c’était aussi une manière pour lui de rendre hommage à La Nuit des morts-vivants, qui reste LE film de zombies.

    Pensez-vous que la série puisse influencer à terme la trame du comic-book ?

    Non, je ne pense pas. La série sera toujours "en retard" sur le comic-book. La série peut difficilement être développée parallèlement au comic-book. Après, la série peut aller dans des directions différentes et explorer des histoires que nous avions laissées de côté, d’autant que des saisons de 6 ou 13 épisodes permettront de nous rattraper assez rapidement. La série risque donc de raconter de nouvelles intrigues, mais elle se basera toujours sur le comic-book, qui continuera de donner la direction générale de cette histoire.

    Quand un film sort en DVD, il est souvent accompagné de scènes coupées. Pour tous les fans de "The Walking Dead", avez-vous des "intrigues coupées" à dévoiler ?

    (Rires) Il faudrait demander à Robert, je ne sais pas s’il a écrit des trucs qu’il a jetés ensuite à la poubelle ! De mon point de vue, je pense que nous n’avons rien jeté... Toujours pour une question de temps : nous ne pouvons pas perdre du temps à expérimenter, il faut que la série avance, et qu’un numéro sorte chaque mois. Mais demandez à Robert si vous le rencontrez, il a peut-être des intrigues qu’il a coupées au dernier moment…

    Dernière question : vous avez travaillé sur le comic-book "Judge Dredd". Qu’avez-vous pensé de la première adaptation cinéma… et que doivent-ils éviter sur la prochaine, actuellement en développement ?

    Déjà, il ne faut pas lui retirer son masque ! C’était l’erreur à ne pas faire… La première adaptation avec Stallone n’était pas si nulle : il y avait quand même un univers susceptible de plaire aux lecteurs. Je me souviens avoir vu le film à Londres à sa sortie avec un ami : nous en parlions en marchant, et le temps qu’on arrive au bout de la rue, nous étions passés de "le film est pas mal" à "le film est horrible" ! (Rires) Alors qu’il y avait quelques trucs qui sauvaient le film. Il faut dire qu’ils avaient mis le prix… Sur la nouvelle adaptation, il faut surtout qu’ils gardent l’aspect satire et qu’ils comprennent qui est Dredd. Et aussi que le personnage ne doit pas être joué par une star. C’est presque le personnage le "moins intéressant" de Mega City One. Il n’a qu’une seule facette, et c’est son environnement et ce qui se passe dans la mégapole qui le rendent intéressant. Ils n’ont pas réussi à retranscrire ça dans le premier film… C’est Karl Urban qui sera le nouveau Dredd je crois. C’est un choix intéressant… En même temps, Dredd s’inspire beaucoup du Clint Eastwood des années 70. C’est donc compliqué de trouver un comédien qui puisse jouer le rôle car il n’y a pas grand-chose à jouer finalement. Dredd est une machine, mono-facette, qui ne dévie jamais de sa mission. Avec un masque qui plus est. Espérons qu’il arriveront à faire passer ça… Et qu’ils resteront à Mega City One également. Le premier film partait visiter la Terre de Désolation, alors que Mega City One est un univers bien plus intéressant. C’est là qu’il y a le fun, pas dans le désert ! (Rires)

    Propos recueillis par Yoann Sardet

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