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    De "Terminator" à "The Divide" : rencontre avec Michael Biehn

    C'est l'un des héros de tous les spectateurs biberonnés aux films des années 80 : héros de "Terminator", "Aliens" ou "Abyss", il dévoile un nouveau visage dans "The Divide", un thriller d'anticipation en huis-clos signé Xavier Gens.

    AlloCiné : Avec "The Divide", on s’attendait à un film d’anticipation assez classique… et on découvre une œuvre sombre, violente, qui dresse un portrait terrifiant de l’être humain. Qu’est-ce qui vous a attiré sur ce projet ?

    Michael Biehn : La plupart du temps, c’est le scénario qui m’incite à m’engager sur un projet. Mais sur The Divide, j’ai trouvé le scénario intéressant… sans plus. J’en ai parlé au producteur qui m’a dit d’appeler Xavier Gens. Et j’ai senti que Xavier me laisserait la liberté de construire mon personnage comme je l’entendais. Et il a fait la même chose avec tous les acteurs : nous n’étions pas obligés de nous en tenir aux répliques du scénario, nous avions la latitude d’emmener nos personnages dans plein de directions différentes, nous pouvions improviser… Et comme nous avons tourné chronologiquement -une première pour moi en 35 ans de carrière-, le film n’a pas cessé d’évoluer au fil du tournage. C’était une expérience vraiment libératrice en tant qu’acteur. Cette liberté sur l’histoire, c’est extrêmement rare sur un tournage, du moins aux Etats-Unis. Et c’est vraiment ce qui m’a attiré sur ce projet car Xavier m’avait dit vouloir le tourner de cette façon. Je crois que je n’aurai jamais l’occasion de revivre une expérience comme celle-ci.

    The Divide

    Qu’est-ce que vous avez pu apporter à votre personnage justement ?

    Mon personnage était vraiment conçu différemment au départ. Il était censé être le "méchant", "l’antagoniste" jusqu’à la toute fin. J’ai parlé avec Xavier du 11 septembre, de la manière dont le 11 septembre pourrait avoir eu un impact sur le personnage et son stress post-traumatique : il a perdu des hommes, sa famille, son travail… Il est devenu paranoïaque, raciste. Et c’était intéressant de montrer cet aspect. Par ailleurs, nous avons travaillé pour que ce soit le seul personnage qui regagne son humanité à la fin du film. Nous avons donc conçu un arc intéressant pour lui, et c’était une expérience merveilleuse de ce point de vue. C’est l’expérience la plus libre que j’ai jamais eu en tant qu’acteur. C’est pour ça que je compte travailler à nouveau avec Xavier sur trois projets de films Grindhouse, sous la bannière de ma société de production Blancbiehn Productions.

    Michael Biehn et Xavier Gens sur le tournage de "The Divide" © BAC Films

    Vous parliez d’un tournage ouvert, presque organique… c’était également une expérience organique puisque tous les comédiens ont dû subir un régime drastique au fil du tournage !

    Mon personnage ayant des réserves de nourritures, j’ai été relativement épargné contrairement aux autres acteurs. Mais il faut savoir qu’il y avait une vraie hostilité sur le plateau. Car c’est toujours problématique quand vous laissez autant de libertés aux acteurs. Michael Eklund, par exemple, est un improvisateur extrêmement doué : il propose des choses beaucoup plus intéressantes que ce qu’il se passe dans le scénario ou même sur le plateau. Du coup, Xavier avait tendance à s’intéresser un peu plus à lui, ce qui créait de compétition entre nous. Car un acteur essaye toujours de gagner du plus de temps à l’écran. Et ça a vraiment provoqué une ambiance exécrable sur le plateau… et la plupart des acteurs se détestaient. Pas tellement en ce qui me concerne car mon personnage est un peu isolé des autres. Mais il y avait une mauvaise ambiance… ce qui n’enlève rien à l’investissement de chacun, car ils se sont tous donnés à fond et ont tous perdus beaucoup de poids.

    C'était hostile à ce point là ?

    J’ai travaillé avec William Friedkin, avec James Cameron, avec Michael Bay…  Des gens vraiment très durs et très exigeants. Mais je n’ai jamais rien vécu d’aussi intense que sur The Divide : le décor était confiné, il fallait que chacun soit dans le cadre même s’il n’était pas au centre de la scène, et nous étions donc tous bloqués les uns avec les autres douze heures par jour…

    Michael Biehn dans "The Divide" © BAC Films

    Pour un résultat impressionnant au final mais, et pardonnez le jeu de mots, pour un film… qui risque de diviser les spectateurs...

    Il y a des gens qui aiment The Divide, d’autres qui détestent. Si vous aimez les films qui donnent la pêche et où tout se passe bien, vous n’aimerez pas ! Mais si vous aimez voir des films pour réfléchir un peu, je pense que c’est l’un des meilleurs thrillers psychologiques qui ait été fait. Il n’y a pas tellement de violence physique, mais il y a une vraie violence psychologique. Un peu comme un Requiem for a Dream : attention, je ne compare pas les deux films, mais en sortant de Requiem for a Dream, on a subi un vrai choc et on regrette presque d’avoir vu le film… tout en étant ravi de l’avoir vu ! C’est la même chose sur The Divide : c’est brutal, c’est horrible mais c'est filmé et scoré de façon magnifique. On va au cinéma pour plein de raisons : pour rire, pour pleurer, pour se détendre, pour frissonner, pour s'évader... Et si on souhaite voir ce qui se peut se cacher sous le vernis social de l’être humain, si on souhaite voir de belles performances d’acteur et si on souhaite découvrir un réalisateur talentueux, c’est un film à voir.

    Ce qui est intéressant aussi, c’est qu’il ne livre par toutes les réponses. L’attaque du début, l’enlèvement des enfants, le final… Tout reste très ouvert et très mystérieux. Xavier vous a donné ces réponses ou vous a-t-il mis dans la même position que le spectateur ?

    Je crois que Xavier voulait que le film reste ouvert sur certaines questions et interprétations. En ce qui nous concerne, nous étions comme nos personnages : Xavier ne nous a pas dit autre chose que ce qu’on vit dans le film.

    Michael Biehn dans "The Divide" © BAC Films

    A propos de "The Divide", beaucoup de critiques disent "Michael Biehn au sommet !". Vous êtes d’accord avec eux ?

    Non, je ne suis pas du tout d’accord ! Mes meilleures performances, c’était dans mon jeune temps. Les rôles que j’ai préféré interpréter, ça a été Kyle Reese dans Terminator et Johnny Ringo dans Tombstone. Après, je suis très critique et je ne suis pas forcément la personne la plus apte à pouvoir juger de la qualité de mon travail… Sur The Divide, j’ai trouvé Milo Ventimiglia fantastique, Michael Eklund incroyable, Lauren German très convaincante, Rosanna Arquette très très convaincante, Courtney B. Vance aussi sur le peu de temps qu’il a à l’écran… et moi, je me suis trouvé pas terrible. En gros, Michael Biehn qui fait du Michael Biehn ! Ces bonnes critiques à mon égard, je crois que c’est parce que les gens ne m’avaient pas vu depuis longtemps. C’est un rôle intéressant, mais je ne le mets pas au niveau de tout ce que j’ai fait pour James Cameron par exemple. Ou Tombstone. Du coup, ça m’a vraiment surpris de lire tous ces commentaires très positifs sur mon rôle dans The Divide. Après, c’est difficile de juger et de classer ses performances, vous savez. Ce serait comme choisir qui est votre préféré entre vos enfants.

    Michael Biehn dans "Terminator" © www.michaelbiehn.co.uk

    Justement, parlons un peu de ces rôles et de votre carrière, lancée en 1984 par "Terminator". Quel souvenir vous gardez de ce tournage à petit budget ?

    James Cameron a tourné ce film il y a 27 ans. Il disposait d’un budget de 6,5 millions de dollars à l’époque. C’était un petit budget, mais plutôt confortable, du moins en termes de budget : aujourd’hui, beaucoup de films indépendants n’ont pas de budgets aussi élevés. James a investi l’essentiel dans les effets spéciaux, au moins 80% je dirais. Et si James a tourné le film sur onze semaines, j’ai tourné ma première réalisation, The Victim, sur… onze jours ! Avec un budget dix ou douze fois moins important que celui de Terminator. Tout ça pour dire que la notion de petit budget a changé, et que si je disposais de 6 millions pour faire un film, je serais heureux ! Quoi qu’il en soit, je garde un excellent souvenir de Terminator, d’autant que c’est le personnage qui a le plus marqué les spectateurs parmi tous les films que j’ai pu faire. Ce film c’est aussi ma rencontre avec James Cameron qui m’a révélé en tant qu’acteur et qui m’a rappelé sur Aliens et Abyss : je lui dois ma carrière, ma maison, ma vie presque car mes enfants sont à l’abri du besoin grâce à tout ça… Je lui dois beaucoup.

    Michael Biehn dans "Aliens" © www.michaelbiehn.co.uk

    Mais que ce soit sur "Terminator", "Aliens" ou "Abyss", vous aviez conscience de jouer dans de futurs classiques ? C’est quelque chose qu’on peut ressentir au moment du tournage ?

    Non, on ne peut jamais le savoir… Mais ça reste de bons souvenirs car James Cameron fait participer tout le monde. Il invite les acteurs en salle de montage pour regarder les rushes par exemple. Alors que la plupart des réalisateurs n’aiment pas avoir les acteurs dans les pattes à ce moment-là. J’ai pu voir les films prendre forme au fur et à mesure, mais c’était impossible de deviner à l’époque qu'ils auraient un tel impact. Mais je m’en rends compte maintenant : deux à trois fois par jour, des enfants viennent me demander un autographe ou une photo et me parler de Johnny Ringo, du Caporal Hicks, de Kyle Reese… Alors que tous ces films ont été tournés avant qu’ils soient nés ! Ces trois films, Tombstone, Aliens et Terminator sont devenus des classiques. Ils résistent au temps, grâce à des histoires et des personnages solides.

    Michael Biehn dans "Tombstone" © www.michaelbiehn.co.uk

    Vous parliez de Johnny Ringo : c’était intéressant d’incarner ce méchant flamboyant ?

    Johnny Ringo est un méchant DANS LE FILM, mais le véritable Johnny Ringo, ce n’est pas dans Tombstone que vous le trouvez. C’est Disney qui a souhaité en faire un méchant : le film est très efficace et dessine bien les méchants et les gentils car c’est ce que veut le public américain, mais le scénario de départ était beaucoup plus nuancé, beaucoup moins manichéen. Johnny Ringo était un homme éduqué, mais alcoolique et fatigué de la vie. Et je crois qu’il cherchait quelque chose d’excitant à vivre. Johnny Ringo n’a jamais tué un prêtre. Ni personne d’ailleurs. Il est surtout connu pour avoir provoqué Wyatt Earp en duel… duel que Earp déclina. Les Earp n’étaient pas les héros qu’on a l’habitude de décrire vous savez… Et dans le film, j’avais essayé de retranscrire son besoin d’excitation, quand Doc Holliday remplace Wyatt Earp pour le duel : on sent Johnny Ringo gagné par l’excitation, par le même genre de poussée d’adrénaline qu’on peut avoir avant de sauter en parachute ou de monter dans un grand-huit. Il avait eu tout l’alcool, toutes les femmes qu’on pouvait souhaiter avoir, et il lui fallait quelque chose de nouveau, du danger. Mon face à face avec Val Kilmer symbolise ça.

    Michael Biehn dans "The Magnificent Seven" © www.michaelbiehn.co.uk

    Vous avez ensuite joué dans un autre western, une série adapté des "Sept mercenaires". C'était intéressant en tant qu'acteur de pouvoir développer un personnage sur la longueur ?

    Je garde un bon souvenir de The Magnificent Seven. Le producteur m’a laissé proposer énormément de choses en termes d’écriture et de dialogues. Comme James Cameron, Robert Rodriguez ou William Friedkin. Je ne suis pas forcément un bon scénariste, mais je suis assez doué, je crois, pour développer des personnages et des arcs de personnages, et voir ce qui fonctionne ou pas pour un personnage. Les bons réalisateurs savent quand ça améliore le film et laissent donc cette liberté. Les mauvais réalisateurs, qui n’ont pas confiance en eux, pensent que je veux prendre la main sur le film et refusent toute intervention et maintiennent des dialogues et des scènes de mauvaise qualité. Vous travaillez avec les meilleurs, vous obtenez le meilleur. Vous travaillez avec des mauvais… Je résume souvent ma carrière à "Essayer de mettre du rouge à lèvres à un cochon". Ou "Polishing a turd" comme on dit chez nous. ("polir un étron", NDLR)

    Michael Biehn dans "Abyss" © www.michaelbiehn.co.uk

    Quand on passe en revue votre filmographie, on se rend compte que vous avez incarné beaucoup de soldats. Comment expliquez-vous ça ?

    J’ai incarné un soldat à mes débuts dans The Lords of Discipline. Puis James Cameron m’a proposé des rôles de soldats. Et après, ça a continué… mais ce n’est pas tellement que je joue des soldats dans tous mes films, c’est que j’ai joué des soldats dans mes plus gros succès. Terminator, Aliens, Abyss, Rock, Tombstone même dans un sens… Du coup, ça m’a peut-être catalogué dans l’esprit des spectateurs et des producteurs. Mais j’ai aussi joué des soldats dans de très mauvais films ! (Rires) Mais c’est vrai que j’incarne souvent des soldats, des flics, des procureurs… Des personnages assez durs. Et sinon je joue souvent des tarés.

    Michael Biehn dans "La Septième Prophétie" © www.michaelbiehn.co.uk

    Et il vous arrive d’incarner des personnages "normaux", comme dans "La Septième Prophétie", un film méconnu mais que j’aime beaucoup…

    Oui, enfin un personnage "normal" si l’on peut dire. J’aime beaucoup La Septième prophétie, Demi Moore et Jürgen Prochnow sont très bons dedans. Nous avons fait un super boulot sur ce film… mais il n’a pas marché au box-office et peu de gens en ont entendu parler. Alors que c’est un film très fort. Mais c’est comme ça : vous faites parfois de bons films que personne ne va voir. Comme Spielberg avec Sugarland express par exemple. Ou un film que j’ai fait l’année dernière, Une soirée d'enfer. C’est un film super sympa, mignon, réaliste… et il s’est planté ! Comme Boulevard de la mort / Planète terreur : Robert Rodriguez sort Sin City et récolte 26 millions de dollars pour sa sortie : Quentin Tarantino sort Kill Bill : Volume 2 et récolte à peu près la même chose. Donc on se dit qu’en rassemblant les deux réalisateurs sur un double-feature avec des fausses bandes-annonces en entracte, ça cartonnera. Résultat : à peine 11 millions de dollars pour son premier week-end. Donc on ne peut jamais savoir ce que les spectateurs veulent aller voir…

    Michael Biehn dans "The Victim" © Blancbiehn Productions

    Peut-on espérer vous revoir dans un film de James Cameron à l’avenir ?

    J’en doute… Peut-être,  on ne sait jamais. Vous savez, j’ai vu James il y a deux mois pour lui montrer The Victim et déjeuner. On a passé plusieurs heures ensemble, et il ne m’a parlé de rien. Mais vous savez, James et moi on se connaît depuis un bail et il a tellement fait pour moi que je ne lui demande rien. J’adorerais travailler à nouveau avec lui, c’est sûr, c’est quelqu’un de tellement intelligent et fascinant ! Mais James fait un film tous les dix ans, donc s’il n’y a pas de personnage pour moi dans Avatar 2, il faudra encore attendre dix ans !

    Alors que peut-on vous souhaiter ?

    J’espère que les gens en France pourront découvrir ma première réalisation, The Victim. Le film n’a pas encore été acheté chez vous. C’est un film qui est né de ma rencontre avec Robert Rodriguez et Quentin Tarantino. Non seulement ça a été un plaisir de travailler avec eux, mais surtout ils m’ont inspiré et encouragé à passer à la réalisation et à la production sur des films petits budgets. Je ne pensais pas qu’on pouvait faire des films avec si peu, et ils m’ont vraiment encouragé. Nous avons manqué d’argent, mais l’équipe a été d’une grande aide et au final on a pu y mettre de l’action, de la torture, de la nudité, des flics pourris, un serial killer. Je l’ai écrit en trois semaines tout en faisant la pré-production, et tourné dans la foulée en onze jours. Je suis très fier du résultat et fier d’avoir réussi à le mettre en boîte en si peu de temps. Le film sort cet automne en vidéo aux Etats-Unis. Dites aux éditeurs français de s’y pencher car ils risquent de passer à côté d’un truc sympa ! Nous n’avons eu que de bons échos sur le web et dans les festivals où nous l’avons présenté… Donc j’espère que le public français pourra le voir. D’autant que je vais poursuivre ma collaboration avec Xavier Gens. J’aime beaucoup la France, je m’y sens un peu chez moi.

    Propos recueillis par Yoann Sardet (merci à Aude Dobuzinskis)

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