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    Les producteurs français indépendants en colère

    Les producteurs français indépendants ont appelé ce jeudi le gouvernement à stopper l'extension d'une convention collective des métiers du cinéma, qui mettrait selon eux en danger au moins 15.000 emplois et la diversité des films.

    Les producteurs indépendants français sont en colère et comptent bien le faire savoir. En fait, pas plus tard que ce matin même, au cours d'une conférence de presse organisée dans un cinéma du Quartier Latin à Paris. "Cela fait un an que le gouvernement reste sourd à nos revendications. [...] Ce qu'on nous propose aujourd'hui, ce n'est rien de moins qu'un dynamitage complet d'un système exceptionnel qui a pourtant fait ses preuves. On parle quand même de 15 à 20.000 emplois menacés !" explique, remonté, Yann Gilbert, producteur et gérant de la Mouche du Coche Films, société derrière des oeuvres comme Les Mythos ou Tout pour plaire.

    Après le psychodrame créé par le Maraval Gate en début d'année sur les dérapages en matière de salaires de certains talents dans le cinéma français, voilà bien une nouvelle patate chaude dont le 7e Art se serait volontier passé. Surtout le Ministère de la Culture en fait, directement pointé du doigt. L'objet de la (profonde) crispation ? La convention collective signée le 19 janvier 2012 par l'API, qui regroupe les "gros" de la distribution (Gaumont, Pathé, UGC, MK2 etc.), ainsi que par la CGT et le SNTPCT (syndicat des techniciens) notamment. Convention à laquelle s'opposent les producteurs indépendants, regroupés notamment au sein de l'AFPF (Association Française des Producteurs de Films), l'APC (Association des Producteurs de Cinéma), le SPI (Syndicat des Producteurs Indépendants) et l'UPF (Union des Producteurs Français), qui produisent pas moins de 95% des films français et 100% des films publicitaires produits en France.

    Rappel des faits

    Pendant plus de sept ans, des négociations marathons se sont tenues entre le gouvernement et les différents acteurs de la production cinématographique française, en vue de signer une convention collective. Convention effective depuis le 19 janvier 2012 et notamment signée par les Majors, qui prévoit la mise en place de seuils minimaux de rémunération pour les réalisateurs, ouvriers et techniciens du cinéma. A la demande des signataires, et conformément à la loi, cette convention collective doit être étendue, et doit par ailleurs être complétée par la voie de la négociation collective pour les artistes et les personnels permanents.

    Pour les producteurs indépendants, il y a péril en la demeure. Car l'arrêté d'extension de cette convention doit être signé par le ministre du Travail  le 11 avril prochain, pour une entrée en vigueur au 1er juillet. Or depuis le 22 janvier 2013, une convention collective concurrente a été signée par la grande majorité des producteurs indépendants réunis au sein de l'APC, l'AFPF, du SPI et de l'UPF avec la CFDT, et négociée avec la participation du syndicat FO. Une situation intenable.

    Un impact désastreux sur la profession

    Une étude d'impact sur le texte signé le 19 janvier 2012 et commandée par les producteurs indépendants, montre que si ce dernier est effectivement étendu, il "menace directement chaque année 20.000 emplois intermittents dans le cinéma et la publicité et 70 films de longs métrages, 600 courts métrages et 180 films publicitaires en France". Dans un contexte socio-économique très tendu, et alors que le chômage connaît une progression continue depuis 22 mois, le spectre de telles pertes annuelles d'emplois a de quoi donner des sueurs froides au gouvernement, qui n'a pas franchement besoin de ça en ce moment.

    L'étude relève par ailleurs que le texte du 19 janvier 2012 povoquerait "une augmentation de 20% à plus de 120% des salaires des techniciens employés sur les tournages des films dont le budget est inférieur à 7 millions d'euros, pour une composition d'équipe similaire, la nature et la taille de l'équipe étant fonction des contraintes scénaristiques, économiques et logistiques d'un film". Et d'enfoncer le clou : "Les films au budget inférieur à 7 millions d'euros qui seraient les plus impactés par une application généralisée du texte du 19 janvier 2012 sont justement ceux dont le budget est en tension au regard des objectifs artistiques poursuivis, d'autant que la production française se trouve actuellement dans un contexte de baisse générale des financements des films".

    Appel pour sauver le cinéma français

    "En envisageant d'étendre la convention du 19/01/2012, le gouvernement fait le jeu des groupes d'exploitation des films en salles : moins de films pour un cinéma formaté sur des valeurs commerciales et prévisibles" expliquent les producteurs indépendants. "Nous nous opposons à ces manoeuvres politiques qui se font au détriment de l'envergure et de la diversité de notre cinéma mais aussi au détriment de l'emploi".

    Du reste, si ces derniers affirment "prendre acte de la nomination dans la nuit par le gouvernement d'un médiateur dans le dossier", en la personne de Raphaël Hadas-Lebel, président de section honoraire du conseil d'Etat, ils appellent malgré tout à la mobilisation générale et reste plus que jamais sur le qui-vive. Pas moins de 1000 signataires ont rejoint cet appel, qu'ils soient producteurs, acteurs, actrices, réalisateurs, etc. Parmi eux, des poids lourds, comme Guillaume Canet, Isabelle Huppert, Costa-Gavras, Christophe Barratier, Rachid Bouchareb, Olivier Assayas, Raymond Depardon, Arnaud Desplechin...A un mois et demi du lancement du Festival de Cannes, la partie s'annonce en tout cas serrée.

    OP

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