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    The Strangers : un film fantastique "qui relève un peu de la comédie", selon Na Hong-jin

    De retour à Cannes pour la troisième fois, le cinéaste coréen Na Hong-jin nous a accordé quelques propos sur son dernier long métrage, The Strangers, un film policier plein de fantômes qui a dérouté plus d'un festivalier...

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    AlloCiné : Difficile de ne pas penser à L’Exorciste ou à Rosemary’s Baby, en voyant The Strangers. Etaient-ce vos films de référence ?

    Na Hong-jin : Tout à fait ! Et même, je pense que ce sont précisément les deux films qui m’ont le plus influencés pour tourner celui-ci.

    Considérez-vous The Strangers comme votre film le plus personnel ?

    Dans mes films précédents, je parlais beaucoup d’agresseurs et du monde criminel. Mais, en prenant de l’âge, j’ai réalisé que je commençais à perdre beaucoup de mes proches. J’assistais de plus en plus souvent à des funérailles où l’on est amené à veiller, à passer des nuits blanches… C’est là que j’ai commencé à réfléchir à tous ces gens qui perdent leurs proches, et qui sont, eux aussi, des victimes. Et c’est en pensant à ces victimes-là et à leurs morts que je me suis dit qu’il fallait que j’en fasse un film.

    C’est un film qui vous a pris cinq ans à concevoir, tout de même !

    C’est que j’ai mis longtemps à définir quel était le coeur de mon film. Je m’interrogeais, pourquoi ces gens étaient-ils devenus des victimes? Et surtout, pourquoi cette idée m’obsédait-elle? Trouver une réponse à ces interrogations est devenu le moteur de mon film. Bien sûr, on connaît les conditions réelles qui amènent les gens à mourir. Mais moi, je continuais à me demander ce qu’il y avait au-delà de ça. Et c’est ça que je n’arrivais pas à saisir tout à fait, ou plutôt à justifier. Je me suis donc mis à enquêter auprès de religieux de toutes les religions en Corée. Je leur ai posé des questions sur la mort et sur ses victimes. Et ça m’a pris un temps fou de bien comprendre ce qu'ils me racontaient.

    Dans tous vos films, le genre cache un grand thème. Partez-vous d’un thème vaste pour travailler une histoire particulière, ou plutôt l'inverse ?

    Je pars toujours d’une petite histoire pour en faire quelque chose de plus général. En principe, je pars de presque rien, simplement de petites choses qui me séduisent. C’est quand je les observe de plus près que je comprends qu’elles portent en elles un sens qui les dépasse. C’est à partir de là que je travaille toutes les pistes qui me viennent à l’esprit. A partir de ce petit élément microscopique.

    Les habitants de Goksung, le village dans lequel se déroule l’intrigue, sont tiraillés entre la religion, la superstition et le rationnel. Est-ce le constat plus général que vous faites sur la Corée du Sud ?

    Oui, peut-être… En réalité, quand j’écrivais ce film, je pensais beaucoup plus à la Bible, et en particulier au Nouveau Testament. Après, j’y ai ajouté des éléments un peu plus complexes pour enrichir l’histoire.

    Vous injectez beaucoup de moments de comédie dans vos films. En tournerez-vous une vraie, un jour ?

    En fait, The Murderer a été un tournage extrêmement éprouvant et difficile pour moi. Depuis que j’en ai bouclé le tournage en 2010, je me dis qu’il faut que je fasse une comédie un jour ou l’autre. Et donc j’ai fait ce film-là, qui relève un peu de la comédie...

    Dans chacun de vos films, il est très difficile d’empêcher le mal d'advenir. Vous êtes de nature pessimiste ?

    Ce n’est pas forcément le mal. Disons plutôt que c’est tout simplement impossible d’altérer le cours des choses. C’est la vie. Il faut comprendre que Dieu n’est pas forcément synonyme de Bien. Il peut représenter beaucoup de choses. Parfois, il peut intervenir sous une forme plutôt maléfique. Je pense que Dieu est un être orienté vers le Bien, mais qui ne représente pas le Bien absolu, ni forcément le Mal, d’ailleurs. Dans le film, quand un malheur arrive, il y a ceux qui partent et ceux qui restent. Moi, je voulais donner la parole à ceux qui sont en vie et les consoler. Ce n’est pas vraiment une question de bien ou de mal. Ce film, par exemple, est porté par un père qui fait son maximum pour sauver sa fille. Et, quelle que soit l’issue de ses efforts, je voulais le consoler, lui dire : "Voilà, tu as fait de ton mieux, mais nous ne sommes que des êtres humains. Même si on subit tout ce qui nous arrive, toi, tu as été un bon père et tu n’as rien à te reprocher."

    Devrons-nous attendre encore cinq ans avant de découvrir votre prochain film ?

    Comment pourrais-je vous répondre? Je réfléchis, j’ai quelques idées, et comme toujours, j’attends qu’elles mûrissent...

    Propos recueillis le 18 mai 2016 par Gauthier Jurgensen

    La bande annonce de The Strangers

     

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