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    Comment habiller le Doctor Strange de Marvel ? Réponse avec la chef costumière
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Le look de Chris Hemsworth dans "Thor" ? C'est elle. La tenue arborée par Benedict Cumberbatch dans "Doctor Strange", cape incluse ? Aussi. Rencontre avec la chef costumière Alexandra Byrne, à l'occasion de la sortie du film Marvel.

    Vous trouvez que le Doctor Strange incarné par Benedict Cumberbatch a la classe ? Que la cape de Thor tombait bien sur ses épaules lorsqu'il a fait ses premiers pas sur grand écran ? Adressez donc vos compliments à Alexandra Byrne. Oscarisée en 2007 pour son travail sur Elizabeth : L'Âge d'or, cette chef costumière a ensuite intégré l'univers Marvel, dans lequel elle revient grâce au film de Scott Derrickson, dont elle nous a parlé.

    AlloCiné : "Doctor Strange" est votre cinquième long métrage Marvel…

    Alexandra Byrne : … j'ai perdu le compte, mais oui (rires)

    Comment êtes-vous arrivés chez eux la première fois, pour travailler sur "Thor" ? Grâce à Kenneth Branagh, avec qui vous aviez collaboré pour "Hamlet" ?

    Tout à fait. J'avais déjà travaillé sur deux de ses films [Le Limier étant le second, ndlr] et il m'a personnellement demandé de dessiner les costumes de Thor. Il a donc été ma porte d'entrée chez Marvel Studios, et je travaille actuellement sur son prochain film, Le Crime de l'Orient-Express.

    Les répétitions d'action sont nécessaires chez les super-héros

    A l'époque, vous étiez spécialisée dans les films d'époque. Quel a été votre principal défi au moment de créer des costumes de super-héros ?

    Beaucoup de gens me posent la question, mais le processus reste le même : sur un film d'époque, vous faites des recherches historiques, alors que pour un long métrage Marvel, vous vous plongez dans les comic books afin de comprendre les personnages et d'aider le réalisateur à raconter l'histoire qu'il a en tête. Le grosse différence, chez les super-héros, réside dans la façon pratique dont les costumes sont confectionnés, et le nombre de répétitions nécessaires.

    Lorsque vous travaillez sur un film d'époque, il n'est pas nécessaire de faire des répétitions d'actions. Chez les super-héros si, ne serait-ce que pour savoir de quels tissus vous allez avoir besoin, car vous ne pouvez pas les acheter en petite quantité. Il faut vous assurer que vous aurez assez de chaque élément.

    Cela veut-il dire que, entre les scènes de dialogue et l'action, il vous faut confectionner plusieurs versions sensiblement différentes du même costume ?

    Oui, absolument. Sur Doctor Strange, nous avions 18 versions du costume du héros. Il faut prendre en compte les doublures, les harnais, les protections, le travail avec les câbles… Autant de choses différentes auxquelles il faut s'adapter, et il faut faire en sorte que les costumes répondent à toutes ces demandes.

    A-t-elle compté la version "goûter d'anniversaire" dans les 18 ?

    En plus de vous plonger dans les comic books, avez-vous travaillé avec des illustrateurs pour ce film ?

    Bien sûr. Je commence d'abord par faire mes recherches et établir des "panneaux d'ambiance" très éclectiques et visuels, autour de personnages ou de moments du récit. Lorsque je travaille sur un film historique, je peux essayer des tenues de l'époque pour réussir à trouver ce que je veux. Pas pour un fim de super-héros, car les costumes sont très compliqués et c'est un processus de longue durée au sein duquel on peut perdre beaucoup de temps en fabriquant des prototypes.

    La meilleure façon de parvenir à l'étape suivante est de collaborer avec des illustrateurs, afin de développer des idées visuelles. S'il y a bien évidemment une collaboration entre les différents départements sur chaque film, c'est encore plus le cas lorsqu'il s'agit de super-héros. Il faut vraiment communiquer avec les autres, et c'est pourquoi l'étape des illustrations est cruciale. Et je fais en sorte de travailler avec des illustrateurs qui vivent dans le monde des comic books, pour que la combinaison de nos connaissances respectives permette de créer quelque chose qu'aucun de nous n'aurait pu faire seul.

    Le costume de Doctor Strange a-t-il été plus long à confectionner que celui de Thor ou des précédents super-héros dont vous vous êtes occupée ?

    Tout dépend de l'échelle de la production. Dans le cas de Thor à l'époque, et de Strange aujourd'hui, nous avons un nouveau personnage, donc il ne s'agit pas uniquement de confectionner un costume, mais aussi de créer l'univers du film en question. C'est donc difficile à dire.

    Je me sens plus en sécurité avec l'oeil de Kevin Feige au-dessus de moi

    Ressentez-vous une pression particulière avec ces tenues ? Car vous devez réinventer des personnages iconiques auprès d'une base de fans de plus en plus importante, et le costume est généralement visible sur la première photo dévoilée.

    Oui, il y a de la pression. Mais j'ai la chance, chez Marvel, d'être entourée par des personnes qui connaissent parfaitement cet univers et tous ses recoins. C'est aussi pour cette raison que les films ont du succès, car ils réussissent à réunir des personnes avec différents talents. Si je travaillais seule, ce serait terrifiant. Mais je me sens plus en sécurité avec l'oeil de Kevin Feige au-dessus de moi (rires) Il y a un grand savoir pour vous guider et vous soutenir.

    Quel a donc été votre principal défi avec "Doctor Strange" ?

    Nous sommes face au Sorcier Suprême, dans un monde magique où tout devient subitement possible, surtout grâce aux effets numériques. J'ai donc dû me demander comment prendre tout ceci en compte et faire en sorte que ce soit crédible. J'ai cherché à faire en sorte que les vêtements soient très réalistes. Quand vous lisez les comic books, vous êtes rapidement plongés dans l'histoire avec les détails liés aux personnages.

    Avec cet univers surnaturel, il fallait que les tenues aient des silhouettes solides. Mais je tenais à ce que les vêtements qui les composent contiennent assez de détails pour que les spectateurs en apprennent plus sur les personnages au fur et à mesure qu'ils regardent ces costumes. Il y a beaucoup de couches mais je pense qu'ils fonctionnent aussi bien de près que sur les plans larges.

    The Walt Disney Company

    Maintenant que vous avez lu des comic books dont il est le héros, pourquoi Doctor Strange est-il aussi aimé selon vous ?

    En ce qui me concerne, j'ai beaucoup aimé les dessins qui m'ont été montrés et je pense que tout ce qui a à voir avec la magie est fascinant.

    Entre "Doctor Strange", "Thor" ou la suite de "300", on a le sentiment que les capes, c'est votre truc.

    (rires) C'est vrai. On peut le dire même si je ne l'ai pas consciemment cherché. Les capes constituent un bon exemple pour montrer l'importance d'une collaboration : sur une illustration, cela peut donner un sentiment d'échelle et de mouvement. De mon côté, trouver une cape qui "fonctionne" dans la réalité passe par la confection de prototypes permettant d'évaluer le poids, l'équilibre ou le mouvement.

    Y a-t-il un super-héros particulier que vous aimeriez habiller ?

    (rires) Je ne sais pas, car c'est avant tout le défi de l'histoire qui me donne envie de me plonger dans un projet. Lorsque nous parlons de dessiner des costumes, les gens pensent que nous nous asseyons à notre bureau, trouvons des idées et que c'est terminé. Mais le chemin est bien plus long et le look évolue. Il m'arrive parfois de comparer le résultat final avec ce qui était prévu au début, et je me dis que nous n'aurions jamais imaginé que cela finisse de la sorte. Personne ne le peut. On ne va pas d'un point A à un point B d'une seule traite. Le processus est plus long mais c'est ce que j'aime avec ce travail : vous apprenez sans cesse de nouvelles façons de le faire, et tous les éléments nécessaires convergent vers une finalité.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 22 septembre 2016

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