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    Le Serpent aux mille coupures est un "western hivernal français" selon Eric Valette

    Eric Valette ("La Proie", "Braquo") nous parle de son nouveau long métrage, "Le Serpent aux mille coupures", polar violent sous influence western, porté par un Tomer Sisley aux mâchoires serrées.

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    Diffusé hors compétition au Festival de Beaune, Le Serpent aux mille coupures sort ce mercredi dans les salles, l'occasion de rencontrer Eric Valette et d'évoquer ce film porté par un Tomer Sisley flingueur et plus hiératique que jamais.

    L'histoire : Sud Ouest de la France, hiver 2015. Un motard blessé quitte les lieux d’un carnage. Le mystérieux fugitif trouve refuge chez les Petit, une famille de fermiers qu’il prend en otage. A ses trousses : des barons de la drogue colombiens, le lieutenant colonel Massé du Réaux, et un tueur à gage d’élite, qui sont bien décidés à le neutraliser, par tous les moyens. L'homme a déclenché une vague de violence dont personne ne sortira indemne…

    AlloCiné : "Le Serpent aux mille coupures" est tiré d'un roman de DOA qu'il a lui-même adapté pour le cinéma. Etes-vous intervenu dans l'écriture de ce scénario ?

    Eric Valette : Oui, j'ai participé aux dernières phases de l'écriture, et j'ai recalibré son script par rapport au budget du film, au temps de tournage et à son aspect logistique (comme les décors par exemple), sans pour autant en changer les fondamentaux. Il fallait que la dernière version du scénario soit un peu plus concentrée, (...) moins bavarde, et j'ai resserré le final.

    C'est votre 6e long métrage, entrecoupé de beaucoup d'autres choses, avec "Le Serpent" vous revenez au polar, est-ce qu'on peut dire que c'est votre genre de prédilection ?

    Non, pas spécialement. Même si le polar est le genre le plus "facilement" faisable dans le contexte économique du français, même si cela reste très dur. Je suis réalisateur, donc je fais les films dans un contexte donné (...) et si le marché voulait qu'on refasse de l'aventure façon L'Homme de Rio, je ferais L'Homme de Rio.

    DOMINIQUE JACOVIDES / BESTIMAGE

    Je trouve que Tomer Sisley apporte vraiment quelque chose à partir du moment où il apparaît dans le film, de quelle façon a-t-il été choisi pour ce rôle-là ?

    Les acteurs physiques ayant une petite notoriété et qui sont dans la tranche d'âge 35-45 ans ne sont pas légion, donc Tomer choisit de façon assez évidente. La réserve que j'avais sur Tomer, c'est qu'il m'avait toujours fait l'effet d'un type très sympathique dans ses films, donc je ne savais pas à quel point il pouvait charrier quelque chose de très très sombre et de vraiment menaçant. Et j'ai résolu cette interrogation en voyant Nuit Blanche de Frédéric Jardin, où je trouvais que pour la peine, il avait beaucoup d'intensité et d'ambiguïté, dans un rôle qui peut-être n'allait pas jusqu'au bout de la noirceur, mais qui en avait une certaine dose. Et j'étais content de pousser les curseurs encore plus loin sur Le Serpent aux mille coupures.

    Il y a aussi un duo très bien écrit, celui du tueur froid et cruel avec un homme d'affaires qui a repris le business de la famille mais qui n'est pas vraiment un méchant, c'est très drôle. Cette idée est dans le livre, mais avez-vous pris des libertés ?

    (...) Le livre n'avait pas été si loin dans le comique, mais dès que j'ai vu comment était l'acteur hongkongais Terence Yin et connaissant le potentiel comique que pouvait amener Stéphane Debac avec qui j'avais déjà tourné, je me suis dit qu'il pouvait y avoir une alchimie très amusante pour le spectateur. On prend un peu de distance avec toute la violence grâce à ce personnage de lâche qui est notre regard sur l'action (...).

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    Ce qui m'a plus aussi, c'est un retour au polar rural, un genre que la France a souvent connu avec "Les Granges brûlées", "Coup de chaud"...

    La Horse, Canicule...

    Exactement. Comment avez-vous travaillé votre cadre avec ces grands espaces à la française, et comment avez-vous trouvé ce paysage presque menaçant ?

    C'est venu naturellement avec l'hiver (rires) ! Mais en fait j'ai toujours beaucoup aimé les westerns, et je trouvais qu'il y avait moyen de faire un western hivernal français à travers ce roman. Donc ma mise en scène va instinctivement vers le scope, les grands espaces, le côté hiératique, les personnages qui se positionnent dans le cadre et qui s'affrontent... Il y a clairement une influence que j'assume.

    Qu'on retrouve avec le personnage de Tomer, qui est un solitaire...

    Oui, c'est L'Homme sans nom !

    Comme le disait le titre d'un western italien "Je vais, je tire et je reviens". C'est un peu ça que fait le personnage de Sisley.

    Oui c'est ça ! Et à chaque fois, il amène le chaos dans les endroits où il passe, une sorte de chemin de sang.

    Théâtre du Temple

    Quels westerns ont été vos influences ?

    C'est difficile parce que mes influences western sont très composites, mais il y a des choses de L'Homme des vallées perdues, même si Tomer est plus grand qu'Alan Ladd, ce qui n'est pas dur ! Mais il y aussi des films comme L'Homme des hautes plaines ou Pale Rider qui obéissent au même type de schéma, et aussi un film que j'ai particulièrement en tête, surtout quand j'ai tourné le règlement de comptes final du Serpent, c'est Open Range de Kevin Costner. Je lui ai piqué un ou deux trucs d'ailleurs, comme le coup de feu à travers le mur, qui fait valser le type qui est de l'autre côté. C'est un des derniers grands westerns marquant.

    On a aussi dans le film une famille en proie au racisme. Ce mélange de ruralité et de racisme m'a fait penser à "Dupont Lajoie". Est-ce que c'était important d'avoir ce thème dans le film, d'autant qu'il sort à une période où la France parle beaucoup de cela ?

    Oui, c'était important car c'était dans le roman, et qu'il fallait motiver ce nœud de vipères qui explose à la fin du film. Mais Dupont Lajoie est un bon exemple car contrairement à lui dans lequel on est face à un racisme des années 70 très marqué ou c'est celui qui est différent qui prend, je voulais expliquer que le racisme n'était qu'un élément de plus d'une jalousie sociale. Dans un contexte de paupérisation de la campagne, les paysans souffrent, et cherchent un bouc émissaire et le trouve dans celui qui s'en sort. Et il peut être tout aussi bien blanc (...). Le fait qu'il soit noir n'est pas l'essentiel, là où c'était le cas dans Dupont Lajoie.

    J'ai eu l'impression que vous aviez cherché -et ce n'est pas péjoratif- à laisser un peu la caméra tourner, à ne pas cuter.

    Ah non, ce n'est pas péjoratif, c'est même un compliment, je voulais une mise en scène délibérée, où chaque plan veut dire quelque chose. Où on ne change pas d'axe, ou d'angle ou de focale pour le plaisir de dire "ah y a du rythme, j'ai changé de plan". Je travaillais plus sur le rythme interne des plans car tant que c'est bien, il n'y a pas de raison de couper. (...) Et j'avais envie d'aller vers ça car c'est très cinéma. Pour la peine, le polar télévisuel a tendance à beaucoup hacher parce que c'est toujours tourner à deux caméras, et je voulais aller vers quelque chose qui respire, d'où le côté western.

    Découvrez la bande-annonce du "Serpent aux mille coupures", ce mercredi en salles :

     

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