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    One Day at a Time, Coincoin et les Z'inhumains : les flux migratoires dans les séries en 2018

    Si la crise des migrants et les flux migratoires n'ont pas été traités directement, des séries se sont emparés du sujet, interrogeant également les risques d'un repli identitaire.

    DR

    « Par le fait même d’exister, nous sommes politiques dans le paysage » Gloria Calderon-Kellett ne cache pas ses velléités militantes quand il s’agit de parler de One Day at a Time. La showrunneuse de la série diffusée sur Netflix montre ses engagements, aussi bien dans le discours féministe que celui de la migration et le fait d’être latina quand on vit aux Etats-Unis, sous la présidence de Donald Trump. Si elle a précisé que la troisième saison, diffusée en début d’année prochaine, sera moins ouvertement politique, Gloria Calderon-Kellett ne manquera pas de faire entendre sa voix sur la question de l’immigration comme de la représentation des minorités.

    Mike Yarish/Netflix

    Une représentation caricaturale de l’immigration

    Une récente étude (Immigration Nation : Exploring Immigrant Portrayals) a analysé à travers 143 épisodes de 47 séries différentes diffusées entre 2017 et 2018, comment étaient représentés les migrants à la télévision américaine. Pour une importante majorité, ils sont décrits comme étant moins éduqués et plus sensibles à la criminalité, « Historiquement, la manière dont les média ont dessiné une communauté marginale a eu un impact direct sur leur réception dans la société, la façon dont elle est traitée, du vote de leurs droits à leur criminalité, en passant par leur simple présence dans l’espace » (Noelle St. Lindsay Stewart, entertainement média manager pour Define America).

    Dans l’analyse, 34% des personnages issus de l’immigration sont associés à un crime ; 11% sont incarcérés, sur le point de l’être ou l’ont été. Selon une étude du CATO Institute, les immigrés commettent pourtant moins de crimes. Si on exclut l’éventuel caractère illégal de leur arrivée, seulement 1% des immigrés sont en prison. Pour l’auteur de l’étude, Immigration Nation : Exploring Immigrant Portrayals « nos recherches suggèrent également que les histoires plus positives aux idées innovantes favorisent l’engagement des spectateurs sur ces questions et leur apportent des clés de compréhension ».

    Pourtant, dès qu’il s’agit de traiter de l’immigration, les intrigues portent principalement sur les menaces d’expulsions (21%) ou les récits mettant en scène l’Immigration and Customs Enforcement (ICE) (19%). Une analyse plus approfondie montre que les personnages latino représentent la cible principale des agents de l’ICE (52%). Au Japon, une émission de télé-réalité, Taikyo No Shunkan (qu’on pourrait traduire par : au dernier moment, ils ont été expulsés), met en scène des agents de l’immigration traquer des personnes en situation irrégulière jusqu’à leur expulsion. Au Canada, un programme similaire, Border Security : Canada’s Front Line a duré trois saisons (2012 - 2014) avant d’être annulée pour cause de violation de droits d’un travailleur.

    Roger Arpajou

    De The Crossing à Coincoin et les Zinhumains

    La crise des flux migratoires ne s’est peut-être pas illustrée de façon directe et franche, mais on la retrouve dans deux séries diffusées cette saison. Traitement allégorique dans The Crossing, où les auteurs révèlent s’être inspirés des immigrés ou réfugiés traversant la Méditerranée. La série raconte l’histoire de personnes fuyant une guerre se déroulant 180 ans dans le futur. Leur venue, outre le fait de soulever nombre d’interrogation scientifique sur les voyages dans le temps, montre combien le sujet cristallise les peurs et favorise le repli identitaire.

    En France, c’est Bruno Dumont et CoinCoin et les Z'inhumains qui s’est penché sur la question des réfugiés. Plus pragmatique que The Crossing, même si son histoire use d’un classique de la science-fiction (l’invasion extraterrestre qui remplace les habitants par des copies), Dumont plante sa caméra dans le Nord de la France où se cotoient mouvement d’extrême droite et réfugiés dans une « jungle ». L’auteur-réalisateur affiche un regard neutre qui pourrait soulever quelques interrogations sur la responsabilité de la démarche mais dont il se libère en dynamitant le résultat par son sens unique de la comédie. On ne sait pas très si Bruno Dumont aime ses personnages ou s’il se joue d’eux, l’empathie se disputant avec la misanthropie, mais il cartographie l’espace français avec acuité. Son final carnavalesque qui réunit tout le monde dans un mouvement circulaire sans fin est peut-être la proposition politique la plus juste et clairvoyante.

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