Mon compte
    Metro : Exodus, terrifiante et fascinante plongée dans une Russie post-apocalyptique
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Sorti le 15 février dernier, "Metro : Exodus" referme assez brillamment l'arc narratif ouvert en 2010 avec l'adaptation en jeu du livre Best-Seller de Dmitri Gloukhovski, "Metro 2033", offrant aux joueurs un extraordinaire univers post-apocalyptique.

    Koch Media

    Petite séquence Flashback. Tandis que la MGM mettait la main en septembre 2012 sur les droits d'adaptation du fameux ouvrage de SF signé Dmitry Glukhovsky, Metro 2033, les jeux vidéo étaient déjà passé par là en 2010 grâce au formidable travail du studio ukrainien 4A Games, qui transposa avec brio l'univers de l'oeuvre; même si le titre n'était pas exempt de défauts.

    Le joueur y incarnait Artyom, un des 40 000 habitants du métro de Moscou ayant survécu à une guerre nucléaire qui dévasta la Russie ainsi que la plus grande partie de la planète vingt ans plus tôt. Devant faire face aux multiples dangers nés de l'hiver nucléaire et se frayer un chemin à travers les tunnels du métro moscovite, reconverti en dernier bastion de l'humanité, le personnage progressait dans un univers très immersif et absolument fascinant. Un microcosme où le semblant de civilisation qui restait se livrait aussi, en dépit de sa situation précaire, à une lutte à mort entre factions rivales.

    Trois ans plus tard et un changement d'éditeur, le studio est revenu avec une suite, encore meilleure : Metro Last Light. Et n'y allons pas par quatre chemins : très bien écrit, le titre bénéficiait à nouveau d'une ambiance et d'un souci du détail extraordinaires; un cran très nettement au-dessus du précédent volet. Le fait que Glukhovsky ait lui-même supervisé l'écriture de tous les dialogues de Metro: Last Light, qui renforcaient beaucoup la cohérence de l'ensemble, n'y était sans doute pas pour rien.

    Si côté cinéma la MGM a finalement jeté l'éponge fin 2018 concernant l'adaptation de Metro 2033, les droits d'adaptation du roman sont finalement retournés dans le panier de l'auteur. "Ils ont un peu peur de s’installer à Moscou parce que les Américains ont la réputation d’aimer les histoires sur l’Amérique" déclarait d'ailleurs Glukhovsky, dans une interview donnée à VG247. "De nos jours, avec Metro Last Light et Metro 2033 – les livres et les jeux – vendus à des millions et des millions d’exemplaires dans le monde entier, il n’est plus aussi improbable que les gens acceptent une histoire se déroulant à Moscou, car c’est le seul argument de vente" ajoutait-il pour expliquer l'échec de cette tentative d'adaptation.

    Sublime apocalypse

    C'est du reste peut être un mal pour un bien. Car côté jeu vidéo, les joueurs peuvent en attendant s'immerger encore pour la troisième et dernière fois dans cet univers avec Metro : Exodus, sorti le 15 février dernier. Adapté du roman Metro : 2035 signé Glukhovsky, à nouveau étroitement associé à l'écriture du jeu et veillant à la cohérence de l'univers qu'il a créé, le titre referme assez brillamment l'arc narratif ouvert en 2010, même si le jeu n'est, là aussi comme ses prédécesseurs, pas exempt de défauts.

    Un quart de siècle après qu'une guerre nucléaire a dévasté la Terre, quelques milliers de survivants se sont donc retranchés sous les ruines de Moscou, dans les tunnels du Métro. Ils ont bravé la pollution, combattu des bêtes mutantes et autres abominations et subi les affres de la guerre civile. Toujours glissé dans la peau du combattant Artyom, celui-ci est, à l'inverse de ses collègues et amis, toujours obsédé et déterminé à prouver qu'il y a bel et bien d'autres survivants en dehors du métro, au point de régulièrement s'aventurer à la surface avec un transmetteur radio pour essayer d'établir une communication avec le monde extérieur.

    Koch Media

    Les tentatives d'Artyom finissent par payer et, sans que l'on vous dise exactement comment pour ne pas vous spoiler, l'intéressé parvient à s'extraire de cette nasse mortifère qu'est le métro pour mener un groupe de Rangers Spartiates en quête d'une nouvelle vie vers l'Est, mais aussi, bien entendu, de réponses sur leur devenir et ce qui les a conduit à ce stade. Un exode donc, à bord d'un train baptisé Aurora et poussé par une énorme et monstrueuse locomotive à charbon et à vapeur datant de l'époque soviétique. Une sorte de Transibérien lancé dans un périple à la fois plein de promesses, mais aussi cruel et désenchanté.

    Un périple intelligemment découpé au rythme des saisons, sillonnant une Russie post-apocalyptique presque criante de vérité. Il faut rendre ici hommage à l'extraordinaire direction artistique de Metro : Exodus, qui offre une fabuleuse variété dans cette architecture des ruines, d'une grande cohérence. On a toujours le sentiment que le moindre brin d'herbe, le moindre mur, la moindre carcasse ou branche d'arbre, ont été posés là, avec une rigueur quasi scientifique. Jamais les paysages post-apocalyptiques ne nous ont paru aussi envoûtants, organiques et paradoxalement vivants. Des spectaculaires plans d'ouverture du jeu où la caméra révèle dans un mouvement de grue un incroyable panorama d'une ville de Moscou en ruine et plongée sous une tempête de neige, aux forêts automnales de l'été indien, en passant par des étendues désertiques peuplées de survivants tout droit sortis d'un épisode de Mad Max, boss compris, Metro : Exodus offre un spectacle visuel souvent sidérant.

    Si le groupe de survivants a bien quitté les souterrains du métro, l'aventure ne manque évidemment pas d'y ramener le joueur. Les explorations d'abris souterrains comme celles de tunnels de métro sont souvent stressantes, pour peu qu'on y joue en mode "difficile". Les créatures rencontrées bougent souvent vite, et font vraiment mal, d'autant que le joueur doit en permanence veiller sur sa lampe éclairante qui faiblit et qu'il doit recharger, économiser les balles, se fabriquer des kits de soins à condition d'avoir les composants nécessaires à leurs confections, ect. Le jeu se fend aussi régulièrement de passages fleurant bon la claustrophobie, comme lorsqu'il s'agit de ramper dans un conduit d'aération avec pour tout éclairage la lueur d'un briquet, qui suffit à peine (et avec peine !) à tenir à distance de monstrueuses araignées photophobes...

    Koch Media

    Mais il y a plus. Metro : Exodus offre aussi un récit -une odyssée même- d'une galerie de personnages attachants. Car ça parle dans le jeu. Beaucoup. Il est toujours intéressant de tendre l'oreille et prêter attention aux dires des personnages, d'écouter les récits de leurs espoirs d'un avenir meilleur, de leurs passés, de leurs illusions, de leurs motivations, ou plus simplement des brefs mais parfois intenses moments de joie partagés. En clair, profiter et savourer de tout ce qui donne toujours un peu plus de chair et d'épaisseur à l'histoire et à des personnages globalement bien écrits, même si on n'est pas non plus au niveau d'écriture du maître-étalon du genre en matière de FPS narratif qu'est Bioshock.

    Cela dit, en dépit de ses indéniables qualités, Metro : Exodus offre une aventure qui n'est évidemment pas sans défauts, comme nous le disions plus haut. Comme l'I.A. des ennemis, pas le point fort du jeu; des bugs aussi, parfois; un monde semi ouvert dont les zones sont organisés de la même manière, avec une sorte de boss de zone qu'il faut faire tomber avec ses sbires, en évitant au passage d'avoir la gâchette trop facile. Ou encore le choix proprement incompréhensible d'avoir fait d'Artyom un personnage totalement muet, alors que tous les autres personnages ne cessent de l'interroger ou le prendre à témoin. L'immersion en prend quand même un coup, et ca en est rageant, alors même que les développeurs ont abattu un travail incroyable pour créer leur univers. De même, on mettra un bémol sur les doublages VF du jeu, pas mauvais (on reconnait d'ailleurs bien la voix notamment de José Luccioni, vf officielle d'Al Pacino depuis 1995), mais sans grande conviction. Gamers sur PC, il vaudra mieux jouer en VOSTF, bien mieux pour l'immersion...

    Au-delà de ces défauts, il n'empêche : c'est tout de même le coeur serré par un épilogue émouvant et désenchanté que l'on repose notre manette après la bonne quinzaine d'heures de jeu nécessaire pour boucler une grande aventure. In fine, si la saga des Metro ne verra sans doute pas le jour au cinéma, ou alors avant longtemps, il nous restera toujours les souvenirs vidéoludiques des incroyables environnements post-apocalyptiques créés par les sorciers de 4A Games. Et c'est déjà très bien.

     

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Commentaires
    Back to Top