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    ENQUÊTE - CGR, Le Grand Rex, L'Entrepôt : le confinement et le retour en salles raconté par 3 exploitants

    Après avoir donné la parole aux distributeurs, AlloCiné a interrogé des exploitants de salles. Ceux-ci nous parlent des pertes liées à la fermeture, de la réouverture soudaine et des mesures mises en place pour un retour serein en salles.

    Le 15 mars dernier les Cinémas français ont fermé leurs portes à cause de l'épidémie de Covid-19. Une situation inédite pour les exploitants de salles qui sont normalement ouverts tous les jours de l'année. Il a donc fallu s'adapter : trouver de nouvelle manière de garger le contact avec les spectateurs, profiter de cette pause forcée pour faire des travaux... 

    Après les distributeurs, AlloCiné offre la parole aux exploitants.

    AlloCiné: Comment avez-vous vécu cette période de fermeture ?

    Alexandre Hellmann, Directeur du Grand Rex (Paris) : Mal comme tout le monde. Nous en avons profité pour faire beaucoup de travaux de maintenance et d’embellissement.

    Romain Bucquet, Directeur de l’Entrepôt (Paris) : Comme un choc d’abord, les cinémas ne ferment jamais leurs portes :  ils restent ouverts 365 jours par an. Mais dans un contexte comme celui-ci il fallait se résoudre à fermer nos salles. Cela a aussi été un défi passionnant : comment maintenir le lien avec nos spectateurs alors que nos projecteurs restaient éteints. Nous avons noué un partenariat avec "La 25e heure" pour prévoir certaines sorties ou ressorties en e-cinema et avons été très touchés par notre public qui a répondu présent.

    David Scantamburlo, Directeur marketing CGR CINEMAS : C'était une situation inédite. Je vais voir le verre plutôt à moitié plein. Certes on a dû fermer les salles et se priver de la joie d'accueillir des spectateurs ; mais en temps, ça a créé aussi une espèce de besoin de garder le lien avec eux. Si je dois refaire le film aujourd'hui, je dirais qu'on a un lien encore plus fort avec nos spectateurs après avoir traversé ensemble cet entracte imposé. On a « profité » de toute cette période pour renforcer le lien avec nos spectateurs, les divertir, les informer, via de nombreuses opérations. On avait aussi envie de leur donner envie de revenir le jour où ils auront le droit de le faire le 22 juin.

    Pensez-vous que les mesures d'accompagnement du gouvernement en cette période et pour la reprise sont satisfaisantes ? 

    Le Grand Rex (Paris) : Il ne faut pas cracher dans la soupe, nous sommes un des pays les plus gâtés face à cette crise.

    L’Entrepôt (Paris) : La fermeture a été brutale mais le déclenchement immédiat de l'activité partielle a permis à tous d’envisager plus sereinement cette période inédite. Evidemment, cela ne suffira pas. Les charges et les loyers des exploitants de salle sont importants. Et la situation économique de nos cinémas est aujourd’hui préoccupante. Nos différents interlocuteurs institutionnels (CNC, Mission Cinéma de la Ville de Paris, Europa Cinemas) ont fait preuve de prévenance et de soutien. La grande inconnue reste le retour des spectateurs dans les salles. 

    Quelles sont les pertes liées au confinement ?

    Le Grand Rex (Paris) :  Nous avons calculé que tout le bénéfice de 2019 serait perdu à cause de cette pandémie.

    L’Entrepôt (Paris) :Un cinéma est une société commerciale comme une autre, fermer trois mois implique des pertes importantes, préoccupantes même. Ce sont les mois qui viennent qui vont être décisifs. Nous nous concentrons sur la réouverture et nous nous mobilisons pour faire de celle-ci une célébration du cinéma retrouvé. 

    CGR CINEMAS : On a la chance d'être un groupe avec de la trésorerie. Pour autant, c'est quand même un sacré revers qui se chiffre à plusieurs dizaines de millions d'Euros de pertes sur la période de fermeture. Economiquement, on prend un coup mais on a les reins solides et on est conquérants et on a hâte de pouvoir rouvrir et accueillir à nouveau nos spectateurs. Il y a encore des choses en négociation comme les loyers sur la période de fermeture, on essaie de travailler sur des annulations de ces loyers, sur des délais de paiement. Il y a encore des choses en chantier pour la donnée strictement économique. On a été épaulés par le gouvernement avec la mise en place du chômage partiel qui nous a permis de traverser l'orage de manière plutôt sereine.

    Je voulais aussi insister sur le travail de la FNCF et la façon dont ils ont organisé cet entracte imposé. Ils ont été dignes de leur nom, fédérateurs, innovants et ils ont réussi à obtenir des informations en temps voulus. On est en train de travailler sur une grosse campagne avec eux sur la réouverture de cinémas. Ils ont négocié des espaces de visibilité sur l'ensemble des chaînes de télévision pour faire savoir que les cinémas étaient rouverts et que les gens pouvaient revenir en toute sécurité. C'est une chose que je voulais souligner. En ces temps de crise, on a senti un vrai élan de solidarité de toute la filière, le tout orchestré par la fédération. AlloCiné collabore d'ailleurs avec elle sur bon nombre de capsules vidéo que je vois passer sur les réseaux, vous faites partie de cet élan de solidarité.

    La date de réouverture le 22 juin semble avoir surpris tout le monde. La trouvez-vous trop rapide ? 

    Le Grand Rex (Paris) : Surpris oui, mais content et on s’adapte.

    L’Entrepôt (Paris) : L’Entrepôt est aussi un restaurant et nous avions encore moins de temps pour préparer la réouverture ! L’heureuse nouvelle pour les cinémas, c’est une date qui concerne tous les établissements de l’hexagone. Cette unité, c’est aussi la force de notre profession. 

    CGR CINEMAS : On a été un peu surpris car on tablait sur une réouverture au 1er juillet mais chaque jour gagné pour accueillir nos spectateurs est un jour heureux. L'industrie du cinéma a eu la chance de pouvoir se préparer correctement à la réouverture. Ce n'est pas forcément le cas de toutes les industries. Quand les restaurateurs ont 12 heures pour rouvrir leurs salles, nous on a eu quasiment 3 semaines. On est prêts. La programmation est en ligne, les équipes sont mobilisées. On a plutôt été boostés par l'avancée d'une semaine de la réouverture. 

    Comment vous êtes-vous organisé pour répondre aux impératifs sanitaires ? Quelles mesures sont mises en place ?

    Le Grand Rex (Paris) : Nous suivons le guide de la FNCF et nous allons faire un film explicatif pour nos futurs clients qui sera diffusé sur nos réseaux sociaux et dans nos salles.

    L’Entrepôt (Paris) : Il est essentiel d’accueillir nos spectateurs dans les meilleures conditions sanitaires possibles et nous nous y appliquons. La FNCF (Fédération Nationale des Cinémas Français) nous a fait parvenir un guide très complet en ce sens : jauge limitée à 50 %, inter-séance rallongée pour faciliter les circulations, paiement sans contact... Tout sera fait pour que le public et les équipes des cinémas puissent se retrouver et échanger autour des films sans appréhension. 

    CGR CINEMAS : On 'est vraiment calés sur le guide sanitaire qui a été délivré par le gouvernement. Ce guide a été élaboré en collaboration entre l'ensemble des exploitants, le tout mené de main de maitre par la fédération (FNCF). Elle a proposé un guide sanitaire au gouvernement qui a été validé dans sa quasi  totalité. Il y a quelques mesures inévitables comme le respect de la distanciation physique. Le port du masque n’est pas obligatoire en salle, uniquement dans le hall et les coursives. Nous avons aussi mis des distributeurs de gel hydroalcoolique à disposition un peu partout sur le parcours du spectateur. D'ailleurs, on les a habillés aux couleurs de Bob l'éponge pour que le message sanitaire passe un peu plus gentiment. Les entrées et les sorties sont aussi indépendantes, ce qui réduit les flux et les croisements. 

    Quel impact ces mesures ont sur votre nombre de fauteuils et économiquement parlant ? (moins de fauteuils, moins de séances…)

    Le Grand Rex (Paris) : De grands impacts financiers bien sûr. Surtout sur la partie extra cinéma comme les conventions et concerts qui n’acceptent pas d’être en demi jauge.

    L’Entrepôt (Paris) : Un ralentissement de l’activité c’est certain. Rouvrir lundi 22 juin est un choix, certains exploitants font celui d’attendre la rentrée et on peut les comprendre. Pour nous, au delà de la jauge, ou du nombre de séances, reprendre au plus tôt était une évidence, nous sommes un cinéma de quartier et nos spectateurs sont en demande de cette réouverture, nous aussi !

    CGR CINEMAS : Une famille qui vient à 4 pourra s'asseoir côté à côté en laissant un siège vacant de part et d'autre. On peut venir en famille voir Bob l'éponge par exemple.

     Voir un film en temps de Covid-19, comment cela va t-il se dérouler concrètement pour le spectateur ?

    Le Grand Rex (Paris) : Exactement pareil sauf qu’il n’y aura que 50% des gens dans la salle et avec un masque pour ceux qui ont peur d’etre encore infecté. Moins de stress pour eux de trouver une place donc !

    L’Entrepôt (Paris) : Comme avant. Nous sommes tous concernés et avons tous compris l’importance des gestes de protection utiles. Nous veillerons tous à bien les appliquer, notamment dans le hall et les circulations. En salle, le masque n’est pas obligatoire (même s’il est conseillé), après ça, les lumières s’éteignent, le film commence et pour une heure trente ou deux, il n’est plus question de rien d’autre que de cinéma. 

    CGR CINEMAS : On va inciter les spectateurs à préparer leurs séances dans les meilleures conditions possibles, notamment en achetant leurs places en ligne. On va le recommander de le faire encore plus qu'avant pour éviter les files d'attente et les manipulations de tickets. On va aussi leur recommander de commander leurs confiseries en ligne avec un système de click and collect. Ce qui fait qu'en arrivant au cinéma, vous avez à peu près tout dans votre smartphone, sauf le film, que vous allez voir sur grand écran.

    Que vous inspire l'offre de films de l'été, alors que les distributeurs semblent avoir joué le jeu ?

    Le Grand Rex (Paris) : Il n’ a que Warner et Disney qui ont gardé des films importants (Tenet, Mulan et Les Nouveaux mutants). Sinon il n’ a rien d’intéressant.

    L’Entrepôt (Paris) : L’Entrepôt est un cinéma classé art et essai qui programme majoritairement des films indépendants. Il est normal que les distributeurs, maillon fragile de notre industrie, aient eu des hésitations. Mais nous comptons sur une belle offre auteur et diversifiée, l’Entrepôt programme aussi des films documentaires et de patrimoine, proposés par des distributeurs engagés. Nous nous sommes également impliqués dans cette reprise par une programmation à l’image de notre cinéma, à la fois plurielle et engagée : sorties de deux documentaires The Great Green Wall et Mon nom est clitoris, rétrospective de Bo Widerberg et un cycle « Evasion », que nous avons concocté nous-même, pour s’échapper encore un peu plus ! Nous réattaquons avec une très belle programmation est c’est grâce au travail des distributeurs, et de notre programmateur !

    CGR CINEMAS : Notre seule inquiétude était de savoir si on allait avoir des films à présenter car c'est le nerf de la guerre. On a été agréablement accompagnés par les distributeurs qui vont jouer le jeu et sortir leurs films dès le 22 juin pour certains, le 7 juillet pour d'autres. Certains blockbusters ont été maintenus donc on est dans les meilleures conditions pour rouvrir. Cela prendra un peu de temps avant que la machine ne se remette en route mais en tout cas, on est  prêts, les films sont là, l'offre tarifaire est là, les cinémas sont adaptés pour accueillir les spectateurs en toute sécurité, sérénité.

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    Allez vous mettre en place des réductions tarifaires ou autre pour inciter les spectateurs à revenir ?

    Le Grand Rex (Paris) : Nous allons organiser des séances à 5€.

    L’Entrepôt (Paris) : Non, la recette des billets n’est pas que la nôtre : c’est aussi celle des distributeurs et elle se répercute sur toute la chaîne de production, segments de notre industrie qui a également souffert de cette fermeture. Mais venez à l’Entrepôt : vous verrez que nos tarifs sont attractifs. Nous acceptons qui plus est la carte des Cinémas Indépendants Parisiens dont nous faisons partie et qui permet de soutenir ces cinémas tout en bénéficiant de tarifs avantageux, et acceptons depuis le début de cette année les cartes UGC Illimité et CinéPass Pathé-Gaumont.

    CGR CINEMAS : CGR a mis en place une grosse opération tarifaire qui va permettre aux spectateurs de voir des films pour le tarif exceptionnel de 5 Euros. Que ce soit en salle classique mais aussi en salle ICE, la salle premium de CGR. L'offre sera valable du 22 juin au 7 juillet. On a également des réductions sur nos tarifs de confiseries. Pendant le confinement, on a offert une place de cinéma à tous nos abonnés nés entre le 13 mars et le 22 juin. On leur a gratifié leur compte fidélité de 200 points, l'équivalent d'une place de cinéma utilisable dès le 22 juin. On fait aussi une offre tarifaire spécial pour un film dont on a décerné le label coup de cœur de CGR. Il s'agit de Tout simplement noir. Pour les 100 premières e-réservations, sur chacun de nos cinémas, on est à un tarif de 5 Euros. On veut faire en sorte que ce film soit vu par le plus grand nombre car on l'a beaucoup aimé chez CGR.

    Qu'avez-vous envie de dire aux spectateurs pour les inciter à retrouver le chemin des salles ? Notamment aux seniors et aux parents qui sont peut-être les plus fragiles.

    Le Grand Rex (Paris) :  Qu’on fera tout notre possible pour les rassurer grâce aux investissements massifs qu’on met en place pour eux pour laisser le covid loin du Grand Rex !

    L’Entrepôt (Paris) : Le cinéma vous a manqué, vous nous avez manqué aussi ! 

    Selon vous, combien de temps faudra-t-il pour un retour à la normale ?  

    Le Grand Rex (Paris) : Pas avant octobre.

    L’Entrepôt (Paris) : Impossible à évaluer aujourd’hui. Trois mois ? Six ? Nous en aurons un aperçu dès la réouverture que nous attendons avec impatience !

    CGR CINEMAS : Tout va dépendre de la situation sanitaire mais si rien ne se passe niveau seconde vague, dès septembre, on a un line-up qui commence vraiment à avoir de la gueule. Les normes sanitaires vont s'alléger au fur et à mesure comme c'est le cas dans d'autres industries comme la SNCF ou l'éducation nationale. La reprise sera donc au RDV à la rentrée.

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