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    Teddy par ses réalisateurs : "Un vrai film d'horreur ancré dans la France rurale"
    Maximilien Pierrette
    Happé par la galaxie lointaine de Star Wars à la vitesse lumière, estomaqué par Matrix, envoûté par 2001, captivé par les batailles de la Terre du Milieu, effrayé par les dinos de Jurassic Park… Il doit quelques-unes de ses plus belles claques à ces univers qui l’ont fait voyager en restant assis.

    Passé par Deauville, Sitges et Gérardmer, "Teddy" s'illustre enfin dans nos salles obscures. Une comédie horrifique que ses réalisateurs Ludovic et Zoran Boukherma nous présentent.

    Accompagné par le label "Cannes 2020"Teddy a fait sensation dans les quelques festivals par lesquels il est passé. Qu'il s'agisse de Sitges, où il a remporté le Prix de la Critique, ou encore Deauville. C'est sur les planches que nous avions rencontré ses deux metteurs en scène, en amont de la projection couronnée de succès de cette comédie horrifique dans laquelle un jeune marginal croit devenir un loup-garou.

    Après Willy 1er, co-réalisé avec Marielle Gautier et Hugo P. Thomas, Ludovic et Zoran Boukherma ont passé la seconde de leur côté, mais c'est ensemble qu'ils répondent à nos questions sur ce long métrage.

    Teddy
    Teddy
    Sortie : 30 juin 2021 | 1h 28min
    De Ludovic Boukherma, Zoran Boukherma
    Avec Anthony Bajon, Christine Gautier, Ludovic Torrent
    Presse
    3,6
    Spectateurs
    3,0
    louer ou acheter

    AlloCiné : On dit qu'il est plus difficile de faire un second long métrage qu'un premier en France, et vous n'avez pas choisi la facilité car vous avez fait un film de genre. Est-ce que cela a été aussi compliqué qu'on l'imagine ?

    Zoran Boukherma : Ça a été dur oui, mais je ne sais pas si c'est lié au fait que ce soit un film de genre. Je pense que cela tient au fait que ce soit à la fois un film de genre et une comédie dramatique. Ça n'était pas hyper clair sur le papier pour les gens : avant, nous avions fait Willy 1er, qui est plutôt naturaliste même si c'est un peu pop dans la façon dont c'est fabriqué, donc ils se demandaient pourquoi nous allions vers le genre.

    Ludovic Boukherma : Et ce qui nous tenait à cœur, c'était de faire du cinéma de genre avec la patte qu'on avait dans Willy 1er, qui est une patte de France rurale avec un univers un peu décalé. Un peu comique oui. On voulait mettre tout cela dans le film, donc sur le papier, un film de genre qui se passe dans la France rurale, avec de la comédie, c'était plus décontenançant pour les gens que si on avait annoncé faire un pur film de genre.

    Et c'est finalement ce qui fait la particularité du film : on sent qu'il est vraiment français, dans le bon sens du terme, et que vous n'avez pas cherché à copier ce que font les Américains. Et il reste proche de "Willy 1er" car, au fond, il parle aussi d'un marginal.

    Zoran Boukherma : Et pourtant on adore le cinéma de genre américain, mais on ne voulait pas faire un pastiche. Ou un film qui se prend pour un film américain, ce qui ne marche jamais vraiment. On voulait plutôt prendre nos références : on a grandi avec les adaptations de Stephen King, avec Les Contes de la crypte, avec les films de Wes Craven… On s'est demandé comme prendre ces références et se les approprier pour les amener dans un cadre français. Et assumer qu'on est en France.

    Ludovic Boukherma : C'était même le postulat de départ. L'envie du film a été de faire de l'horreur dans la campagne où on a grandi. Et si on faisait se rencontrer ces deux choses qui, à priori, ne se rencontrent pas ?

    En faisant un vrai film d'horreur, mais ancré dans une France rurale avec des gens qui ont l'accent du Sud - puisque nous avons grandi dans le Lot-et-Garonne - et surtout des gens normaux. La première envie, c'était même ça, au-delà de l'aspect horrifique.

    Sur le papier, un film de genre qui se passe dans la France rurale, avec de la comédie, c'était plus décontenançant pour les gens que si on avait annoncé faire un pur film de genre.

    Qu'est-ce qui vous a conduits vers le loup-garou, qui est assez rare dans l'horreur à côté des vampires et zombies ?

    Ludovic Boukherma : Tout est parti de quelque chose d'assez drôle. Après Willy 1er, on cherchait à écrire notre deuxième long et on a un peu galéré. On en a écrit beaucoup, car on ne savait pas trop ce qu'on voulait faire. Mais on est partis en vacances dans le Jura, et pour y tourner un court métrage nous avions acheté un masque et des mains des loup-garou dans un magasin de farces et attrapes.

    Et là, en cherchant ce que nous pouvions faire, on a retrouvé le plaisir de quand on était gosses, de faire des films de monstres. Donc on a fait ce court métrage, hyper modeste et tourné au téléphone, et tout est parti de là.

    On a constaté que si on prenait un film de loup-garou classique dans sa structure, comme peuvent l'être Le Loup-garou de Londres ou Ginger Snaps, et qu'on le regardait aujourd'hui, on le voyait différemment.

    On avait l'impression que le fond - souvent une histoire de passage à l'âge adulte - devenait autre chose. Potentiellement la colère, la marginalisation. Et c'est aussi ce qui nous a donné envie de faire un film sur la mutation, le fait de devenir un monstre.

    Les mains de loup-garou, c'est celles qu'on aperçoit dans le film ?

    Ludovic Boukherma : Ça aurait pu, mais c'est un costume qui a été fait par Christophe Calcus pour le film. Ce qu'on avait avant, c'était encore plus cheap. C'était du carton-pâte. (rires)

    Le fait de suggérer plus que de montrer, était-ce un parti-pris dès le départ, ou est-ce lié aux contraintes budgétaires ?

    Zoran Boukherma : Un peu les deux. Ce qu'on constate déjà, c'est que même dans les films de loup-garou qui ont beaucoup de budget, la créature est rarement très réussie. Ça sonne souvent faux. Nous on aime bien ce côté-là : quand on regarde Le Loup-garou de Londres, même si on ne le voit qu'une seconde, on a le temps de remarquer qu'il n'est pas vrai.

    Donc on s'est dit que le montrer beaucoup avec le budget que nous avions, qui était infiniment inférieur à celui de ces films, c'était complètement irréaliste et ça ne pourrait pas marcher. De façon purement pragmatique, nous avons convenu qu'il valait mieux ne pas trop le montrer et laisser l'imagination du spectateur faire le reste.

    Mais il y a aussi quelque chose que l'on constate : quand on regarde des films de loup-garou, d'extra-terrestres ou quand il y a un mystère, l'anticipation est toujours plus plaisante que le moment où on voit.

    Dans un film d'extra-terrestres, on est très contents quand on nous dit que les Martiens vont arriver. On est super content tant qu'on ne les a pas vus parce qu'on les imagine et qu'il y a quelque chose qui nous tient en haleine.

    Et à partir du moment où tu as vu le truc, tu t'en désintéresses presque. Donc on a décidé de repousser le moment où on dévoile le loup-garou et, à ce moment-là, de peu le montrer, car cela permet de maintenir le spectateur en haleine et de ne pas avoir cette petite déception.

    RACHID BELLAK / BESTIMAGE

    Ludovic Boukherma : Il y avait aussi l'enjeu du drame. Vu qu'à la fin on est dans quelque chose de dramatique, si nous arrivions avec une figure trop kitsch, trop cheap, ça risquait de freiner l'émotion avec trop de second degré. Et nous ne voulions pas que l'on nous reproche que ce soit un peu une blague. Cela nous évitait aussi ce problème.

    Zoran Boukherma : Et puis le dosage s'est aussi beaucoup fait au montage. Nous avons énormément filmé et fait beaucoup de plans sur le loup-garou. Et nous voulions que celui-ci soit fait avec un costume et du maquillage, pas des effets spéciaux numériques.

    Mais malgré le boulot formidable de Christophe Calcus - car nous n'aurions pas pu avoir meilleur loup-garou - cela restait un costume. Et c'est très dur de faire passer du faux pour du vrai, même si l'on peut jouer sur l'éclairage.

    Je pense qu'on ne se rendait pas compte que c'était si difficile, donc on s'est retrouvé à écrémer au montage, pour ne garder que quelques plans où ça marchait vraiment.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Deauville le 5 septembre 2020

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