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    Resident Evil Village : un 8e volet solide, mais imparfait
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Quatre ans après un formidable Resident Evil VII Biohazard, qui opérait un retour aux racines du Survival Horror, Capcom lâche dans l'arène le 8e opus de son increvable franchise. Pour un résultat solide, mais imparfait.

    Capcom Company

    La cultissime licence vidéoludique Resident Evil célébre cette année ses 25 ans, et presque autant de jeux qui ont vu le jour. Resident Evil premier du nom, en 1996, a contribué à poser les bases du genre Survival Horror. Mélange d'exploration, d'action et de sensations fortes, le premier volet de la saga s'est vendu à l'époque à 2,75 millions d'exemplaires.

    Au fur-et-à-mesure des épisodes, la saga Resident Evil a exploré des voies différentes, des variations de Gameplay, sur le thème immuable de l'horreur. Si les épisodes se suivent, ils ne se ressemblent pas, et osent parfois la rupture : ce fut le cas avec l'extraordinaire Resident Evil 4, en 2005, qui se distinguera des précédents opus en proposant un Gameplay avec caméra à l'épaule pour accentuer le sentiment d'immersion du joueur.

    Toutefois, plus la saga avançait, plus les jeux sont devenus des titres orientés avant tout sur l'action, avec des éléments horrifiques, au détriment de ce qui fait le sel d'un Survival Horror, c'est à dire un vrai sentiment de vulnérabilité. Un glissement qui a irrité nombre de fans de la franchise, même avec les 7,1 millions d'exemplaires vendus de Resident Evil 5, l'épisode le plus vendu de la saga.

    En 2017, la sortie de Resident Evil VII - Biohazard fut justement l'occasion pour Capcom d'opérer un virage à 180° en revenant aux bases du Survival Horror et se réinventer, pour mieux se réconcilier avec son public de la première heure. Le résultat ? Fantastique, absolument terrifiant, et sacrément immersif : pour la première fois dans l'histoire de la saga Resident Evil, le jeu était intégralement en vue à la première personne, renouant aussi avec une certaine forme de peur sensorielle et viscérale.

    Si l'on prend le temps de faire ce petit retour en arrière, c'est aussi pour mieux souligner à quel point Capcom était attendu lorsqu'il a annoncé son Resident Evil Village, le 8e opus canon de la franchise. Entre un nouveau film à venir, pensé comme un reboot, une série animée et une autre en live sur Netflix, la licence est plus vivante que jamais.

    A l'heure où la saga a récemment passé le cap des 100 millions d'exemplaires vendus à travers le monde en début d'année, l'éditeur sort de sa besace un épisode solide et très efficace, hybride, largement sous influence, mais peinant parfois à trouver sa propre identité. C'est qu'il est aussi difficile de se réinventer en permanence...

    Si vous avez manqué le début...

    Bien qu'il ne soit pas nécessaire d'avoir essoré le précédent volet, il est plus que fortement conseillé de le faire. Car ce Resident Evil Village a été pensé et conçu comme une suite directe de l'opus précédent.

    S'ouvrant sous forme d'un très original conte macabre pour enfant, dont la superbe approche visuelle, rappelant la technique du Stop Motion, n'est pas sans évoquer celle d'Henry Selick et son formidable Coraline voire celle d'un Tim Burton, RE Village débute son récit trois ans après les dramatiques événements survenus en Louisianne, qui voyaient un nouveau personnage, Ethan Winters, et sa compagne, Mia, aux prises avec les Bakers, une famille dégénérée vivant au fin fond du bayou.

    Prenant le large pour s'installer quelque part en Europe centrale, le couple tente de se reconstruire et a eu la joie d'avoir un petit bébé prénommée... Rosemary (vous avez la référence ?!). Mais les traumatismes de leur expérience passée ont laissé des séquelles et font toujours naître de vives tensions entre Ethan et sa femme.

    Capcom

    C'est alors que la tragédie les frappe de nouveau. Chris Redfield, l'un des personnages phares de la série Resident Evil qui a fait une brève apparition dans le volet précédent, fait à nouveau irruption, tire sur Mia, et emmène avec lui et son équipe la petite Rosemary...

    Assommé et emmené à bord d'un fourgon, Ethan se réveille commotionné, au crépuscule, perdu au milieu des bois menaçants. Son chemin le mène alors vers un petit hameau, niché dans une vallée sauvage, au pied d'un imposant château qui découpe au loin son inquiétante silhouette dans la brume...

    On n'en dira malheureusement (ou heureusement, c'est selon...) pas plus du scénario du jeu. Dans l'envoi du titre, Capcom avait conditionné les articles à une liste de restriction de contenus; une liste longue comme un jour sans pain. Compliqué donc de développer davantage le propos sur l'intrigue. Et même si ces embargos ont été levé au moment de la sortie du jeu, le 7 mai dernier, et que nombre de soluces fleurissent déjà sur les sites, on restera malgré tout fidèle à ces recommandations, ne serait-ce que pour ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte.

    Le village, Hub de l'aventure

    Toujours est-il que ce village justement, pensé comme un hub à partir duquel Ethan explore les environs, est devenu le terrain de jeu de créatures d'un nouveau type. Exit le zombie, place aux lycanthropes qui chassent en meutes, traquant les villageois qui se terrent dans ce qu'il leur reste d'habitats. Costauds, au comportement parfois imprévisible, ils donne à un Ethan encore démuni du fil à retordre, au moins dans les 2h qui suivent le début de l'aventure.

    Si certains puristes ont pu claquer des dents devant cette absence manifeste de zombies "à l'ancienne", il reste que ces ennemis d'un nouveau genre, pour ne citer que ceux-ci, apportent du sang neuf, si l'on ose dire, dans la licence. Plus largement, on sent d'ailleurs que l'équipe derrière Morimasa Sato, le Game Director du jeu, a imaginé son bestiaire et une large part de ses personnages en travaillant avec un manuel illustré sur les genoux des contes et légendes d'Europe centrale; comme celle entourant la sorcière Baba Yaga ou la Boginka.

    Capcom

    Le premier de ces environnements à explorer est justement celui de l'imposant château de Lady Dimitrescu. Personnage très charismatique s'il en est, imposante, et que Capcom ne s'est d'ailleurs pas privé de largement promouvoir au fil des semaines en amont de la sortie de son jeu. C'était plutôt bien vu, tant celle-ci reste à nos yeux l'un des antagonistes les plus réussis de cette nouvelle aventure. Même si, hélas, elle est loin d'occuper une place aussi prépondérante que ne le laissait supposer les diverses bandes-annonces...

    Véritable pendant vidéoludique de la funeste comtesse Elizabeth Bathory, celle-ci habite avec ses trois filles dans un château baignant dans un gothique macabre tout droit sorti d'une production de la Hammer. Dans une ambiance délicieusement surrannée et mortifère, Ethan arpente de la cave au grenier (même le toit en fait...) cette immense bâtisse, dont l'exploration est calquée sur le même principe que l'architecture du manoir des Bakers du précédent volet, qui faisait très souvent repasser le joueur dans des zones se deverrouillant au fur-et-à-mesure de l'avancement de l'intrigue.

    Baignant dans un superbe clair-obscur, les différentes sections du château sont un grand plaisir à parcourir, tout en flattant régulièrement la rétine avec un sens aigüe du détail qui force le respect. Toutefois, c'est dans les environnements extérieurs que le RE Engine, le moteur du jeu, donne le meilleur de lui-même. De l'éperon rocheux perdu dans la brume de la demeure où se terre Donna Beneviento (une des antagonistes), aux abords de la gigantesque usine repère d'Heisenberg (déjà présenté dans une bande-annonce), en passant bien entendu par le village, pour ne citer que cette poignée d'exemples, l'écrin visuel du jeu est splendide.

    Plus action que terreur brute

    Ces environnements semi ouverts, aussi réussis soient-ils et justifiés d'un point de vue scénaristique, évacuent aussi malheureusement toute l'incroyable sensation de claustrophobie présente dans Resident Evil VII : Biohazard, et par extension le sentiment de peur et de vulnérabilité qui en découlait, alors même que l'on sentait Ethan Winters toujours à la merci de ses bourreaux. Dans RE Village, jamais, ou si peu, cette approche Survival n'est présente, en dépit ça et là de quelques pics de tension.

    La raison tient aussi pour une large part au choix du gameplay effectué par l'équipe de développement. Un gameplay très orienté action chez le personnage principal, qui connait d'ailleurs son acmé dans le tout dernier tiers du jeu (qu'on se gardera évidemment de spoiler), avec un arsenal impressionnant et d'ailleurs améliorable, par l'entremise d'un énigmatique personnage régulièrement croisé, répondant au nom de The Duke. Là aussi, une réminiscence de Resident Evil 4...

    Un dernier tiers de jeu qui figure clairement comme le segment le moins réussi de ce nouveau chapitre. C'est d'autant plus dommage que l'arsenal que trimballe Ethan Winters transforme presque une partie du jeu en périple sans réel grand danger. Jamais nous n'avont été totalement à court de munitions (fabriquées ou non), ni même de flacons de soin. En mode de difficulté "standard", soit normal, il vous faudra ainsi environ 10h30 de jeu pour le sillonner tranquillement. On vous suggère donc, dès le début de l'aventure, d'opter pour le mode difficile. Ca corsera déjà un peu plus le challenge.

    S'il ne vous aura pas échappé que le précédent volet de Resident Evil garde nettement notre préférence, et en dépit des réserves susmentionnées, ce RE Village a de vrais atouts à faire valoir : une réalisation et une technique très solide, une mise en scène parfois inspirée à défaut d'être toujours originale, et livre in fine des éléments de réponses intéressants sur l'arc narratif tissé autour d'Ethan Winters, ouvert voilà quatre ans. Difficile donc de passer outre ce chapitre et de bouder son (vrai) plaisir.

     

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