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    Disney : le tragique et sordide destin du premier enfant star des studios
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Il y a 54 ans, le 30 mars 1968, disparaissait tragiquement et dans l'anonymat complet Bobby Driscoll. Premier enfant star engagé par Walt Disney, oscarisé à 13 ans, sa carrière dégringola par la suite dans une terrible descente aux enfers...

    United Artists

    Il avait joué dans son premier film à 6 ans ; il fut un des premiers enfants stars à signer un contrat avec Walt Disney à l'âge de 9 ans ; il remporta un Oscar à 13 ans. La trajectoire ascendante et fulgurante du tout jeune prodige Bobby Driscoll fut aussi spectaculaire que son éclipse et sa terrible descente aux enfers sera d'un sordide absolu, au point de mourir dans un anonymat complet il y a tout juste 54 ans, le 30 mars 1968.

    Né le 3 mars 1937 à Cedar Rapids dans l'Iowa, Bobby Driscoll était le fils unique de Cletus, représentant de commerce dans le bâtiment, et Isabelle, une ancienne institutrice. Sur les conseils du médecin de famille, celle-ci partit s'installer en Californie en 1943, là où, disait le médecin, l'air serait meilleur pour le père de famille, dont la santé était défaillante en raison de son travail régulier au contact de l'amiante.

    C'est par un pur hasard que le jeune Bobby fut repéré, alors qu'il accompagnait son père chez un barbier. "Mon père m’amenait avec lui chez un barbier à Pasadena, dont le fils travaillait dans le cinéma. Le barbier m’aimait bien, donc il a parlé de moi à son fils, qui a lui-même parlé de moi à son agent, lequel a arrangé des essais avec un réalisateur, pour un rôle avec Margaret O’Brien dans L’Ange perdu" raconta Bobby dans une interview à la radio, en 1946.

    Un contrat en or chez Disney

    Bien que sa présence à l'écran dans ce film soit très minime (à peine 2 min), elle lui permet d'enchaîner rapidement d'autres rôles. En 1946, il est véritablement révélé par une production Disney, Mélodie du Sud. Le 11e long-métrage d'animation des studios Disney, mélangeant animation et prises de vues réelles, est adapté des Contes de l'Oncle Rémus (Tales of Uncle Remus) de Joel Chandler Harris, parus entre 1880 et 1905.

    Le film avait d'ailleurs permis à l'acteur James Baskett, qui incarne l'oncle Rémus, de se voir remettre un Oscar honoraire, tandis que le film remportait l'Oscar de la Meilleure chanson. Se déroulant dans le vieux Sud américain avec d'anciens esclaves et leurs anciens maîtres dans une plantation de coton, Mélodie du Sud reste, encore aujourd'hui, le plus gros caillou dans la chaussure de la firme Disney.

    Peu de temps après ce film, Bobby signe un contrat avec Walt Disney. A l'instar de l'adorable Shirley Temple, "la petite fille chérie de l'Amérique", le visage poupin de Bobby est adopté et plébiscité par des millions d'américains, qui le découvre à nouveau, toujours chez Disney, dans L'île au trésor, ou dans Danny, le petit mouton noir en 1949.

    Voici un petit extrait du film d'ailleurs...

    En 1950, il remporte un Oscar de la jeunesse (une catégorie qui n'existe plus) pour son film Une Incroyable histoire. Trois ans plus tard, il prête ses traits au garçon qui ne voulait pas grandir, Peter Pan, et double le personnage animé créé par la firme Disney. Au faît de sa notoriété, il a même l'insigne honneur de déjà recevoir son étoile sur le Walk of Fame d'Hollywood Boulevard.

    Ci-dessous, un extrait de la cérémonie des Oscars, où Bobby vient chercher son prix :

    Pourtant, cette même année de 1953 résonne comme un coup de tonnerre pour le jeune comédien : Disney met brutalement fin à son contrat, trois ans avant la date prévue. Les raisons, bien qu'incertaines, sont diverses. Mais au moins, déjà physiques.

    Bobby ne ressemble déjà plus à cet adorable bambin au visage poupin ; il a de l'acné, sa voix a mué et est désormais plus grave... Et il se murmure que Howard Hughes, le milliardaire propriétaire de la RKO et distributeur des films de Disney, ne supporte pas cette incarnation hollywoodienne qu'il déteste. Toujours est-il qu'il apprend son licenciement de manière bien abrupte : il se voit interdit d'entrée au studio du jour au lendemain...

    La descente aux enfers

    La spirale infernale commence. Ses parents l'inscrivent à la West Los Angeles University High School, en vain. Désireux de forger son propre destin et tracer son chemin, il part se perdre un temps à New York ; se marie et divorce, deux fois. Malgré quelques rôles à la télévision, dont notamment dans la série Rawhide (qui lancera un certain Clint Eastwood) ou Dragnet, "il ne se remettra jamais d'avoir été abandonné par Hollywood" déclara son ami Billy Gray à Entertainment Weekly.

    Tombé dans la drogue, il prend régulièrement de l'héroïne, et il est plusieurs fois arrêté pour possession de drogue, fraude, vol, agression... Un casier chargé, qui l'envoie au centre de réhabilitation de Chino en 1961. "J’avais tout. Je gagnais 50 000 dollars par an, je travaillais régulièrement. Puis j’ai consacré tout mon temps libre à mon bras. Je ne sais pas vraiment quand j’ai commencé à utiliser des narcotiques" dira-t-il au juge avant sa condamnation. "J’avais 17 ans, quand j’ai vraiment expérimenté. En peu de temps, je m’injectais tout ce qui était à ma portée, surtout de l’héroïne. Parce que j’avais l’argent pour".

    A sa sortie de prison en 1962, il devient charpentier, puis tente un comeback, mais Hollywood ne veut plus de lui. En 1965, il s’installe à New York à Greenwich Village, mais sa mauvaise réputation le précède et personne ne l’engage. Il se tourne alors vers la culture underground et fréquente quelques temps la Factory d’Andy Warhol, puis disparaît complètement de la scène publique.

    Le 30 mars 1968, deux gamins jouant dans un terrain vague du côté de East Village découvrent le corps de Bobby Driscoll, au milieu de bouteilles de bière vides et de publications religieuses. La police venue sur les lieux est incapable d'identifier le corps. L'examen médico-légal certifiera que Bobby Driscoll est décédé d'une crise cardiaque, causée par un stade avancé d'athérosclérose.

    Son identité n'ayant pu être vérifiée et personne ne réclamant le corps, il est inhumé dans le carré des indigents dans le cimetière de Hart Island. Ce n'est qu'un an et demi après sa mort que son identité est confirmée, grâce à une empreinte digitale qu'il avait laissée dans un dossier dormant dans le tiroir d'un commissariat à New York. Souvenir tragique d'une de ses nombreuses arrestations...

    Dans un cruel sort du destin, sa mère n'apprendra sa mort que deux ans plus tard. Quant au public, il ne connaîtra le destin de Bobby Driscoll qu'en 1972, à la faveur d'une brève ressortie dans les salles de Mélodie du Sud. C'est d'une tristesse à fendre les pierres en deux...

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