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    La Faute à Rousseau sur France 2 : quel avenir pour Benjamin et Théo en saison 3 ?
    Jérémie Dunand
    Jérémie Dunand
    -Chef de rubrique télé / Journaliste
    Bercé dès l’enfance au rythme de Sous le soleil, de P.J., ou des sagas de l’été, il se passionne de plus en plus pour les séries françaises au fil du temps. Et les dévore aujourd’hui (presque) toutes, de Balthazar à Scènes de ménages, en passant par Hippocrate, Candice Renoir, Ici tout commence.

    Alors que la saison 2 de "La Faute à Rousseau" s'achève ce soir sur France 2, Thomas Boullé, l'un des deux créateurs de la série, revient sur l'intrigue et les thématiques de ces six épisodes. Et tease ce qui nous attend dans la potentielle saison 3.

    AlloCiné : La première saison de La Faute à Rousseau, diffusée l'an dernier sur France 2, a eu un bon accueil critique et a réalisé de jolies audiences renforcées notamment par un très bon replay. Quel était le défi avec cette saison 2 ? De faire encore mieux, à tous les niveaux ?

    Thomas Boullé (co-créateur et scénariste) : Dans la première saison, Benjamin Rousseau, incarné par Charlie Dupont, faisait beaucoup de conneries, il ne traitait pas très bien les femmes autour de lui. Et dans la saison 2, il essaye de se rattraper. On a un héros un peu plus sympathique, qui essaye de bien faire. L’objectif de l’écriture en saison 2 c’était, après avoir raconté un personnage un peu radical et transgressif, de le rendre plus attachant, sans perdre ce qu’il était en saison 1. C’est vraiment la ligne qu’on s’était fixé avec Agathe Robillard, ma co-autrice.

    Vous le disiez l’an dernier, La Faute à Rousseau est une adaptation très libre de Merli, vous ne calquez pas les intrigues, ni les cas scolaires sur la version espagnole. Comment s’est passé le travail avec Agathe Robillard sur cette saison 2 au niveau des thématiques sociétales ? Il y avait des thèmes évidents que vous aviez d’emblée envie de traiter ?

    En saison 1, on était vraiment parti des personnages. Cette année, on est d’abord parti des sujets. On avait envie de parler de l’identité de genre, des agressions sexuelles, des filières de discrimination positive. Et on s’est ensuite posé la question de quel sujet philosophique cela soulevait. Alors que l’an dernier c’était un peu la démarche inverse. On était parti de la philosophie et on s’était dans un second temps demandé quelle incarnation cela pouvait nous donner en termes de personnage.

    Mais toute la difficulté d’une série comme La Faute à Rousseau est de faire se rejoindre trois fils : un fil sujet de société, un fil philosophie, et un fil vérité de personnage contemporain. On échange beaucoup d’idées avant d’arriver à trouver la bonne incarnation.

    La Faute à Rousseau
    La Faute à Rousseau
    Sortie : 2021-02-17 | 52 min
    Série : La Faute à Rousseau
    Avec Charlie Dupont, Anny Duperey, Louis Duneton
    Presse
    3,1
    Spectateurs
    3,5

    Alors que la parole se libère de plus en plus depuis la naissance du mouvement Me Too, il vous apparaissait impératif d’aborder la thématique du harcèlement et des agressions sexuelles à travers Morgane (l’adolescente au centre de l'épisode 5), afin de sensibiliser le jeune public et de montrer comment ce genre d’agressions sont perçues et vécues par les ados aujourd’hui ?

    C’est sûr qu’on avait vraiment envie de montrer que les ados d’aujourd’hui, que ce soit les filles ou les garçons, ne gèrent pas du tout ces questions de la même manière que leurs aînés. Et parmi les professeurs, il y a presque plus de débats que parmi les élèves.

    Mais la question qu’on trouvait intéressante de se poser du point de vue des élèves, c’était que maintenant qu’on sait qu’on ne doit pas se taire, qu’on ne doit pas rester inactif, qu’est-ce qu’on fait de ce pouvoir-là ? Est-ce qu’on a le droit de détruire la vie d’un homme alors qu’on n’est pas complètement certain.e de ce qui s’est réellement passé. À partir du moment où les victimes reprennent le pouvoir, comment utilisent-elles ce pouvoir ? C’est vraiment la question qu’on avait envie de poser.

    Est-ce qu’il y a des sujets encore tabous, dont on ne peut pas parler sur France 2 en prime ? Ou la chaîne vous laisse-t-elle au contraire totalement libres les auteurs et vous ?

    Pour l’instant, nous n’avons eu aucune limite. Le seul impératif c’est qu’on soit juste.

    Jean-Philippe BALTEL - DEMD PROD - FTV

    Pour incarner Léna, dont la transidentité et le désir d’être opérée pour aller au bout de sa transition sont au coeur du deuxième épisode de la saison 2, la production a choisi Andréa Furet, qui était déjà géniale dans Il est elle, que vous avez co-écrit. Vous aviez très envie de retravailler avec elle ?

    Dans cet épisode, on raconte un petit peu, de façon décalée, ce qui aurait pu se passer après Il est elle. Une fois que la transition est vraiment actée par la famille, comment va-t-on jusqu’au bout, y compris dans la transformation physique, quand ça touche l’intégrité du corps ? On avait envie de se dire que chacun fait la transition qu’il ou qu’elle souhaite, et qu’il n’y a pas un seul parcours auquel tout le monde doit se conformer.

    Et effectivement j’ai parlé d’Andréa Furet très tôt aux producteurs. Ils lui ont fait passer des essais, d’autres comédiennes ont été envisagées, mais dès le début il y avait une vraie envie de travailler avec elle. Elle fait un lien entre sa propre vie et son talent de comédienne avec une évidence admirable et hyper forte. Quand on voit l’épisode, c’est difficile d’imaginer quelqu’un d’autre dans le rôle de Léna.

    Le principe même de la série fait que les élèves de Rousseau ne restent, pour la plupart, que le temps d’une seule saison. Ce n’est pas trop frustrant quand on a des talents comme Louvia Bachelier, Andréa Furet, ou Dembo Camilo ?

    C’est la règle du jeu. Elle peut être dure, mais ça fait partie aussi du charme de la série. De savoir qu’elle va se renouveler chaque année. C’est à l’image de la carrière d’un professeur qui, chaque année, s’attache à des élèves et doit les laisser vivre leur vie à la fin de l’année.

    En saison 2, on a retrouvé Gabriel et Théo. Et le projet pour la saison 3 c’est que Théo, joué par Louis Duneton, reste, quoi qu’il arrive. C’est le fils de Benjamin Rousseau et, même s’il a le bac à la fin de l’année, il restera dans la série car il fait partie du concept de façon intrinsèque.

    Car le cœur même de la série c’est cette relation père-fils finalement…

    Je dirais même que c’est le passage de relais entre trois générations, qui sont représentées par Anny Duperey, Charlie Dupont, et Louis Duneton. Et l’âme de la série elle est dans la rencontre de ces trois générations. Et ça c’est quelque chose qu’on a envie de préserver autant que possible.

    L’an dernier vous aviez fait redoubler Théo et Gabriel. Vous n’avez pas eu envie d’en faire redoubler au moins un cette année parmi Morgane, Gaëtan, Léna, et Zoé ?

    A la fin de la saison 2, personne ne redouble, c'est vrai. Ce qui veut dire qu’en saison 3 on aura un casting d’élèves totalement renouvelé. En dehors de Théo évidemment, comme je le disais.

    Jean-Philippe BALTEL - DEMD PROD - FTV

    Maïra Schmitt, qui incarne Inès, l'adolescente enceinte, n’est présente que dans les trois premiers épisodes. A-t-il été question de la faire apparaître dans le dernier épisode, qui est centré sur Gabriel et sur sa rencontre avec sa mère biologique ?

    Non. On avait envie de surprendre le public avec un personnage dont on pensait qu’il allait rester et qui part définitivement en cours d’année. Ce qui est à l’image du choix radical que le personnage prend dans sa vie personnelle. Et on avait envie de montrer comment cet amour déçu allait réveiller des choses très profondes chez Gabriel (Grégoire Paturel) et allait déclencher son envie d’aller lui-même au bout de son questionnement sur son identité et ses origines.

    On n’a donc pas eu envie de faire revenir le personnage de Maïra Schmitt, mais on voulait qu’on sente que c’était grâce à elle qu’il trouvait le courage d’enquêter sur ses propres origines.

    C’est l’une des très belles intrigues de cette deuxième saison qui amène d’ailleurs à une scène extrêmement forte et extrêmement touchante dans le final entre Théo et Gabriel, lorsque ce dernier dit à son meilleur ami "C’est toi mon frère"…

    Ça me fait plaisir car j’adore cette scène. On a construit toute l’arche de Théo et toute l’arche de Gabriel pour arriver à ce moment-là. C’est quelque chose qu’on préparait depuis longtemps.

    Dans la saison 1, Gabriel avait un comportement hyper agressif envers Théo et il incarnait aussi l’intolérance de la société, y compris chez les jeunes, vis-à-vis de l’homosexualité. Et à travers ces retrouvailles entre les deux personnages en fin de saison 2, on voulait raconter comment, finalement, il n’y a pas de fatalité dans l’intolérance.

    Quand on est adolescent et qu’on est soi-même en questionnement, on peut avoir des réactions violentes et injustes, mais ce n’est pas pour autant qu’il n’y a pas de pardon et de réconciliation possible. On voulait donc que cette deuxième saison soit la saison du pardon pour Théo et Gabriel.

    Et au niveau des anciens personnages, avez-vous hésité à faire revenir Esther Valding notamment ?

    On avait évoqué le fait qu’Esther puisse faire une apparition dans la saison 2, mais ça n’a pas été possible pour des questions de planning. On a tous adoré son interprétation d'Emma, la meilleure amie de Théo, et au début de la saison 2 on a la sensation qu’elle nous manque. Donc on ne s’interdit pas de lui proposer de revenir dans la série un jour, même si ce n’est pas prévu dans l’immédiat.

    Et puis il y a un peu l’idée aussi que Zoé, incarnée par Louvia Bachelier, "prend la place d'Emma" en tissant une jolie amitié avec Théo, qu’on voit évoluer au cours de cette année scolaire…

    Effectivement, par justesse et par respect pour l’amitié entre Théo et Emma, on avait envie que l’amitié Théo-Zoé soit plus progressive. Qu’elle se construise de manière un peu différente. On savait qu’ils allaient devenir confidents, mais on savait que ce ne serait pas aussi fusionnel que ce que Théo avait connu depuis l’enfance avec Emma. Ce qui rend d’autant plus importante la réconciliation entre Gabriel et Théo à la fin, car les amitiés d’enfance, quand on se suit depuis tout petit, ça a quelque chose de précieux car c’est irremplaçable.

    Rémy GRANDROQUES - DEMD - FTV

    Dans la saison 1, Rousseau passait à côté de son histoire avec Stéphanie (Samira Lachhab) à cause du retour de son amour de jeunesse. Et lorsque commence la saison 2, il réalise enfin que Stéphanie est peut-être la femme de sa vie. Mais peut-être un peu tard. Que vouliez-vous raconter avec Benjamin ? Qu’il est peut-être au fond incapable d’aimer ?

    Benjamin c’est quelqu’un qui veut vivre intensément le présent, sans compromis. Et cette manière d’appréhender la vie, qui est admirable car ça fait de lui quelqu’un de très intègre, c’est aussi quelque chose de radical et de destructeur qui n’est pas forcément possible dans un engagement sur le long terme, avec Stéphanie notamment.

    Et dans la saison 2 on avait envie d’explorer la question de la compatibilité de son envie d’intensité avec une relation sur le long terme. Et on voulait montrer d’où vient cette radicalité en lui. En creusant son adolescence, on se rend compte que la mort de son père quand il avait 10 ans l’a profondément marqué et l’a fragilisé dans sa capacité à se projeter dans l’avenir. Et on comprend qu’il y a un lien entre son incapacité à s’engager auprès des femmes et le traumatisme de la mort de son père. En espérant qu’il puisse, en prenant conscience de l’un, résoudre l’autre.

    Et ce qui est assez marrant c'est qu'en parallèle, Théo, qui était un peu la voix de la raison en saison 1 par rapport à son père en termes de relations et qui a tout fait pour ne pas lui ressembler, se rend compte qu’il n’est pas si différent de lui…

    Absolument, c’était exactement l’envie qu’on avait : de casser l’image que Théo avait de lui-même, c’est-à-dire d’être complètement différent de son père et d’être intégralement moral. Dans la saison 2, il comprend que devenir adulte et avoir des relations amoureuses ça plonge parfois dans une zone grise. Et qu’il n’y a parfois pas de bon comportement possible.

    Du coup ça le rapproche de son père, sur lequel il va poser un jugement plus bienveillant, car il est confronté aux même dilemme que lui et n’a lui-même pas la bonne attitude. Il se rend compte que les choses sont plus compliquées quand on est adulte.

    La saison 2 se termine sur une note plutôt positive pour le père et le fils. Rousseau et Stéphanie semblent enfin prêts à envisager un avenir ensemble. Théo se dit que quelque chose est peut-être possible avec Simon. C’est un bonheur momentané avant de tout faire exploser par la suite ?

    Notre envie c’est de retrouver Benjamin et Théo à un moment de bonheur en saison 3, ou en tout cas de promesse très positive. Et de voir comment l’un et l’autre vont gérer la situation. Maintenant qu’ils ont réussi à réparer leurs erreurs, vont-ils pouvoir construire quelque chose ? Ou est-ce que leurs failles vont les rattraper ?

    A la fin de la saison 2, Benjamin reçoit les anciennes affaires de son père. Peut-on envisager que cela soit développé en saison 3 ? Qu’un secret émerge peut-être de ces documents du passé ?

    Dans l’immédiat, non, ce n’est pas quelque chose qu’on va développer. On avait l’idée que ça débloque ses envies littéraires et que ça l’inspire pour se remettre à sa table d’écrivain. On a évoqué plusieurs idées. Mais le projet pour la saison 3 est différent. On voulait une idée que le replace davantage au sein du lycée. On est parti sur une intrigue qui l’ébranle dans son rôle de professeur.

    Bien qu'elle n'ait pas encore été commandée par France 2, la saison 3 de La Faute à Rousseau est donc déjà en écriture ?

    Toute l’architecture narrative de la saison 3 est prête. Mais il reste à dialoguer les épisodes pour qu’ils puissent être tournés à partir de cet été si nous avons le feu vert de France 2.

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