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    Les Cinq Diables : Adèle Exarchopoulos dans un drame fantastique époustouflant
    Mégane Choquet
    Mégane Choquet
    -Journaliste
    Journaliste spécialisée dans l'offre ciné et séries sur les plateformes quel que soit le genre. Ce qui ne l'empêche pas de rester fidèle à la petite lucarne et au grand écran.

    Cinq ans après Ava, la réalisatrice Léa Mysius revient avec son second long-métrage Les Cinq Diables, porté par une Adèle Exarchopoulos magnétique. La cinéaste nous raconte ce film qui mêle fantastique et drame social.

    Cinq ans après Ava, son premier long-métrage, Léa Mysius revient avec un film totalement différent intitulé Les Cinq Diables. La scénariste et réalisatrice qui a collaboré avec Arnaud Desplechin, Jacques Audiard et Claire Denis, raconte cette fois une histoire de famille et d’amour contrarié en mêlant drame et film de genre.

    Les Cinq Diables
    Les Cinq Diables
    Sortie : 31 août 2022 | 1h 37min
    De Léa Mysius
    Avec Adèle Exarchopoulos, Sally Dramé, Swala Emati
    Presse
    3,2
    Spectateurs
    3,3
    louer ou acheter

    Avec des décors impressionnants et sublimés par la pellicule 35mm, qui apporte un grain presque magique, Léa Mysius offre à ses personnages une aura mystique et complexe. Les Cinq Diables raconte comment Vicky, une jeune fille étrange et solitaire, va utiliser ses facultés olfactives surdéveloppées pour être transportée dans les souvenirs de sa famille, son village et sa propre existence alors que l'arrivée de sa tante vient tout chambouler dans son équilibre et son amour inconditionnel pour sa mère Joanne.

    Actuellement au cinéma, le film est porté par Adèle Exarchopoulos, et la révélation Sally Drame. AlloCiné a eu l'occasion de rencontrer sa réalisatrice Léa Mysius lors du Festival de Cannes où le film était présenté à la Quinzaine des réalisateurs.

    F Comme Film - Trois Brigands Productions

    AlloCiné : Vous changez totalement de décors, par rapport à Ava, votre premier film. On quitte la chaleur, la plage et le sable pour les montagnes, les forêts et les grands lacs dans Les Cinq Diables. Est ce que c'est un environnement qui est plus propice au fantastique ?

    Léa Mysius : Oui, ça a été le premier réflexe de faire un nouveau film contraire au précédent. Pour Les Cinq Diables, j'ai tout de suite pensé au froid et ça a influencé le début de mon écriture de cette histoire fantastique. Évidemment, je voulais des paysages qui soient à la fois grandioses et à la fois étouffants et une atmosphère bizarre.

    Et je voulais aussi de l'ordinaire pour que l'extraordinaire ressorte d'autant plus. Mais Esther Mysius, la directrice artistique et la chef déco du film, m'a poussée à aller dans des décors encore plus fantastiques en France, qu'on a pas l'habitude de voir filmés comme ça, qui permettent de pointer que le film va basculer dans le genre. Et c'est ça qui est beau, c'est comme ça que le virage peut se faire de manière plus fluide et que je peux raconter l'histoire que je voulais en la mythifiant.

    L'idée, c'était de faire une fresque de personnages avec une histoire fantastique et avec ce personnage principal, Vicky, qui est une petite fille étrange, burlesque, marrante et inquiétante. Elle a un don et une obsession pour les odeurs, surtout celle de sa mère qu'elle met en pot. Et cette faculté va lui permettre de connaître l'histoire de sa famille et de révéler des secrets de sa propre existence.

    Le fantastique et l'horreur découlent de manière fluide dans le film en suivant un cheminement de personnages. On passe de cette petite fille solitaire à sa famille qui a subit un drame et à un village tout entier qui a été impacté et qui a aussi impacté les protagonistes. En plus d'être un drame fantastique, le film est aussi un drame social.

    Les paysages sont suffocants aussi et je voulais parler de racisme et d'homophobie mais pas de manière trop frontale pour montrer que le mal peut être très insidieux et qu'il peut se répandre comme un poison. Et parfois, on reste passif par rapport à ça et c'est dangereux. Je voulais distiller ce sentiment par des petites choses, des moments d'inquiétude dans un environnement fantastique déjà inquiétant. Je trouve que c'est important d'en parler surtout dans le contexte politique actuel.

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    Il y a pourtant des scènes assez frontales et marquantes qui feront sûrement réagir le public.

    Bien sûr, parce que je voulais aussi que le spectateur soit toujours actif. Qu'il se dise que certaines choses ne sont pas normales et qu'il n'y a pas de gentils et de méchants. Que tout le monde est humain et a ses travers. Et je fais avancer la réflexion grâce à un changement des points de vue au cours de l'histoire.

    Je voulais donc que le regard du spectateur évolue et qu'il soit toujours dans une phase active, dans un but assez politique. Si on est passif face à la haine de l'autre et des différences, rien ne changera.

    Le choix de tourner en 35mm apporte une certaine magie au film et permet une image très fournie, très chaleureuse. Est-ce que c'était une volonté dès le départ ?

    J'avais déjà tourné Ava en 35mm avec Paul Guilhaume, le chef opérateur, qui est aussi scénariste. Et moi j'écris de manière très visuelle, très sonore et le fait d'écrire avec le chef opérateur apporte un vrai plus parce qu'il pense déjà à ce que l'image peut donner, même si je peux y penser seule mais Paul amène le mouvement.

    Au début de l'écriture, je pensais aux souvenirs et je les imaginais en flash, en plan fixe. Et petit à petit, on a écrit avec une idée de mouvement en transportant Vicky directement dans les souvenirs, qu'on filme en courte focale. C'est presque un jeu vidéo et c'est grâce à cette écriture à deux mains.

    Donc j'y pensais dès le début à tourner en 35mm. Et à cause du Covid, on a perdu pas mal d'argent donc on a voulu nous enlever le 35mm, parce que dans un budget, c'est le premier truc qui saute. Je me suis vraiment posée la question à ce moment-là. Et puis j'ai pensé aux films de Jordan Peele, qui sont des films modernes dans leur numérique très sophistiqué.

    Et je me suis dit "Pourquoi pas imaginer Les Cinq Diables comme ça ?" et finalement, ça m'était impossible. Le film s'effondrait pour moi. Le mélange entre le spectaculaire, le genre, le fantastique, le divertissement et le mystère était mon but ultime. L'équilibre était rompu et je perdais la magie. On est donc resté sur le 35mm et on a fait des sacrifices ailleurs.

    On pense que ce n'est qu'un support mais il y a quelque chose de fort avec le 35mm, presque de sacré, qui collait à l'énergie et l'univers du film. La sensation de regarder les rushes qui arrivent deux jours après, c'est ce désir qui nourrit la fabrication. Ça influence le jeu des comédiens, le travail des techniciens et ma manière de filmer.

    F Comme Film - Trois Brigands Productions

    La révélation de ce film c'est Sally Drame, qui joue la petite Vicky. Est-ce que la jeune actrice a été facile à trouver ?

    En fait, oui. Elle est arrivée assez tôt dans le casting. Quand je l'ai vu, j'ai tout de suite su que c'était elle. Je marche au feeling, au ressenti et j'ai l'impression de voir mon personnage quand je vois la bonne personne. C'est comme ça que je choisis mes comédiens. Ça a été la même chose pour Noée Abita dans Ava.

    Après, il a fallu travailler bien sûr. Parce que Sally ne savait pas du tout jouer. C'était un rôle de composition pour elle parce qu'elle est très différente de son personnage. Mais elle a réussi à le trouver petit à petit. On a travaillé trois mois et après il y a eu un an d'arrêt de tournage, à cause du Covid, de la météo et des disponibilités de chacun.

    Mais ce n'était pas plus mal pour Sally, parce qu'elle avait 8 ans quand on l'a choisie et elle était encore petite mentalement. Elle avait peur de perdre le rôle entre temps mais elle faisait encore très jeune donc il n'y avait pas de problème. Et ce qui était bien c'est qu'elle avait gagné en maturité donc ça l'a aidé sur le tournage.

    On a retravaillé très longtemps avec elle, avec Adèle, avec Mustapha (Mbengue). On travaillait beaucoup sur l'expression du visage et du corps. Et on a travaillé la parole ensuite et les scènes. Sally a gagné en intensité et à la fin du tournage, je la dirigeais vraiment comme une actrice professionnelle.

    Propos recueillis par Mégane Choquet le 23 mai 2022 à Cannes.

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