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    Interview : John Carpenter

    "Ghosts of Mars" de John Carpenter sort le 21 novembre en France. L'occasion de revenir sur la carrière du réalisateur culte. AlloCiné l'a rencontré.

    Science fiction et western. Un mélange qui ne trompe pas : Ghosts of Mars est bien un film de John Carpenter, le réalisateur de succès cultes du cinéma fantastique comme Halloween, New York 1997, The Thing ou plus récemment Vampires. Des films qui portent tous une marque indélébile, celle du "maître du fantastique", influencé depuis le début de sa carrière par les films d'Howard Hawks. AlloCiné a rencontré le cinéaste, et revient avec lui sur son dernier film et sur l'ensemble de sa carrière.

    AlloCiné : Avec "Ghosts of Mars", vous retrouvez l'espace pour la première fois depuis votre premier film, "Dark Star", il y a plus de 27 ans. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?

    John Carpenter : Cela faisait longtemps que je voulais réaliser un film situé sur Mars. Je voulais me concentrer uniquement sur Mars et sur son futur, dans laquelle la planète est colonisée, réaliser un film loin de la Terre. Cela semblait très amusant à faire. Parfois, ces décisions sont plus instinctives que réfléchies. Mais c'est vrai, cela fait 27 ans que je n'étais pas retourné dans l'espace.

    Quelles ont été les principales difficultés de ce nouveau départ hors des frontières terrestres ?

    La couleur de la planète et les séquences du train que l'on voit dans Ghosts of Mars. Une fois ces deux problèmes résolus, tout le reste a suivi. En réalité, d'après les photos que nous avons pu voir du satellite Viking, Mars est une planète rose, à cause de la lumière qui frappe la planète. Mais personne ne veut d'un film d'horreur rose, cela ne fonctionnerait pas. Nous voulions une couleur que les spectateurs puissent regarder pendant une heure et demie sans se sentir gênés. Nous avons donc opté pour un rouge-orangé, puis nous avons teint plus de 55 hectares de terre avec un colorant alimentaire biodégradable.

    Une fois ce problème résolu, restait celui du train. Il fallait déplacer un véhicule de taille réelle et nous voulions un train qui ne ressemblerait à aucun de ceux que l'on voit d'aujourd'hui. Nous évoquons une ère industrielle sur Mars, dans laquelle la haute technologie ne pourrait pas survivre car l'environnement est trop sauvage. Il fallait donc créer un décor composé de bunkers et ce train d'acier. Cela a été problématique.

    Y a-t-il des pièges a éviter lorsque l'on réalise un long métrage dont l'action se situe uniquement dans l'espace ?

    Je voulais éviter d'avoir recours à des combinaisons d'astronautes, avec des personnages ne communiquant qu'à travers leurs radios. L'histoire commence donc sur Mars partiellement colonisée et "terraformée" à 80 ou 90%, c'est à dire dotée d'une atmosphère terrestre. On peut donc y respirer normalement, ce qui règle le problème des combinaisons. Concernant l'aspect plus artistique du projet, les couleurs du film découlent, elles, plus d'un choix esthétique. La planète est rouge-orangée, les uniformes noirs, les figures des guerriers possédés blanches pour contrebalancer.

    L'ambiance sur votre Mars évoque irrésistiblement celles des westerns...

    Dans Ghosts of Mars, il faut voir Mars comme les Etats-Unis au début de leur histoire. La planète est au commencement de sa colonisation. Il n'y a que peu de villes, pionnières et reliées entre elles par un chemin de fer qui aide au transport des matières minières. Mais il n'y a qu'une seule grande ville sur Mars. Toute cette ambiance ressemble à celle des westerns.

    Et on y retrouve donc un anti-héros solitaire, comme tout au long de votre filmographie.

    Si vous regardez certains de mes films, vous remarquez qu'il y a un lien entre tous les anti-héros. Il y a eu Napoléon Wilson dans Assaut, Snake Plissken dans New York 1997, et maintenant Desolation Williams interprété par Ice Cube. Tous ont quelque chose en commun : leurs attitudes se ressemblent, même s'ils ont l'air différents. Ce sont tous des anti-héros, des mauvais garçons qu'on aime.

    D'où vient votre attirance pour le western ?

    J'ai grandi à une époque où le western était encore populaire au cinéma. C'était avant que la télévision et le western-spaghetti ne tuent le genre. Ils ressemblaient aux films d'horreur ou de science fiction d'aujourd'hui, ils étaient des films de genre que nous allions tous voir. Le western est l'unes des rares inventions américaines. Nous avons le rock-and-roll, le jazz et quelques autres choses, mais les westerns sont nos histoires de guerriers : chaque culture a les siennes, les westerns sont les nôtres. J'ai toujours été attiré par le genre et sa façon de raconter les histoires. Je n'ai jamais eu la chance de réaliser un western, même si j'ai failli y arriver un jour. Dès que je peux incorporer des éléments de western dans un film de science fiction ou d'horreur, je le fais.

    Est-ce pour cela que l'on a souvent de vous l'image d'un franc-tireur, rebelle à la logique commerciale des grands studios ?

    Oui, sans doute. Je suis un peu tête brûlée, prêt à dégainer. Lorsque j'ai étudié le cinéma, j'ai appris tous les aspects techniques. Mais l'une des autres choses que l'on nous a appris, c'était que l'aspect le plus important de la réalisation est d'essayer de conserver le contrôle de son projet. Sans cela, si d'autres prennent les décisions et ont le final cut, ce n'est plus votre film mais celui d'autres personnes. Il n'est évidement pas possible de réaliser un film tout seul, mais il faut essayer d'amener le projet le plus près possible de sa vision créatrice. C'est tout le problème. Et à Hollywood, c'est très difficile à faire. Peu de personnes ont ce pouvoir.

    Propos recueillis par Thomas Colpaert

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