L'un des films les plus contrastés de John Woo, pour ne pas dire "bizarres". C'est un mélange de plusieurs influences mais un résultat unique au visionnage : on en ressort éberlué, amusé, estomaqué et sidéré. Rien que ça !
On a évidemment un Chow Yun Fat impérial (comme toujours), la définition même du charisme très habilement exploité par John Woo qui sait filmer sa star comme personne. Il en fait, ils en font tous les deux, un tueur gentil le charisme sur la main, qui ne tue que les méchants et sauve la veuve et l'orphelin ! Pour épauler Chow, l'excellent Danny Lee incarne le flic tenace aux basques du tueur, le charisme sur la main lui aussi et le baume au coeur. Et ne vous moquez pas de son costard à rayures verticales, il était clown avant.
Mais revenons à notre killer qui joue de l'harmonica comme dans un vieux western de Sergio Leone, le poncho remplacé par le costard de chez machintruc (premier au défilé de mode, Alain Delon dans les cordes) avec dans les poses (car Monsieur Killeur est un poseur -avant chaque tempête) des airs de truand taciturne de l'ère Jean-Pierre Melville.
On rajoute à ça des colombes et de la religiosité très chrétienne avec en toile de fond une quête de rédemption pour le tueur entraîné malgré lui dans un tourbillon de fureur et de violence... et comme toujours chez John Woo, l'amitié et l'honneur tiennent une place centrale : l'amitié indéfectible plus forte que tout, l'honneur du yakuza (ou plutôt de la triade...) intraitable, l'honneur du justicier.
Ce n'est pas tout, il faut secouer tout cela avec du violon et de la guimauve pour exacerber des sentiments déjà exagérés, excessifs et sans nuance. Comme de coutume chez John Woo encore une fois, c'est de l'archi-classique... qui peut étonner de prime abord. D'ailleurs on en rigole encore avec le temps.
Enfin, last but not least, afin d'ajouter une crédibilité ou une sorte de réalisme brutal à ces atermoiements, on plonge nos héros dans l'ultra-violence. Sanglant, The Killer aligne les macabés avec une régularité de métronome furieux comme dans un jeu vidéo salement déjanté. Chow vide un chargeur sur chaque vilain et défouraille à toute berzingue, une violence complètement dingue servie par une réalisation réglée au millimètre qui alterne ralentis, plans soigneusement choisis et montage méticuleux.
Excessif dans tous les compartiments, y compris celui de la confondante naïveté (jusqu'à la fin qui confine au ridicule !), The Killer n'en reste pas moins hypnotique de par son élégance naturelle et sa classe stupéfiante. Et en plus, il n'a pas pris une ride.