Ces dernières années, la mode est aux histoires imbriquées ; "Trois Enterrements", "Collision" ou "Babel" en sont les derniers exemples. Là où Gonzales Inarritu choisit de jouer sur le décalage dans le temps et l'espace, Francesca Comencini opte pour le déroulement chronologique et l'unité de lieu, dans un Milan qui nous est montré sous tous ses aspects, depuis les salons cossus et les boutiques de luxe jusqu'aux HLM et aux entrepôts périphériques.
Le principe narratif trouve ses limites dans la scène finale sur le parking de l'hôpital, où tous les protagonistes se retrouvent par un effet du hasard scénaristique bien peu crédible. En effet la faiblesse du film réside dans son scénario, plein de clichés et de personnages caricaturaux, dignes de "L'Instit" ou de "Joséphine Ange Gardien" : mafioso (russe, bien sûr), prostituée au grand coeur, brave père de famille dévoyé par l'argent facile : pas étonnant que Francesca Comencini fasse appel à Guiseppe Verdi, et particulièrement à La Traviata pour l'illustration musicale.
Le témoin que se passe tous ces relayeurs, c'est l'argent, sous toutes ses formes, pour tout acheter : l'exemplaire de Verdi de Vingt ans après, le silence d'un sous-fifre, même un bébé. Francesca Commencini a expliqué : "La question de départ (...) est : "quelle est la valeur de la vie dans un monde où le profit est l'unique moteur ?" (...) Cette question est nécessaire et inévitable car aujourd'hui comme jamais dans l'histoire des hommes, la pure et simple recherche du gain n'a été autant le moteur des actions humaines. Je trouve que c'est une situation qui fait peur, il est important d'y faire face. Je ne souhaite, ni à nous ni à nos enfants, de se retrouver dans un monde pareil."
L'intention est sympathique, renforcée par le choix de la ville de Berlusconi comme toile de fond, et parfois la réalisatrice touche juste. Mais souvent cela paraît assez superficiel. La faute peut-être au rythme du montage qui en tronçonnant l'action à l'excès ne lui laisse pas le temps de s'installer ; à moins que ce ne soit un effet pervers de la superbe photographie de Luca Bigazzi, le directeur de la photo de Giani Amelo et de Michele Placido ("Romanzo Criminale") dont la froideur des teintes renvoie trop à la sécheresse du traitement de l'histoire.
Francesca Comencini a abordé de nombreux sujets sur la société italienne contemporaine au travers de documentaires ; étonnamment, c'est un abus de construction fictionnelle qui brouille son propos, et qui empêche "A Casa Nostra" de figurer dans les réussites d'un cinéma transalpin en plein renouveau.
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