Un sentiment partagé. Voici pourquoi… Nul doute que si le roman éponyme de Nicholas Sparks a été adapté au grand écran, c’est parce qu’il devait posséder un énorme potentiel émotionnel. Et quand on sait que Lasse Hallström est un réalisateur qui sait faire parler les sentiments, le spectateur est en droit de s’attendre à vivre un grand moment, même avec Channing Tatum qu’on n’attendait pas vraiment dans ce registre bien qu’il ait montré des choses intéressantes en la matière lors de "Sexy dance" (2006). Seulement voilà : le cinéaste est bien plus doué avec les sentiments liés aux animaux (il l’a prouvé avec "Hatchi" l’année précédente, puis recommencera quelques années plus tard avec "Mes vies de chien") qu’avec les sentiments humains. Ce n’est pas qu’il n’a pas maîtrisé son sujet : c’est plutôt bien monté et le récit de cet amour contrarié sonne authentique. Mais il n’y a pas cette force qui fait chavirer tout un public comme Clint Eastwood avait su le faire avec son superbe "Sur la route de Madison". C’est même relativement plat et le spectateur se surprend à penser que cette histoire est d’un commun… Certes la construction de l’histoire est bien menée, et cette soudaine passion que se témoignent les deux personnages principaux ressort plutôt bien, mais cette idylle n’a rien d’extraordinaire, au point de paraître ordinaire parmi tant d’autres histoires d’amour. Il y a certes cette volonté de porter cette romance aux firmaments par un long échange de courriers (d’où le titre), mais là non plus il n’y a rien de si extraordinaire. Jusqu’au premier rebondissement, à partir duquel la force du récit monte peu à peu en intensité. Ce rebondissement marque le vrai tournant du film, mais ne revêt l’aspect du coup de théâtre uniquement parce que l’absence soudaine de lettres a été purement et simplement survolée. Ce passage aurait selon moi mérité d’être davantage développé : cela aurait permis d’apporter un peu plus de dramaturgie, quitte à créer des effets de longueur. Après tout, pour être pris dans la nasse des émotions, le spectateur a besoin de ressentir ce que vivent les personnages. Et puis quand on y pense : le temps ne semble-t-il pas plus long quand on n’a plus de nouvelles de l’élu(e) de son cœur ? Quoiqu’il en soit, "Cher John" glisse doucement du quelconque à intéressant, jusqu’au final quelque peu inattendu, sauf pour ceux qui connaissent déjà le bouquin. Enfin je suppose car je n’ai pas lu le livre, aussi je ne parlerai pas de la qualité de l’adaptation. Outre le twist final que j’ai trouvé superbe de générosité (non pas dans la réalisation mais par les actes), le moment le plus intense se trouve dans la confrontation entre John (Channing Tatum) et son père (Ricahrd Jenkins) et perso, c’est l’image que j’ai trouvé la plus touchante. Malgré un bon jeu d’acteur de la part d’Amanda Seyfried et de Channing tatum, ma mention spéciale ira plutôt vers Richard Jenkins, lequel signe une superbe interprétation avec les regards perdus de son personnage, des regards qui trahissent un comportement perturbé qu’il ne parvient pas à dissimuler derrière les courts regards jetés à la dérobée face à ses interlocuteurs quand il ne peut rester enfermé dans son monde d'habitudes très sécurisant pour lui. Il est seulement regrettable que la réalisation ne soit pas à la hauteur de la direction des acteurs : trop sage, trop classique, pas suffisamment immersive. Seuls les spectateurs les plus émotifs y trouveront véritablement leur compte. Ceux qui ne sont pas romantiques pour deux sous trouveront ce film ennuyeux. Quant aux autres, ils trouveront ce film plutôt bien, avec toutefois un sentiment d’insatisfaction qui prédomine. C’est mon cas (d’où ma note), alors que je suis grandement émotif… mais j’ai vu tant de belles choses en la matière que "Cher John" ne supporte pas la comparaison.