Metteur en scène reconnu, auteur de soixante dix longs métrages Christian-Jaque n'a pas l'aura des Renoir, Duvivier, Carné, Decoin ou Grémillon, ne pouvant revendiquer aucun chef d'œuvre ayant marqué durablement les esprits. Son éclectisme, s'il ne lui a pas permis d'imprimer un style, lui aura valu de travailler sans relâche sur plus de cinquante ans. "Les bonnes causes" qui arrive au pire moment pour les cinéastes de sa génération, alors que la Nouvelle Vague revancharde met à mal la "fameuse qualité française" dont ils étaient devenus sans l'avoir demandé les détenteurs, est sans aucun doute une de ses meilleures réalisations où il fait étal de tout son savoir-faire. Adaptant un roman éponyme de Jean Laborde, écrivain et chroniqueur judiciaire, il concocte avec Paulo Andréota un récit tragi-comique où les dialogues ciselés d'Henri Jeanson distillent un jouissif parfum de machiavélisme qui sied admirablement au formidable directeur d'acteurs qu'était Christian-Jaque. A partir d'une intrigue classique de machination criminelle ajustée au cordeau, fomentée par une mante-religieuse, se fait jour une opposition entre deux femmes à la séduction diamétralement opposée, soutenues, l'une (Marina Vlady) par son avocat et amant (Pierre Brasseur), l'autre (Virna Lisi) par le juge d'instruction en charge de l'affaire (Bourvil). Ce quartet magique fait feu de tout bois pour nous offrir ce que le jeu d'acteurs proposait alors de mieux à un moment où les jeunes turcs de la Nouvelle Vague prônaient une diction atone et monocorde. Pierre Brasseur génial en ténor du barreau revenu de tout et surtout dupe de rien, montre ici qu'il pouvait être l'égal du grand Michel Simon, Marina Vlady doucereuse à souhait est parfaite en veuve vite consolée, Virna Lisi la grande actrice italienne au charme juvénile est troublante de sincérité quant à Bourvil il démontre un fois de plus que derrière le pitre cauchois se cachait un grand acteur dramatique. A leurs côtés s'ébattent les grands seconds rôles qu'étaient les Jacques Monod , Hubert Deschamps ou Jacques Mauclair. A ce niveau, on voudrait voir plus souvent sur nos écrans une telle "qualité française".