C'est peut-être Le Dernier Métro, mais ce n'est pas le dernier des films français ; c'est même le plus oscarisé avec Cyrano de Bergerac (Jean-Paul Rappeneau, 1990), et il ne se cache pas derrière les brumes qui entourent parfois ces récompenses. On comprend clairement le choc qu'il a produit.
Ce qui frappe d'abord, c'est la colorisation du film, qu'on peut prendre pour un caprice et une exagération d'icelui, car ces tons jaunes n'étaient pas une mode et donnent une impression initiale plutôt étrange. Mais ils ont tôt fait de se fondre dans des décors parfaitement colmatés, dont on a l'impression que les bords, à l'instar du théâtre, sont tout près, et pourtant invisibles – quoique ce sentiment se vérifie quand on découvre un membre de l'équipe de tournage qui se cache vainement dans le noir du coin d'un plan trop serré.
Une fois cette petite boîte ambiancée créée, Truffaut a pu agiter quelques acteurs plus que compétents qui ont constitué une oligarchie de la performance, à qui il a donné des lignes de bonne facture hélas marquées du sceau de sa molesse. La spontanéité l'emporte, sauf chez Deneuve qui est curieusement incompatible avec cette formule, perdant sa concentration quand les dialogues s'emmêlent pourtant de fort belle façon ; elle devient une actrice de présence, plus de réplique.
Le Dernier Métro est suffisamment bon pour ne pas souffrir de la comparaison avec un aussi bon film que Le Journal d'Anne Frank (George Stevens, 1959) avec lequel il partage des apparences, dans la qualité de son immersion dans un monde plein de guerre notamment, et pour sa maîtrise d'un environnement clos. Pour faire un contraste, les deux œuvres sont des survivals d'avant les survivals, des films tirant leur matière de la survie, du temps où elle était réelle et non encore un simple objet du divertissement. Pourtant c'est bien de la joie qu'on ressent quand de belliqueux préjudices s'abattent sur les Parisiens, sourdant à l'intérieur de la boîte sans que le réalisateur y soit – apparemment – pour quoi que ce soit (et si j'ai tort sur ce dernier point, c'est qu'il allie ingéniosité et discrétion).
Avec ses airs de Fantôme de l'opéra où le fantôme est un être arborant la Croix Gammée avec qui l'on cohabite ou l'on collabore, Le Dernier Métro nous donne à revivre le Paris du début des années 1940, mais aussi son cinéma, et pas seulement parce qu'on y mentionne le Jean Gabin de La Bête humaine (Jean Renoir, 1938). Vous l'aurez compris si vous ne le saviez déjà, Le Dernier Métro est un opus multiinfluencé qui tire ses forces de ses sources théâtrales, de son casting, et des racines qu'il enfonce avec passion et justesse dans les temps passés.
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