Boxing Gym : les secrets du tournage

Spécialiste du genre et récompensé à plusieurs reprises, Frederick Wiseman a réalisé au cours de sa carrière un total de 36 documentaires, contre deux films de fictions. Avec Boxing Gym, il retrouve son thème de prédilection, à savoir l'expérience humaine au sein d'une institution collective.

Avec Boxing Gym, Frederick Wiseman aborde à nouveau un thème récurrent dans sa longue filmographie : celui de la violence, qu'il a déjà traité sous plusieurs angles différents. En effet, si des films comme Basic Training s'attardent sur le conditionnement à la violence de certains soldats, Domestic Violence, par exemple, aborde le problème des agressions au sein des foyers, et observe comment la justice tente de les traiter.

Extrêmement réduite, l'équipe technique de Boxing Gym s'est résumée à deux personnes. En effet, Frederick Wiseman est non seulement le réalisateur du film, mais il en est également le producteur, le monteur et l'ingénieur du son. John Davey, pour sa part, a assumé à lui tout seul les rôles de directeur de la photographie, de chef électricien et de cadreur.

Profitant d'une courte note d'intention au sujet de son nouveau documentaire, Frederick Wiseman livre sa vision personnelle de la discipline qu'est la boxe : "C’est un sport qui requiert une mise en pratique habile de l’usage discipliné d’une violence ritualisée, que ce soit au service de la légitime défense, du sport (amateur ou professionnel), ou au service de certains aspects du développement personnel tels que la force ou l’image de soi. La boxe est pleine de contradictions. Elle peut être sanglante, blessante et cruelle, tout en requérant du dévouement, de la discipline, de la concentration, une éthique du travail acharné, le sens du sacrifice, des exigences contraignantes et féroces envers le corps et l’esprit."

C'est au Lord's Gym d'Austin, au Texas, le club fondé il y a seize ans par le grand boxeur Richard Lord, que s'est déroulé le tournage de Boxing Gym. Frederick Wiseman a notamment décidé d'y poser ses caméras à cause de l'immense diversité de personnes qui viennent s'y entrainer. "Le club est un véritable melting-pot américain. Les gens qui s’y entraînent sont des hommes et des femmes issus de toutes les classes sociales – un milliardaire ayant fait fortune avec Internet, (...) des gens récemment libérés de prison, le juge qui les a condamnés, (...) des gens de toutes races, de toutes origines ethniques et de tous âges boxant et travaillant ensemble dans un esprit amical et coopératif", témoigne le documentariste.

Outre la discipline en elle-même, le lieu dans lequel est pratiquée la boxe a son importance, revêtant pour chaque personne une signification unique. En filmant des personnes d'origines et de milieux totalement différents, Frederick Wiseman a ainsi souhaité dépeindre cette diversité au sein du même club de boxe. "Pour certains, le club est une maison, un refuge, un endroit sûr pour échapper aux turbulences des rues, un endroit où les parents amènent des enfants perturbés. Le club est aussi une salle de classe où le professeur (...) enseigne en face à face. Beaucoup de gens pensent aussi que les clubs de boxe sont des lieux saints et les décrivent alors comme «des archives vivantes du savoir sur la boxe»", raconte le réalisateur.

C'est après une plongée dans le monde de la danse classique (La Danse, 2009), que Frederick Wiseman s'est tourné vers celui de la boxe avec Boxing Gym. Selon le documentariste, ces deux univers, en apparence totalement opposés, ne sont pas si différents : "Les exigences imposées au corps par la boxe sont similaires à la discipline et à la concentration nécessaires aux danseurs (...)." Wiseman n'est d'ailleurs pas le seul à oser la comparaison. Le réalisateur Darren Aronofsky semble avoir suivi le même raisonnement en dépeignant coup sur coup les souffrances d'un catcheur en fin de carrière dans The Wrestler et le supplice d'une jeune danseuse de ballet dans Black Swan. "Certaines personnes disent que le catch est la plus basse des formes d’art, et d’autres que le ballet est la plus haute, et pourtant ces deux disciplines ont beaucoup de points communs", explique en outre le réalisateur.