Prisoners est de ce film qui cogne, pourtant ce ne sont pas ces coups qui font le plus mal, mais ceux qui sont retenus ... L'incursion dans les affres de cette communauté se joue aussi en toile de fond, comment vivre avec ses démons ? Denis Villeneuve poursuit son exploration à ce sujet après Incendies ( revu hier soir ) et parviens avec dextérité à maintenir une tension tout en racontant le mal qui rongent les consciences, les âmes, ce qui bouffent tout bon sens.
Voilà huit ans que je n'avais plus croisé la route d'Incendies, cela faisait sept piges en ce qui concerne ce film-ci. Je me souviens très bien mes réticences de l'époque à son égard et de ma surprise après visionnage. La bande annonce un brin frauduleuse expliquait en partie le fait que j'y aille à tâtons, finalement cette dernière en ne ciblant qu'une de ces facettes se veut nettement plus nuancé et n'en raconte pour autant pas trop. Un modèle pour certains ! Sans me focaliser trop sur l'exercice de la promo c'est bien le nom de Villeneuve qui m'avais vraiment poussé dans le visionnage de ce long-métrage et qu'elle choc en fin de compte. Le développement, la justesse de ton, l'aisance de l'équipe technique et l'interprétation au diapason de tout ce petit monde ont à nouveau eu cet effet de perfection de A à Z.
Dés le départ, cette scène de chasse père / fils imprègne déjà son atmosphère, en raconte sans en faire de trop beaucoup sur les personnages et ceux avec intelligence et pertinence. Hugh Jackman est d'ailleurs dans ce qui s'apparente à l'un de ses plus grands rôles. Il est magnifique de détresse. La convocation pour l'identification des photos avec l'inspecteur Loki à des allures de torture presque aussi insoutenable qu'un coup de marteau dans le mur. Le Policier interprété par Jake Gyllenhaal possède en stock de la nuance mais qui tiens plus de la façade que d'autres choses. Warm Blood / Cold Head, un adage qui lui sied bien. Jake Gyllenhaal tout en mimétisme lui aussi sort le grand jeu. Terrence Howard, Viola Davis, Maria Bello, Paul Dano, Melissa Leo complète la distribution, de quelle manière ! Montre en main, ils et elles s'expriment sans fioritures, tout en justesse. Magnifique dans le chaos.
Prisoners rejoins une liste de film somptueux tel que Mystic River, Le Silence des Agneaux, Zodiac, en somme que des immenses films de ce siècle. Rien que ça. Denis Villeneuve impose d'ailleurs sa marque sur le genre, l'analyse poussé et détaillé tel qu'il s'y engage repousse les limites et s'inscrit dans une démarche de cinéma remarquable, qui compte.
Pour conclure, un ultime compliment pour sa partition musicale, Johann Johannsonn depuis disparus laisse derrière lui un chef d'œuvre. Une B.O pour la postérité.